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Les dessous de la Ferrari 499P LMH

24 Heures du Mans
WEC
29 oct. 2022 • 22:10
par
Thibaut Villemant, à Imola
Si elle a encore de nombreux secrets à dévoiler, Ferdinando Cannizzo – le géniteur de la 499P – nous en dit plus sur la LMH frappée du cheval cabré.
© Ferrari

« Une voiture n'est belle que si elle va vite ». Cette phrase qu'ils adulent tant, les ingénieurs nous la sortent à chaque présentation. Pour éviter toute allégation philosophique, nous irons droit au but : sur le plan esthétique, la 499P est une réussite. Gagnera-t-elle ? Seule la piste le décidera. Mais sous la houlette de Ferdinando Cannizzo – directeur Technique du département GT et Voitures de Sport – les troupes dédiées au programme ont tout fait pour que cela soit le cas.

 

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« Pour toute l'équipe et moi-même, c'est un moment très excitant, a-t-il lâché en préambule. Nous savons que nous avons une énorme responsabilité. Nous avons conçu et mis au point une voiture entièrement nouvelle et particulièrement complexe. Ce défi sans précédent a motivé tout le monde à collaborer de manière globale, en impliquant tous les départements de notre entreprise et nos partenaires techniques. Partir d'une feuille blanche a été une source de motivation unique afin de trouver des solutions efficaces pour garantir un bon niveau de performance et de fiabilité. »

© Ferrari

« Du tout premier shakedown à la première course, nous avons prévu un programme de développement très intense, tant au banc d'essai que sur la piste, ce qui nous a permis d'obtenir des informations intéressantes. Le travail de synthèse qui nous attend dans les prochaines semaines, et qui nous verra procéder à de nouveaux essais sur piste, est crucial pour la mise au point et l'intégration finale de tous les systèmes. Nous avons encore beaucoup de kilomètres à parcourir... Etre présent ici nous a contraints à faire une pause dans notre programme très intense de tests, mais il nous tardait vraiment de vous montrer ce sur quoi nous avions travaillé depuis tout ce temps. »

 

Et cela nécessitait assurément quelques explications

UNE AÉRO TRAVAILLÉE À L'EXTRÊME

Il n'y a pas besoin d'être un expert en la matière pour voir que la 499P a été le fruit d'un travail poussé à l'extrême. Et quand il en parle, on sent de la fierté chez Ferdinando Cannizzo. « Technologie, efficacité aéro et design coexistent de façon très harmonieuse sur cette 499P, souligne ce dernier. Comme vous pouvez le voir, l'aéro est le fruit d'un travail très poussé, et ce dans tous les secteurs. En CFD, en soufflerie... Nous avons tout d'abord pensé uniquement à la technique. Nous avons ensuite collaboré avec nos collègues de Ferrari Styling Centre pour lui donner cette personnalité, cette expression qui permet d'identifier la voiture et de la reconnaître facilement en piste. »

 

Ce qui frappe tout d'abord, ce sont ces flancs très exigus et cette carrosserie presque exempte d'orifices, dans le put de perturber le moins possible l'air filant ensuite vers ce proéminent aileron arrière. « C'est le fruit d'un gros travail, nous a-t-il expliqué. Nous avons énormément oeuvré sur les flux aéro internes, ce qui nous a permis d'optimiser la surfaces et la carrosserie, avec une mécanique très compacte. Nous avons testé plusieurs configurations en soufflerie, dans le but de cerner les limites de l'efficacité aéro tout en optimisant le reste. Mais la fenêtre aéro (appui et traînée. Ndlr) imposée par la règlement est assez restreinte, donc nous n'avons que peu de marge. »

© Ferrari

Beaucoup de flux aéro interne via des canaux traversant la voiture de part et d'autre canalisant l'air vers un diffuseur gargantuesque et traversant les radiateurs cachés dans les pontons latéraux. La prise d'air surplombant le pare-brise laisse pour sa part apparaître trois entrées. « Celle du centre est reliée à la boîte à air, et les deux autres sont destinées au refroidissement », nous a-t-il expliqué.

 

Ayant pu examiner la voiture sous tous les angles, nous avons pu voir les différents canaux traversant l'auto, mais aussi les ailerons se cachant sous le capot avant, preuve supplémentaire d'une voiture apparaissant très complexe sur le plan aéro. Cela signifie-t-il que l'élément mobile se trouve là ?

 

« Nous n'avons pas encore arrêté notre choix, nous a assuré notre interlocuteur. Nous exploiterons jusqu'à la dernière minute le temps que nous avons à disposition avant de figer cela, car nous aurons alors une meilleure compréhension de la voiture que celle qui est la nôtre aujourd'hui. Je pense qu'il est impossible de comprendre une auto en trois mois seulement. Le processus est en cours, mais il se doit d'être finalisé. Et au vu de la date de Sebring (17 mars. Ndlr), il va nous falloir le faire fin 2022 ou tout début 2023. »

© Ferrari

L'aileron arrière biplan a bien évidemment pour objectif de générer de l'appui aéro, « et ses grosses dérives nous permettent de gagner en stabilité » ajoute Cannizzo. L'aileron inférieur n'a en revanche qu'un but esthétique, lui qui abrite une barre lumineuse.

 

Le travail aéro n'a pas empêché un design ô combien réussi, avec un petit côté Daytona SP3 qui n'est pas pour nous déplaire, plus encore quand on sait que cette dernière n'est qu'une réinterprétation moderne des P3 et autres P4.

UN MOTEUR INSPIRÉ DE LA SÉRIE... MAIS PRESQUE INÉDIT

Conformément à ce que nous vous avions révélé, le moteur est un V6 biturbo dérivé de celui équipant la 296 GTB, et donc la 296 GT3. Est-ce le même ? « Non, nous a assuré l'ingénieur transalpin. Il s'agit d'un moteur presque inédit. Mais il reprend l'architecture de notre voiture de route. Par rapport à celui de la 296 GT3, la première différence est qu'il est porteur et remplit une fonction structurelle essentielle. Il nous a donc fallu modifier énormément de choses notamment pour gagner en rigidité. Et le niveau de puissance requis n'étant pas le même, cela a impliqué des changements dans de nombreux domaines, notamment au niveau des turbos. »

 

Des turbos se situant au milieu des deux bancs de cylindres du V ouvert à 120°, pour gagner de l'espace. Implanté en position centrale arrière, le V6 développe 500 kw (680 cv), limite autorisée par le règlement. A la question de savoir si le V12 ou le V8 avait été envisagé, Cannizzo a répondu en rigolant : « Oui, tout a été envisagé. Mais si nous avons opté pour un V6 biturbo, c'est pour des raisons marketing mais plus encore pour des raisons de compacité et de poids. » Ça coule de source...

© Ferrari

Comme l'exige le règlement, le V6 biturbo est couplé à un système hybride pouvant restituer jusqu'à 200 kw (272 cv). « Le groupe motopropulseur de l'auto dans sa globalité est complexe et rend difficile son intégration à la voiture, enchaîne Cannizzo. Le système de récupération d'énergie cinétique est composé d'une batterie placée sous le réservoir, donc juste derrière le siège du pilote, et permet le fonctionnement d'un moteur électrique relié à l'essieu avant via un différentiel. »

 

Si elle a été exclusivement conçue pour la 499P, la batterie lithium-ion de 900V a bénéficié de tout l'expérience acquise en Formule 1. Quant à la boîte de vitesses, elle est dotée de sept rapports.

UNE LIAISON AU SOL PLUS ESSENTIELLE QUE JAMAIS

La BoP influence-t-elle les ingénieurs au moment de concevoir une voiture ? « Non, nous a répondu Cannizzo. Et puis avec le GT, nous avons l'habitude. Ces dernières années, nous avons appris à gérer et à concevoir des voitures pour qu'elles soient constantes tout au long du relais. Pour cela, la gestion des pneus, la cinématique, la répartition du poids et la façon dont la voiture répond aux charges aérodynamiques entrent eu jeu. »

© Ferrari

La cinématique, c'est justement ce qui nous intéresse dans le cas présent. « Celle-ci a été soigneusement peaufinée au simulateur pour optimiser autant le pic de performance que la dégradation des pneus pour avoir la performance la plus constante tout au long des relais, tout en pouvant signer des tours rapides. Si vous retirez la carrosserie, vous verrez que les suspensions de l'auto – double triangulation à poussoir – s'intègrent parfaitement, grâce à une grande compacité, dans la monocoque à l'avant et dans le carter de boîte de vitesses à l'arrière. »

 

Si nous avons essayé d'en savoir plus, l'Italien nous a fait comprendre qu'il ne souhaitait pas encore en dire davantage. Ferrari n'hésite cependant pas à parler de « technologie de pointe permettant d'obtenir des qualités exceptionnelles de rigidité d'amortissement, tant à pleine vitesse qu'en virage. »

 

De son côté, le système de freinage bénéficie bien évidemment de la technologie brake-by-wire. Quant aux pneumatiques, Ferrari a opté pour des gommes plus larges à l'arrière (34) qu'à l'avant (29) et non pour une monte au carré (31) à l'instar de Peugeot sur sa 9X8. « Nous avons évalué les deux solutions, avoue Cannizzo. Les deux fonctionnent, la différence est - sur le papier - faible, mais nous n'avions pas envie de faire partie de la minorité (Peugeot sera le seul à avoir quatre pneus de même largeur. Ndlr). » Et ce même si la vitesse de déclenchement du moteur électrique est moindre (140 km/h contre 190).

Commentaires (5)

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JMP

29 oct. 2022 • 22:11

Fantastique

vvf36

29 oct. 2022 • 23:39

Flux interne pour l'aéro ? Attention Nissan et Aston (AMR-One) ont essayé pour le résultat que l'on connaît. Même Audi avec la R15 a eu des problèmes pour parler d'une voiture plus sérieuse.

tvillemant

29 oct. 2022 • 23:52

@vvf36 : Oui mais beaucoup d'autres ont réussi, Toyota notamment.

dmeyers

30 oct. 2022 • 10:12

De toutes les façons les pneus en 34/29 c'est obligatoire pour toutes hypercar homologuées à partir du 1er janvier 2023, si je ne m'abuse ?

Nicosk3

30 oct. 2022 • 22:14

Quelle émotion de revoir une Ferrari proto moderne. Tellement heureux qu'elle soit belle.