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Réflexion personnelle : faut-il venir en Australie ?

Endurance Info
20 jan. 2020 • 10:45
par
lm@endurance-info.com

Depuis quelques semaines, les questions sont toujours les mêmes. Faut-il venir en Australie malgré les incendies qui sévissent dans le pays ? Faut-il maintenir des événements sportifs qui sont bien loin des préoccupations du pays ? A ces deux questions, la réponse est oui même des précautions doivent être prises.

Pour être totalement honnête, avant de monter dans l'avion pour l'Australie, je me suis posé la question. Il y avait le risque sanitaire mais aussi celui de voir des manifestations sportives annulées. Les nombreux commentaires lus (en France) sur les réseaux sociaux allaient plutôt dans le sens de ne pas venir. Pour nous, c'est un déplacement d'un mois avec l'Asian Le Mans Series au Bend, l'Adelaide International Tennis, le Tour Down Under vélo (masculin et féminin), l'ATP Tour à Melbourne et les 12 Heures de Bathurst. J'avais tout de même un plan B au cas où... L'Australie aurait pu se transformer en dernière minute en déplacement aux Etats-Unis pour couvrir les 24 Heures de Daytona. Il y avait même un plan C qui était de rentrer dans la foulée du meeting Asian Le Mans Series. La qualité de l'air pouvait être un problème comme la semaine passée à Melbourne ou à Sydney le soir de mon arrivée où la pollution se faisait clairement sentir.

A une époque où le dérèglement climatique doit être pris en compte, venir en Australie est déjà un non-sens vu qu'il faut prendre deux avions qui polluent pour près de 20 heures de vol. Si vous connaissez une autre solution pour boucler les 17 000 km entre Paris et Sydney, je suis preneur. Le bateau ? Depuis quand un bateau ne pollue pas ? Ou alors il faut demander à Francis Joyon et son IDEC Sport de me déposer. Le hic est que les manifestations sportives risquent bien d'être terminées avant notre arrivée.

Si je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez, alors oui organiser des manifestations sportives quand le pays connaît une grave crise climatique n'est certainement pas opportun. Ce sujet ne peut être compris qu'une fois sur place. Dans un pays dont la superficie est de 7 741 000 km2 (552 000 km2 pour la France), l'air est respirable à Adelaide mais moins à Melbourne ou à Sydney. Dans la région d'Adelaide, les incendies ont sévi le mois dernier avec 86 habitations détruites et de nombreuses récoltes viticoles détruites.

Les détracteurs vont nous dire que le pouvoir de l'argent est plus important que le climat, ce qui dans certains cas est totalement vrai. Dans le cas de la région d'Adelaide, le tourisme est une manne financière importante et les habitants rencontrés le week-end dernier n'étaient pas opposés à la tenue du Tour Down Under. Une commission indépendante a estimé à 392 millions de $ (AUD), soit plus de 200 millions d'euros, l'impact des différentes manifestations sportives de début d'année dans l'économie locale. "L'année passée, le Tour Down Under a attiré près de 50 000 visiteurs venant de la région et en dehors", a déclaré Steven Marshall, premier ministre de l'Australie du Sud. "Ce qui équivaut à 71 millions de dollars pour notre économie locale et l'équivalent de 837 emplois à plein temps." Le tourisme emploie 38 900 personnes. Durant les événements sportifs, l'hôtellerie de la ville d'Adelaide est occupée à près de 98%. Avant la fin de l'année, plus de 700 chambres supplémentaires seront disponibles.

Le sport ne doit pas faire oublier ce qui se passe dans le pays et les sportifs ne s'y sont pas trompés. Entre les tennismen, les équipes de course, les promoteurs, les cyclistes, tout le monde met la main à la poche, moi y compris, à ma façon. Hier, lors de l'arrivée du Tour Down Under féminin, dans le centre d'Adelaide, il y avait des manifestants, mais uniquement pour demander la libération de Julian Assange, pas contre la tenue d'une course cycliste.

Je n'hésite pas à mettre des pièces dans les urnes disponibles dans le village du Tour Down Under, j'ai payé des nuitées dans les hôtels de la région, j'ai dépensé pour les repas, la location de voiture, le carburant, les parkings, les tickets pour le tennis et peut-être même que je vais devoir m'acquitter du paiement d'un PV pour excès de vitesse. J'ai même payé pour avoir une traduction de mon permis de conduire. RLR Msport, équipe de LMP2, soutient également les pompiers qui luttent contre les incendies, Romain Bardet a mis aux enchères ses chaussures qu'il va utiliser au Tour Down Under. Les prix du Schwalbe Classic ont été intégralement reversés en soutien aux personnes sinistrées. Les tennismen se sont eux aussi mobilisés.

A partir de ce soir, je ne serai plus seul puisque 'PP', mon compère de voyage australien, arrive pour suivre le Tour Down Under, l'ATP Tour et les 12 Heures de Bathurst. Ce sera donc de l'hôtellerie en plus à payer, des repas, des entrées pour le tournoi de tennis, etc... Vous aurez compris que je ne peux pas enfiler une combinaison et mettre un casque pour aller lutter contre les incendies, mais des milliers de personnes comme moi aident à leur façon même si c'est d'une façon indirecte. Si je n'étais pas venu, les incendies n'auraient pas diminué mais l'économie locale du café en aurait pris un coup et mon copain barista du Tour Down Under aurait eu moins de travail.

Est-ce plus grave d'organiser une course cycliste en Australie devant des milliers de personnes contentes d'être là que d'organiser des Championnats du Monde d'Athlétisme à Doha dans une fournaise devant des tribunes vides ? Chacun se fera sa propre idée...

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