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Olivier Jansonnie sur la Peugeot 9X8 2024 : « Ne pas se contenter de survivre grâce à une BoP favorable »

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25 mar. 2024 • 11:00
par
Thibaut Villemant
Clé de voûte du programme Hypercar de Peugeot Sport, le directeur technique français fait le point sur l'avancée du projet 9X8 2024 et sur les ambitions de ses troupes, à court et moyen termes.
© Peugeot Sport

Olivier, pardonnez-nous, mais nous irons droit au but d'entrée : avez-vous pu constater un bond en performance quand vous avez mis sur la piste la version 2024 de la 9X8 ?

Il faut tout d'abord prendre en compte le fait que nous sommes contingentés en essai. Nous n'avons donc pas vraiment le loisir de faire rouler les deux versions 2023 conjointement en permanence car sinon cela est comptabilisé comme deux jours d'essai. Après, de nombreux facteurs entrant en jeu, c'est encore trop tôt pour le dire.

 

 

Il y a tout d'abord la performance brute sur un tour. Nous avons une certaine continuité de comparaison avec Toyota depuis fin 2022 et nous savons que le déficit à combler est très important. Oui, nous avons pu constater un écart (par rapport à la première version de la 9X8. Ndlr), mais à quel point nous sommes-nous rapprochés ? Dur de le savoir. Après il y a tout ce que nous ne découvrirons qu'en course : la constance des relais, la gestion des pneumatiques, etc.

 

Mais faire rouler de concert les deux versions vous l'avez fait n'est-ce pas ?

Oui, l'espace d'une journée au Paul-Ricard (fin 2023. Ndlr). L'idée était de se rassurer, de vérifier que tout était calé. Mais nous n'avons pas passé beaucoup de temps à comparer les deux voitures. Si certains pilotes ont eu l'occasion de sauter de l'une à l'autre, la comparaison n'a jamais été l'objet principal,

 

Quelles informations vos pilotes vous ont-il remontées ?

Le mieux est encore de le leur demander. Après ils connaissent parfaitement la voiture 2023, que nous avons bien optimisée. La version 2024 est plus brute de décoffrage en terme de réglages. Ce que je peux vous dire c'est que nous n'avons pas eu de grosses surprises et que nous avons retrouvé les caractéristiques que nous attendions côté ingénieur. Mais quelque part, c'est de la mécanique de base.

 

Nous connaissions les points forts et faibles de la voiture 2023 et nous avons progressé sur ces derniers. Et les pilotes nous le confirment. La question, maintenant, est de connaître l'importance de ces progrès par rapport à la concurrence. Et ça, nous ne le verrons qu'en course. Mais nous allons dans la bonne direction, il n'y a aucun doute là-dessus. Avec ce changement de pneumatiques, nous retrouvons quelque chose d'un peu plus normal.

© Peugeot Sport

N'avez-vous pas l'impression de courir après le temps ?

Sans nul doute. Je dirais d'ailleurs que le plus gros du défi a été de réussir de mener à bien ce travail de développement tout tout en déroulant une saison de course. Par la suite, le faible laps de temps que nous avions à disposition nous a contraints à commencer les essais de cette « nouvelle » voiture à une époque qui, habituellement, est déjà consacrée à la préparation des 24 Heures du Mans.

 

Nous avons donc débuté par des essais d'Endurance après avoir sauté la case essais courts et sans avoir passé énormément de temps à faire du réglage. Mais nous ne repartons cependant pas de zéro en terme de validation puisqu'un certain nombre d'éléments ont été conservés. Par ailleurs, la voiture a l'air de réagir conformément à nos attentes, donc nous ne sommes pas tellement inquiets. Nous avons encore beaucoup à apprendre, notamment sur les pneumatiques car les fenêtres de fonctionnement ne sont pas exactement les mêmes.

 

Malgré un changement de philosophie de BoP, pensez-vous qu'il faille un certain temps aux instances dirigeantes pour vous donner une BoP cohérente ?

Au Qatar, de façon générale, un certain nombre des nouveaux entrants n'ont en aucun cas pu prétendre au niveau de performance ultime. Le sort qui nous sera réservé devrait être identique puisque ça fait partie de l'algorithme de la BoP 2024 et cela nous inquiète un peu. Mais nous avons aussi des indices qui nous laissent à penser que nous sommes, en 2024, en nets progrès concernant les algorithmes de BoP. Donc c'est un risque, même s'il est plus faible que l'an passé. Et s'il était avéré, je pense que cela devrait converger plus rapidement.

 

Il faut que ce soit le cas d'ici Le Mans, où vous n'aurez d'autre choix que de jouer aux avant-postes non ?

Je ne peux répondre à cette question là avant Imola, voire probablement Spa (11 mai. Ndlr). Il faudra voir avant tout où est-ce que nous allons nous situer en performance là-bas. Et encore, la question est compliquée car Le Mans est considérée comme une course à part niveau BoP de par le profil de circuit.

© Peugeot Sport

S'agit-il d'une nouvelle homologation ou avez simplement utilisé des jokers et si oui combien ?

Il y a six mois environ, une tentative pour qu'il y ait davantage de transparence a été poussée (Aujourd'hui ce genre d'informations est confidentielle entre le législateur et les concurrents et nul ne sait ce à quoi ses rivaux ont eu droit. Ndlr). Mais pour des raisons que j'ignore celle-ci a avorté. Donc ne sachant pas trop ce que font les autres font aujourd'hui, nous ne communiquerons pas sur le sujet. Et pour être franc, nous n'avons même pas la réponse officielle à cette question et nous ne l'aurons que le jour de l'homologation, dans les jours à venir.

 

Pourquoi ?

Ce qui se passe, c'est que nous proposons un dossier d'homologation à l'ACO et la FIA en expliquant que ce que l'évolution que nous apportons nécessite un nombre de jokers minimum. Et ce sont eux, ensuite, qui font la police et nous disent si cela en requiert davantage ou non.

 

Ressentez-vous de la pression, le sentiment de ne pas avoir le droit à l'erreur ?

La pression, nous avons besoin de personne pour nous la mettre et elle est là depuis un bon moment déjà. Mais ce qu'il faut retenir, c'est la volonté de Peugeot de venir se battre au plus haut niveau et de ne pas se contenter de survivre grâce à une BoP favorable. Nous revenons pour nous battre au plus haut niveau. Nous avons prouvé avoir une résilience au mal et avons démontré que nous savions gérer des courses et tirer la quintessence du matériel à disposition.

Commentaires (5)

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dmeyers

25 mar. 2024 • 12:48

Il ne se mouille pas le gars ! Il n'est même pas particulièrement optimiste sur le fait d'avoir une BOP correctement ajustée pour le Mans.

Cabrelbeuk

25 mar. 2024 • 12:56

Ca reste prudent tout de même, probablement sage de pas se montrer arrogant.

tvillemant

25 mar. 2024 • 14:03

J'y vois plus de la prudence qu'autre chose. La BoP du Mans sera spécifique à cette épreuve. Et quand Olivier Jansonnie évoque ses "craintes" au sujet de la BoP, c'est tout simplement lié au nouveau système (lien ci-dessous), qui ne "compense pas un manque de performance dû à un manque de données représentatives." Sous-entendu, compliqué pour un nouvel entrant d'être direct dans la lutte, et ce comme nous avons pu le voir au Qatar avec Alpine, BMW et Lamborghini. Mais Olivier insiste également sur le fait qu'un vrai pas en avant a été fait en ce qui concerne la philosophie de la BoP.

https://www.endurance-info.com/auto/article/110962-wec-la-bop-2024-comment-ca-marche

dmeyers

25 mar. 2024 • 16:36

@tvillemant : Si Olivier J. considère "qu'un vrai pas en avant a été fait en ce qui concerne la philosophie de la BoP" dont acte, il n'en reste donc pas moins que la BOP véritable usine à gaz avec beaucoup trop (c'est mon avis) de paramètres à géométrie variable, est encore loin de faire correctement le job, il est quand même fort de café d'en être arrivé à considérer comme normal qu'une nouvelle auto soit 'à la rue' lors de ses premières courses par la grâce de la dite BOP.

Ben_LM

25 mar. 2024 • 21:55

@dmeyers c est vrai que c est illogique qu une nouvelle voiture soit ralentie par une bop prudente mais il faut se rappeler la raison première de la bop: Limiter les coûts! Si on récompense ceux qui développent tous les ans les voitures en profondeur ce règlement tombe par terre!