Chronique d'un monde qui change, part 8
Endurance-Info va fêter cette année un anniversaire, celui de sa 15e année de présence sur Facebook. Pourquoi vous dire cela ? Vous vous souvenez des débuts ? Le réseau social était sympa même si on disait beaucoup de choses pour rien dire, à la limite du « je vais aux toilettes, je reviens. » Mon premier post était « Bonjour Facebook ! » Super, quand t’as aucun ami virtuel et que tu débarques. Facebook a en grande partie mis fin aux forums. Petit à petit, le premier réseau social mondial est devenu ‘The place to be’.
Pour diffuser les infos, Facebook était intéressant. Les pilotes, les équipes, tout le monde y mettait sa petite info ou sa petite photo. En 15 ans, l’idée de départ a vrillé. Déjà, Facebook est devenu quasiment has been et les réseaux, qui n’ont plus rien de sociaux, se sont développés. En 2024, si tu veux exister, il faut être partout : Facebook, X, Instagram, Threads, TikTok, Snapchat. Je vais rajouter Tinder. Tu passes ton temps sur ton téléphone à chercher l’info sur les réseaux sociaux. Pilotes, Equipes, promoteurs, tout le monde communique en premier sur ces plateformes. Toi, tu cherches, tu fais des stories, des publications à telle heure et pas à telle heure pour avoir une meilleure portée, tu mets une photo par jour verticale et pas horizontale. Avant, tu publiais des photos tout simplement. Après, il y a eu les vidéos, maintenant les réels. J'ai l'impression que ma mission est d'être connecté H24.
Depuis 2006, Endurance-Info m’a fait voyager partout dans le monde. J’ai roulé ma bosse dans le monde entier, jusqu’à près de 300 jours/an. C’était sympa de partager le tout en images pour la famille, les amis réels et virtuels. Maintenant, on peut mettre des filtres, retoucher et faire un tas de montages. Une nouvelle façon de communiquer avec la petite pastille bleue pour exister encore un peu plus.
Est-ce que l’on peut rester en dehors de tout cela ? Difficilement… Pour être transparent, lors de la refonte d’Endurance-Info, j’avais émis l’idée aux développeurs de se passer des réseaux sociaux. Les mecs m’avaient pris pour un fou. Sur le fond, ils avaient raison car l’info doit passer par les réseaux sociaux. C’est comme ça. Personnellement, je vois plus cela pour déconner avec les gens que j’apprécie. Chacun son truc. Moi, j’aime boire des bières avec Vincent Vosse, manger des madeleines chez Saintéloc, discuter vélo avec Stéphane Ortelli, faire un blind test musical dans la chambre d’hôtel de Laurent Gaudin avec Pierre au Nürburgring ou enregistrer un podcast vidéo d’une heure en voiture à Sebring avec Thibaut pour finalement se dire ‘ouais finalement on ne va pas le publier.’ Pourtant, le matos était là, les caméras, les micros et ça a accouché de rien car on s'est dit que ce n'était pas assez quali'.
En Endurance, Nissan a été très en pointe sur la communication avec sa LMP1 en carton. L’award de la décennie peut être décerné à Darren Cox. Une petite anecdote en passant. Nous sommes au Mans en 2015, Darren nous promet de mettre une branlée à la concurrence avec sa voiture rouge. Humilité zéro mais j’avoue que le gars est fort. Il communiquait à outrance sur Twitter. Je le voyais à prendre des photos de ses bébés dans la voie des stands. J’étais à quelques mètres de lui. Je prenais aussi des photos que je mettais sur Twitter en le taguant. A chaque fois, son téléphone bipait et il regardait autour de lui. Il voyait bien que quelqu’un prenait quasi les mêmes photos. J’ai fait ça une dizaine de fois. Je voyais que ça le rendait fou de ne pas savoir. Moi, ça m’a fait bien fait rire, c’est beau d’être jeune.
Sur les forums, il y avait des modérateurs qui pouvaient remettre l’église au milieu du village. En 2024, c’est l’anarchie où tout échange constructif est proscrit. Il faut critiquer pour critiquer en se cachant derrière un pseudo. Pas plus tard qu’hier soir, nous avons reçu quelques scuds concernant l’award du Français de l’Année 2023, récompense donnée à Jules Gounon. Bouh, il n’est pas Français, il est d’Andorre. On va arrêter les conneries. Je ne comprends même pas l’intérêt d’un tel débat. En sport auto, on met la nationalité de la licence sportive, pas de la nationalité du pilote. Bien ou pas, c’est comme ça. C'est comme ceux qui disent en réponse à un article 'je ne lis plus L'Equipe car c'est de la merde'. C'est ton droit mais alors pourquoi tu mets ce message sous le lien d'un article du canard. Elle est où la logique ?
Le virtuel supplante le réel. Pour ma part, l’Endurance m’a fait rencontrer des gens exceptionnels, de véritables passionnés. Un Romain Dumas m’étonne toujours. Le mec mérite une médaille pour tout ce qu’il peut entreprendre. Lui a mon respect à vie. Que dire d’un Jean-Claude Ruffier, qui a 84 ans, prend encore son camping-car pour aller sur les circuits en simple passionné. Même chose pour un Pascal Witmeur qui enchaîne les projets alors qu’il pourrait se la couler douce. Et Alain Ferté qui à 68 ans arrive encore à mettre une peignée en piste à des petits jeunes. Eux me font rêver et ils sont bien réels. C’est ça aussi l’endurance. Je peux y rajouter un Guillaume Moreau et sa hargne de vivre. Un exemple !
Ce sport m’a aussi permis d’assouvir mes rêves, de voyager, de travailler dans le monde du sport auto, de transmettre quelque chose, surtout la bonne information mais aussi de commenter des courses grâce à SRO et un Laurent Gaudin qui a toujours soutenu la presse qu'il n'aime pas (private joke). Petit, je voulais être pilote de course. Je n’avais ni les moyens, ni le talent. Contrairement à certains, je n’ai pas la moindre frustration à être journaliste et pas pilote. J’ai eu la chance d’essayer pas mal de voitures de courses, GT comme protos, mais uniquement pour le fun, pour faire comprendre qu’un clampin comme moi peut rouler et prendre du plaisir. Aller vite, c’est autre chose. Il me reste un rêve à accomplir : essayer une GT3, just for fun. En attendant, j’ai la chance d’être dans deux aventures de Michel Vaillant, ce qui pour moi n’a pas de prix pour un gamin qui a dévoré les albums de Jean Graton et ne pensait pas une seconde en faire son métier. Bon, ma vie personnelle est un peu bancale mais qu'importe. Tout le monde n'est pas Valtteri Bottas qui vit avec Tiffany Cromwell, le couple sport auto et vélo.
Avec Internet, une fois qu’on a appuyé sur publier, l’info est diffusée partout dans le monde. On ne sait plus à qui elle appartient, tout le monde se l’approprie sans aucun scrupule. Un simple compte sur les réseaux sociaux sans aucun rôle journalistique et le tour est joué. Une fois, nous avons diffusé un communiqué de presse dans les deux langues (FR et GB) pour annoncer les débuts d’une nouvelle équipe. L’info avait été reprise par plusieurs médias. Quand on avait demandé ‘mais vous l’avez pris où l’info ?’ Les mecs te répondent mordicus qu’ils avaient reçu le communiqué. Mouais. Aucun risque car tout était bidon : le communiqué, l’équipe. Nous avions juste prévenu en amont le constructeur de la supercherie et qui avait trouvé l’idée originale. Conne mais originale. La moindre des choses est de citer ses sources. Mais ça…
En 2024, tout le monde est journaliste, enfin se dit journaliste. Quand nous avons débuté, aucun de nous n’avait une carte de presse. Il y a une chose que nous avions : l’éducation. La carte de presse est venue plus tard et je prends cela comme une petite fierté bien loin de l’abattement fiscal qui ne me sert à rien.
Maintenant, un simple compte Instagram, une photo, une belle petite présentation et tu fais dix fois sur plus de likes qu’un média. La roue qui tourne ? C’est peut-être cela le monde qui change et moi qui devient has been. J’espère juste qu’il y a encore des lecteurs pour de vrais articles. Il faut dire que dans la plupart des cas, les constructeurs ne jouent pas le jeu en faveur des médias. Ils vont préférer ouvrir les portes à quelqu’un qui ne va pas poser la moindre question et qui va trouver tout génial. Une communication gratuite à sens unique. Avec le temps, je me dis que les vrais médias dérangent car ils posent des questions, qui parfois restent sans réponses. Ah ça, pour te dire qu’il ne fallait pas écrire cela, il y a plus de monde. Les mecs, on fait de l’Endurance. Quand vous voyez comment les gars s’écharpent à parler football ou cyclisme. Les chaines infos, la radio, les réseaux sociaux font la même chose. On met des gens autour d’une table, on parle, on gueule, chacun donne son avis sur tout. Mais avec quelle légitimité ? C’est comme si moi tu me mets dans un débat pour parler rugby. Je pipe que dalle au rugby, je ne connais même pas les règles. Qu’est-ce que tu veux que j’aille emboucaner qui que ce soit à parler rugby ?
Je parle de ce que je pense connaître, alors qu’on arrête de venir me dire la messe. Le passé d’Endurance-Info plaide en sa faveur. Les choses sont parfois allées assez loin. Je ne vais pas m’étendre sur le sujet mais être blacklisté par un championnat (malgré une carte de presse) fait mal et je dois avouer que c’est quelque chose que j’ai très mal pris. Peut-être la seule fois où j’ai voulu tout arrêter, mettre mes savates et terminé bonsoir. La raison ? Ne pas avoir voulu donner le nom d’une source pour une info qui était vraie. Le respect des sources, la base même du journalisme. Redescendez sur terre, on parle d’endurance, on ne va pas sauver le monde. Je vous le répète, cette sale histoire m’a vraiment affecté car j’ai trouvé cela si injuste.
Vous l'aurez compris, le monde de la communication change. Les communiqués de presse se font rares car tout passe par les réseaux sociaux. La mode est aussi aux communiqués sous embargo où t’as toujours peur de faire une connerie. Il faut bien scruter l’heure de diffusion. Est-ce CET, GMT, Eastern Time, British Time ? Si on prend le cas du WEC, qui voit affluer les constructeurs, il devient de plus en plus compliqué de voir les acteurs sans être enregistré, écouté. Tu fais des tables rondes où tout le monde a la même chose à écrire, où ceux qui ne posent pas la moindre question ont quand même du grain à moudre. Bien entendu, le championnat n’y est pour rien car il faut bien que le marketing justifie sa fonction. Personnellement, ce n’est pas ma façon de voir les choses dans un sport qui se veut ouvert et être une "grande famille".
Les journalistes se font de plus en plus rares sur les circuits et on ne voit pas de relève arriver. A contrario, ça grouille de vidéastes et d’influenceurs. Quand je vous dis que le monde change. Quel est le business modèle d’un média 2.0 dédié à l’Endurance en 2024 ? Si vous avez la réponse… La publicité se fait rare, voire inexistante. Il faut donc trouver des alternatives. Elles sont là mes interrogations. Comment se développer ? J’ai la chance de travailler avec deux vraies pointures de la discipline capables de jouer avant-centre, arrière latéral ou ailier. Impossible de trouver mieux. Je vais rajouter Fabrice Bergenhuizen qui nous écrit les articles NLS depuis des années et plus récemment Pierre-Laurent Ribault pour l’Asie ? Les deux font cela par pure passion sans rien attendre en échange. Il ne faut pas les oublier.
Des idées pour 2024 et au-delà, nous en avons plusieurs. La question est de savoir comment les financer. Un budget pour sortir trois salaires, payer les déplacements, toute la maintenance informatique et faire un peu développement demande beaucoup d’argent, à savoir plusieurs centaines de milliers d’euros. J’osais espérer que la bonne santé de l’Endurance ferait qu’il serait plus facile de trouver des investisseurs qui croient dans le projet. Nous avons une chose en commun tous les trois, à savoir que nous ne sommes pas des commerciaux. Nous, on va débusquer l’info pour la relayer. Un budget de fonctionnement d’un média 2.0 comme Endurance-Info est pourtant une goutte d’eau dans tout ce qui est dépensé dans le milieu. Elle est peut-être là ma seule frustration, ma seule déception. Ne pas avoir su, et ne pas savoir, trouver les ressources. On doit compter sur les abonnements pour poursuivre, d’où une augmentation en 2024 avec un abonnement qui passe de 1,50€/mois à 2€, mais avec encore plus d'infos à y lire. Sans cela, ce serait encore plus compliqué.
Alors, bonne année 2024 et j'en profite vous adresser tous mes voeux à ceux qui nous manquent. Canard, Claude, Kaneko, Pascal, vous nous manquez, mais où que vous soyez, vous devez voir que le monde change. Papa, bonne année, et si tu te poses la question, oui je continue mon métier de journaliste que tu as tant soutenu...
Commentaires (30)
Connectez-vous pour commenter l'article
denis47
2 jan. 2024 • 9:44
Merci et longue vie à notre média si endurant sur l'endurance.
Vette76
2 jan. 2024 • 11:34
Fastdriver
2 jan. 2024 • 11:55
xavierpompidoudeveloppement@gmail.com
2 jan. 2024 • 12:29
bon courage et all the best pour 2024 !!!
Au plaisir de se retrouver 😉...
dmeyers
2 jan. 2024 • 12:53