Auto

Pipo Derani : "Être au bon endroit au bon moment"

Featured
IMSA
24 avr. 2020 • 15:00
par
lm@endurance-info.com

Le nom de Pipo Derani ne vous est certainement pas inconnu. Comme tout pilote, le Brésilien rêvait de Formule 1. Sa troisième place au GP de Macau F3 en 2013 aurait pu lui permettre de se faire remarquer des équipes des catégories supérieures, lui qui a fait le choix de venir en Europe à l’âge de 15 ans pour rouler en British F3. Fin 2013, Luis Felipe Pipo Derani était dans une voie de garage après une 7e place au championnat Toyota Racing Series et une 8e en FIA European F3. C'est alors que Murphy Prototypes lui donne sa chance pour piloter une ORECA 03 sur les deux dernières manches European Le Mans Series 2014 avec, en guise de début, une 3e place au Paul Ricard. 

« Après les deux courses avec Murphy Prototyes en 2014, je ne savais pas trop à quoi aller ressembler 2015, mais parfois il faut être au bon endroit au bon moment », se souvient Pipo Derani. « Et cet endroit était le meeting WEC au Brésil, en novembre 2014. J’étais là en spectateur déambulant dans le paddock en espérant que quelqu’un avait vu mes deux courses avec Murphy quand je tombe sur Olivier Pla. Nous avons commencé à discuter. Olivier et moi n’avions parlé qu’une seule fois auparavant. Il avait fait les essais de pneumatiques Dunlop à Monza quelques semaines plus tôt. » En 2014, Olivier Pla roulait en WEC pour le compte de G-Drive Racing. 

« Je lui ai dit que je n’avais rien pour 2015 et il m’a dit de revenir plus tard pour qu’il me présente son team principal et manager, Philippe Dumas. Je dois dire un grand merci à Olivier. J’ai rencontré Philippe et, à ma grande surprise, il était au courant de ma performance avec Murphy. J’ai su plus tard que c’était Dunlop qui avait parlé en bien de moi. Quelques jours plus tard, il m’a convié à un test à Magny-Cours. J’ai pris les billets et je suis parti avec Marina (sa compagne devenue par la suite sa femme, ndlr) pour rejoindre la France. Elle ne savait pas que la destination finale n’était pas Paris, mais bien Magny-Cours où elle a passé toute la journée de roulage dans une Renault Twingo de location avec le chauffage à fond. » 

Philippe Dumas se souvient lui aussi du test de Magny-Cours : « La rencontre avec Pipo s’est faite grâce à Olivier. Nous avions des essais de frein à faire à Magny-Cours et nous l’avons convié pour ce roulage car je n’avais pas de pilote sous la main. C’était sur la Morgan LMP2. Pipo m’a plu tout de suite et je savais ce qu’il avait fait chez Murphy sans la moindre expérience en prototype. Une fois les essais terminés, c’était mon souhait de l’avoir sur le programme G-Drive. » 

Le Brésilien a des souvenirs bien précis du roulage de Magny-Cours : « C’était sur la Morgan LMP2, le proto ouvert, alors qu’il gelait. Je me souviens qu’en quelques tours, je ne sentais plus mes doigts. Il faisait vraiment très froid. Je n’ai pas commis de faute dans ce qui était pour moi le plus faible niveau d’adhérence que je n’avais jamais connu. Cela a aidé à avoir le volant pour le WEC en 2015. »

Cette année-là, G-Drive Racing faisait rouler deux Ligier JS P2 et Pipo Derani pouvait compter sur un habitacle fermé. « La deuxième Ligier était très sud-américaine avec Pipo Derani, Ricardo Gonzalez et Gustavo Yacaman », précise Philippe Dumas. « Olivier (Pla) partait chez Nissan et Pipo était le pilote qu’il nous fallait. J’avais tout de même quelques doutes sur sa condition physique. Sur l’autre Ligier roulait Sam Bird, certainement un des pilotes les plus rapides sur cette terre. Pipo est parvenu à se hisser au niveau de Sam dans un proto. C’était indéniable qu’il avait tout pour réussir, la vitesse mais aussi l’intelligence. Tout ce que tu lui dis, il le met en pratique. Il a aussi ce côté humain très attachant. Il est arrivé avec un statut de pilote payant, il est reparti avec celui de pilote payé. Il fallait lui donner sa chance. »

La saison 2015 débute à Silverstone avec une pole pour Pipo Derani. Le lancement du jeune pilote en Endurance était parti : « 2015 marquait le début d’une relation incroyable avec Ligier. J’étais finalement en route pour parcourir le monde et piloter. Vivre un rêve ! C’était une saison ‘tout ou rien’ pour moi, mais elle a été plutôt bonne avec une pole dès la première course et une 3e place au championnat pour ma toute première saison en voitures de sport. Terminer 4e des 24 Heures du Mans pour mes débuts était aussi un rêve devenu réalité. Pour couronner le tout, j’ai terminé l’année avec un nouveau manager. Son nom : Philippe Dumas. » 

Philippe Dumas a suivi de près plusieurs pilotes et force est de constater qu’il ne s’est jamais trompé sur les hommes : Fred Mako, Olivier Pla, Pipo Derani. « Les trois ont galéré », explique Philippe Dumas. « Mais les trois n’ont pas tardé à être reconnu à leur juste valeur une fois qu’on leur a donné le matériel adéquat. Il y a des coups du destin. Pipo m’a fait confiance très tôt. Il a beaucoup roulé en F3, il avait du talent et il aurait dû faire bien mieux que ça. Il a clairement un bel avenir devant lui et j’ose espérer qu’il est en tête de liste des constructeurs. Qui sait si un jour Pipo Derani ne gagnera pas Le Mans au volant d’un prototype Ferrari ? » 

Cette année 2015 a forcément une saveur particulière pour Pipo Derani : « Rouler dans un Championnat du Monde demande des vols de longue distance, surtout pour quelqu’un comme moi qui vivait à l’époque au Brésil. En 2015, le WEC avait une course au Japon et une en Chine avec un week-end entre les deux. J’ai donc décidé de rester en Asie et de profiter de quelques jours avec Marina en Thaïlande. Nous nous sommes fiancés, ce qui pour moi était la cerise sur le gâteau. Nous étions assis sur un marché local à Bangkok en train de manger du riz gluant à la mangue lorsque Philippe Dumas m’a appelé. Il n’appelle jamais, donc c’était une très mauvaise nouvelle ou une très bonne. Il a dit ‘Tu es maintenant un vrai pilote Pro’. Il venait de gérer mon tout premier salaire en sport auto pour 2016. »

Depuis 2015, Pipo Derani s’est fait un nom de l’autre côté de l’Atlantique en remportant les 12 Heures de Sebring 2016, 2018 et 2019, les 24 Heures de Daytona 2016, Petit Le Mans 2019. Mais tout ça, c’est une autre histoire…

Commentaires

Connectez-vous pour commenter l'article