Antonio Ferrari, le concepteur de vélo
L’idée de départ de cet article nous vient de notre ami Lucien Monté qui est allé rendre une visite à Antonio Ferrari, le charismatique patron d’Eurointernational, l’équipe qui approche les 1000 courses.
Avant de diriger l'équipe de course que l'on connaît en European Le Mans Series, Antonio Ferrari a obtenu un diplôme d’ingénieur mécanique en 1981 à l’Université La Sapienza à Rome avant de se spécialiser dans l’aérodynamisme des voitures de courses chez Pininfarina à Turin. A cette époque, l’actuel patron d’équipe est considéré comme un touche-à-tout, jusqu’à concevoir un vélo particulier. Nous avons voulu en savoir plus sur ce vélo et Antonio Ferrari nous a gentiment raconté l’histoire.
« Durant mes études universitaires, j’ai étudié le système de suspension en porte-à-faux et l’utilisation de caoutchoucs de butée au niveau des amortisseurs pour les voitures de courses, a confié Antonio Ferrari à Endurance-Info. Entre 1978 et 1980, j’ai commencé à concevoir un cadre pour motos et vélos utilisant ce système de porte-à-faux avec les pneus arrière uniquement maintenus par le cadre inférieur du châssis, sans aucune connexion avec le cadre supportant la selle. Durant plusieurs années, cette recherche n’est restée qu’une étude et un projet à l’état brut. »
Nous sommes en décembre 1988 et Antonio Ferrari migre aux Etats-Unis pour rejoindre Dollop Racing, une équipe qui compte une participation aux 24 Heures du Mans cette même année avec une Lancia LC2.
« Lorsque je suis parti aux Etats-Unis pour lancer le programme IndyCar pour Dollop Racing, l’équipe qui deviendra par la suite Euromotorsport Inc en mai 1989, j’ai fait la connaissance de Leigh Sargent, un Australien vivant à Indianapolis, se souvient Antonio Ferrari. Son entreprise était l’atelier officiel de réparation des pièces en carbone de mes Lola qui roulaient en IndyCar, et qui elles étaient régulièrement dans son atelier pour des réparations. » En 1989, la Lola T88/00 pilotée par Davy Jones engagée par Euromotorsport Inc termine à une très belle 7e place à Indy500, une édition remportée par Emerson Fittipaldi.
Si vous êtes familier des courses de vélo, le nom de Leigh Sargent doit vous rappeler quelque chose. C’est lui qui a créé la célèbre marque de roues ZIPP qui équipe encore cette année l’équipe UCI World Tour Movistar. Ingénieur de métier, Leigh Sargent a travaillé en IndyCar. Il a imaginé une roue pleine disponible en quatre couleurs. Les roues en carbone sont développées dans le même atelier que les pièces pour l’IndyCar.
« Je suis devenu ami avec Leigh, explique Antonio Ferrari. J’ai alors commencé à lui parler de mes recherches sur le vélo en carbone avec ce type de cadre spécifique. Leigh avait alors beaucoup de doutes sur le projet, alors j’ai conclu un marché avec lui. Je paye Leigh pour la fabrication de deux cadres en carbone pour le châssis, je lui fournis le guidon, la fourche, le système de vitesses Shimano et la selle Italia Turbo, ainsi que tout le travail d’assemblage effectué par mes mécaniciens. Leigh me fournissait deux roues en carbone et des pneus tubeless. »
Une fois assemblé, Antonio Ferrari a pu constater le travail. « Le premier vélo assemblé fonctionnait bien, mais j’ai appris quelques petites choses pour l’améliorer et le rendre plus stable, souligne-t-il. Les deux parties du cadre en carbone étaient contrôlées par un caoutchouc à l’intérieur du cadre avec une vis permettant de pré-charger le caoutchouc en fonction du poids du cycliste et de la rigidité requise pour rouler. Sur le premier vélo, la partie avant était trop aéro et trop petite, ce qui permettait seulement d’utiliser un caoutchouc de petit diamètre pour un poids maximal de 65 kg. Ce premier prototype a donc été un beau cadeau pour Brenda Stanton, ma petite amie de l’époque. »
Le travail s’est donc poursuivi du côté des Etats-Unis. « J’ai alors modifié les cadres et Leigh a construit le vélo actuel qui a été testé de façon positive par différents cyclistes, se remémore Antonio Ferrari. Le vélo a été présenté dans mon réceptif à l’occasion d’Indy 500 en 1993 où il a suscité beaucoup d’intérêt de la part des médias et des pilotes. » En 1993, Davy Jones roule toujours pour Euromotorsport Inc sur une Lola T92/00 avec à la clé une 15e place finale à Indianapolis.
Par la suite, ZIPP a été revendu à SRAM avec le succès que l’on connaît. « Mon vélo est resté à l’état de prototype, précise le patron d’équipe. J’ai appris plus tard que le nouveau propriétaire de ZIPP avait utilisé les roues en carbone pour construire quelques cadres similaires au mien. Il y a dix ans, j’ai repris contact avec ZIPP pour obtenir deux roues en carbone pour mon pilote Tom Blomqvist qui roulait en F3. Mon vélo est resté dans ma maison d’Indianapolis jusqu’en 2022, année à laquelle où elle a été vendue et il a rejoint l’Italie prêt à être exposé dans mon futur musée. Je pense que même 32 ans plus tard, le vélo a toujours l’air ultramoderne avec ses solutions uniques. Il est resté 100% d’origine depuis 1993, même le ruban de cintre est d’époque. »
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