Roger Dorchy (part 2) : "Surpris par ce record car il est venu naturellement !"
Deuxième partie de notre entretien à l'homme le plus rapide des 24 Heures du Mans, Roger Dorchy. Après avoir parlé de l'édition 1980 dans la première partie, son meilleur résultat, place à ses autres participations à la classique mancelle...
En 1984, vous avez été en tête des 24 Heures avec une WM avec une WM P83B…
« Oui, et c’est pourtant un mauvais souvenir ! J'avais pourtant bien expliqué comment ça c’était passé après le warm-up, mais on ne m’a pas écouté ! Au bout de la ligne droite des Hunaudières, j’avais un mal de chien à tenir la voiture au virage de Mulsanne (le plus gros freinage du circuit) et franchement j’ai pensé qu’on allait dire : « ce con (sic), il a voulu faire voir qu’il était là ! », alors que c’étaient les freins, les plaquettes. C’était un nouveau jeu qu’on n’avait pas eu le temps d’essayer, et la roue arrière gauche s’est bloquée (voir ICI).

Je savais que je ne resterais pas devant, mais j’aurais bien voulu faire mon relais complet en tête. Je suis resté premier trois tours. Passer en première position devant les tribunes c'était génial, mais après la sortie de piste, ça fait mal. Vincent Soulignac, le second de Gérard Welter, m’avait dit sur la grille de départ, où nous étions en quatrième ligne, une première pour WM : « Ecoute, Roger, si tu vois une opportunité, vas-y !! » Ce n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd. En ligne droite, on était plus rapides que les Lancia et les Porsche. Evidemment, dans les portions plus lentes, elles revenaient derrière moi, mais elles n’avaient pas la place où passer et je les maintenais. » (Roger Dorchy ci-dessous, à droite sur la photo).

Donc, votre course préférée au Mans, c’est celle de 1980 ?
« Absolument, parce que celle de 1984, c’est mitigé. J’ai été content d’avoir été en tête, mais aussi très frustré de la façon dont ça s’est terminé.1988 est resté dans l’histoire avec le record, mais comme j’ai abandonné, c’est aussi frustrant. Cette année là, j’ai été surpris par le record parce qu’on ne m’avait rien dit. Quand j’ai pris le volant, on avait quelques soucis de refroidissement, la voiture s’était déjà arrêtée deux fois. Le bitume avait été totalement refait à cette époque et en ligne droite, ça enfilait parce qu’il n’y avait pas de secousses, pas de compressions et la WM était plus facile à piloter. Le record est venu naturellement. »

Vous avez eu de nombreux coéquipiers au Mans. Lequel vous a le plus marqué ?
« J’en ai eu effectivement beaucoup, c’est difficile, mais je vais dire Guy Fréquelin. C’est celui qui me ressemblait le plus. Je lui prenais une seconde, il me la reprenait…C’était une force de la nature ! Un jour, il m’a un peu bluffé ! A Monza, pendant une manche du Championnat du Monde des Sports-Protos, la piste était en très mauvais état et toutes les voitures, je dis bien toutes, même les Porsche, cassaient les triangles de suspension tellement ça secouait ! Nous, bien sûr, on n’a pas été exempts et, à un moment donné, on n’avait plus de triangles. Gérard Welter a demandé à Guy si ça le gênait qu’on les ressoude parce qu’on n’en avait plus. Repartir sur le circuit de Monza avec un triangle soudé, c’était osé, mais Guy a dit oui sans broncher. Il est reparti avec le triangle réparé et je me suis dit « il en a, quand même… ».
Au Mans, vous avez conduit des Porsche GT et des WM. Y-a-t-il une voiture que vous auriez aimer piloter ?
« Comme par hasard, une Porsche ! Une Porsche 956. J’avais un ami qui en pilotait une et il ne m’en avait dit que du bien. Il me racontait qu’à l’intérieur, on était comme dans un fauteuil ! En plus, elle avait de la gueule, et rouler dans une Porsche, c’est quelque chose, même si c’est une Porsche privée. Malheureusement, ça demandait beaucoup de budget !!! »
Est-ce qu’il a une anecdote du Mans que vous avez rarement ou pas racontée ?
« Quelque chose qui sorte un peu de l’ordinaire…Voyons… En 1988, quand j’ai fait le record de vitesse, on roulait encore le dimanche matin, avec le soleil levant. Il y avait aussi du brouillard au Tertre Rouge, juste avant le début de la ligne droite. A cet endroit-là, on avait le soleil dans les yeux. Vincent Soulignac est venu me trouver alors que j’étais en train de dormir et il m’a supplié de faire un chrono ! Je lui ai dit que ce n’était pas possible parce qu’on n’y voyait rien. Il m’a tarabusté pendant une heure ou deux, mais je n’ai pas cédé. C’était impossible de passer le Tertre Rouge à fond avec le soleil dans les yeux. Je n’ai jamais compris pourquoi il m’avait demandé ça, et encore moins après lui avoir dit que c’était impossible ! De toute façon, après avoir fait le record de vitesse, le chrono, ce n’était pas le truc qui me tentait et, en plus, nous n'avions aucune chance de faire un temps par rapport à ce que faisaient les Porsche ! »

Merci à Luc Joly, Christian Vignon et Laurent Chauveau pour les photosQuelques autres participations de Roger Dorchy en photos : 1976, Porsche Carrera RSR (Aeschlimann, Vollery) abandon 9e heure, batteries

1979, WM P79 avec Denis Morin, abandon 15e heure, accident

1980, WM 79/80 avec Guy Fréquelin, 4e

1981, WM P79/80, avec Guy Fréquelin et Christian Mathiot, Abandon

1982, WM P82, avec Alain Couderc et Guy Fréquelin, Abandon

1983, WM P83 avec Alain Couderc et Pascal Fabre, 16e

1984, WM P83/84, avec Alain Couderc et Gérard Patte

1985, WM P83B avec Jean-Claude Andruet et Claude Haldi, accident 7e heure

1986, WM P85 avec Claude Haldi et Pascal Pessiot, 12e

1987, WM P87 avec Dominique Delestre et Philippe Gache, abandon 5e heure, moteur
1988, WM P88, avec Jean-Daniel Raulet et Claude Haldi

1989, WM P 489 avec Michel Mainsonneuve, non partante, incendie aux essais

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