Retour sur la Bugatti EB110 SS des 24 Heures du Mans 1994
Nous allons nous arrêter sur deux voitures présentes au dernier salon Rétromobile, deux Bugatti : une EB110 SS LM qui a disputé les 24 Heures du Mans 1994 et une EB110 SC GTS-1 qui a évolué en IMSA. Aujourd’hui, nous allons nous attarder sur la première d’entre elles.
Entre les 24 Heures du Mans 1923 et 1939, Bugatti a été très présente, alignant 32 autos et remportant deux fois la classique française : en 1937 avec Jean-Pierre Wimille et Robert Benoist (Bugatti 57 S) et 1939 avec Jean-Pierre Wimille et Pierre Veyron (Bugatti 57 C).

Puis la Seconde Guerre Mondiale et le décès d’Ettore Bugatti (1947) vont mettre un terme aux activités du constructeur. Il faudra attendre les années 80 pour réentendre parler de la marque. Le nom Bugatti est alors racheté en 1987 par un groupe italien (via l'entrepreneur italien Romano Artioli) désireux de concevoir des Supercars. C'est ainsi que naquit l’EB 110 en 1991 (EB pour Ettore Bugatti né 110 ans plus tôt, à Milan), présentée le 15 septembre 1991 sous la Grande Arche de la Défense, près de Paris.
Quelques années plus tard, Michel Hommell (grand patron du groupe de presse) et son associé Olivier Quesnel (futur directeur Peugeot Sport de 2009 à 2012) ont alors pour projet de ramener la marque Bugatti au Mans. Aidés dans leur tâche par José Rosinski (célèbre journaliste automobile mais aussi pilote aux 24 Heures du Mans de 1960 à 1967) et British Motors Paris (importateur en France de Bugatti), ils rentrent en contact avec Romano Artioli. Convaincu par ce projet, ce dernier donne son feu vert.
La version la plus sportive (EB 110 SS pour SuperSport) est alors transformée en bête de course afin d’être engagée aux 24 Heures du Mans l’année suivante. Certes, l’usine Bugatti n'est pas officiellement représentée, mais elle prépare le moteur et envoie plusieurs techniciens, emmenés par son responsable technique mais aussi pilote, Dieter Gass (futur responsable d'Audi Motorsport au niveau du DTM). La préparation et l'exploitation de la voiture sont confiées à Synergie dirigée par Lucien Monté et Philippe Bone, ainsi que la structure Meca Système dirigée par Philippe Beloo, deux sociétés mancelles ayant déjà travaillé avec Rondeau et Venturi.

Après différents premiers tests au Castellet avec le prototype S8, il est décidé de suivre deux objectifs lors de cette préparation. Le premier concerne le moteur Bugatti V12 3.5 litres à 60 degrés, il s'agit notamment de le faire “tomber” jusqu’aux 600 chevaux réglementaires (l’EB110 SS délivrait 611 ch de série). Le 28 avril, l'EB110 SS LM reçoit son moteur aux spécifications course, équipé de ses quatre brides d'admission aux 4 turbos, développant 600 ch à 6200 tr/mn, avec 71 kgm de couple à 5000 tr/mn. Le deuxième « dossier » concerne son poids, la Bugatti EB110 SS étant particulièrement lourde, 1 570 kg de série. Bugatti envoie un châssis nu au mois de février, construit en carbone et équipé d’un toit en aluminium, il s’agit du châssis #S16. Au total, quelques 300 kilos vont alors être supprimés.
Les premiers essais ont lieu sur les circuits de Varano et de Lurcy Levy. Le 5 mai 1994, la voiture arrive au Mans pour les Essais Préliminaires des 24 Heures du Mans. Eric Helary et Jean-Pierre Malcher sont en charge de la piloter et ils démontrent rapidement que l'auto est très performante (5e temps). D’autres tests suivent et le grand jour arrive !
Engagée en GT1, la Bugatti EB 110 S #34 fait face à une Ferrari F40, quatre Venturi 600 LM, une Porsche 911 Turbo, une De Tomaso et les deux Dodge Viper RT/10. Bien entendu, les deux Porsche Dauer 962 LM, figurant également dans cette classe sont hors d’atteinte. Dans les autres catégories GT, on trouve aussi des Porsche 911 Carrera SR, Alpine A610, Honda NSX, Mazda RX-7 et même deux Nissan 300ZX Turbo.

En clin d'œil aux belles heures de l'Endurance et pour célébrer le retour de Bugatti, on renoue avec une tradition oubliée. Escortée par les motards de la police et une Bugatti EB110 GT de route, notre EB110 SS LM, immatriculée avec une plaque temporaire du département de la Sarthe, rejoint le Pesage par la route.



Pilotée par Eric Hélary, Alain Cudini et Jean Christophe Bouillon, la Bugatti #34 réalise le 17e temps en qualifications (4:16.940). En course, la voiture tourne comme une horloge. Elle revient lentement au classement pour se hisser à la 7e place au classement général à la mi-course, et, à la 15e heure, elle est 6e. A partir de ce moment là, les problèmes vont commencer.

La Bugatti subit quelques soucis techniques (remplacement des deux turbos situés sur le côté gauche du V12, un problème de tuyau, de nouveaux problèmes avec les turbos, un début d'incendie). Au 230ème tour et à moins d'une heure de l'arrivée, Jean-Christophe Bouillon perd soudainement le contrôle de la #34 dans la ligne droite des Hunaudières à l'amorce du freinage de la première chicane. Après s'être mis à l'équerre suite au dépassement de la Dodge Viper n°40, le pilote tape rudement le rail à l'extérieur et part en toupie jusqu'à l'échappatoire. Le pilote est indemne, mais l’auto ne repartira pas (jante cassée et arbre de pont avant déformé). A 15 h 45, c’en est officiellement fini de l’EB110 SS LM #34, mais elle a prouvé qu’elle était dans le coup malgré la présence des Porsche Dauer 962 (la #36 remportant l'épreuve). Petite consolation, les quatre mécaniciens de l'équipe reçoivent le prix ESCRA.
Après la course, la Bugatti EB 110 a été complètement réparée, mais n'a plus jamais été utilisée. Michel Hommell l'a retirée pour la mettre à la disposition de son musée, au Manoir de l'Automobile, à Loheac, en France.
Ci-dessous, les photos de Bruno Vandevelde de Rétromobile 2020...

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