Monterey

Une Ferrari 250 LM ayant participé aux 24 H. du Mans aux enchères

2 aoû. 2023 • 12:55
C'est un modèle très exclusif de la firme au cheval cabré qui sera mis en vente à la fin du mois, en Californie.
© 2023 Courtesy of RM Sotheby's

Programmée du 17 au 19 août, la vente aux enchères RM Sotheby's de la Monterey Car Week regorge de joyaux en tous genres. Nous avons parlé récémment de la Ferrari 550 Maranello Prodrive ex-Colin McRae, ou encore de la 412P de Jim Glickenhaus.

 

Mais en parcourant la liste des lots, une autre voiture frappée du cheval cabré a retenu notre attention. Il s'agit d'une 250 LM.

L'histoire de la 250 GT à moteur arrière

L'adoption par Maranello du concept du moteur arrière remonte au V6 vu dans la Dino Ferrari à la fin des années 1950, installé dans les F1 de la Scuderia dans les années 60. Peu après, Ferrari s'est attelé à faire de même avec une voiture de sport : la 246 SP, première d'une petite série de voitures de course Sports Prototypes jouissant de cylindrées de plus en plus importantes. 

 

Mais les SP ne parvenant pas toujours à suivre le rythme de leurs rivales, les ingénieurs de Maranello se penchent sur un V12 placé à l'arrière. Tant et si bien que début 1963, le châssis numéro 0796 - qui avait commencé sa vie en tant que 246 SP - est équipé d'un moteur Colombo à bloc court de 3 litres réglé selon les spécifications de la Testa Rossa. Il s'agit en fait de l'exemplaire ayant servi de prototype à la légendaire 250 P, qui a remporté les 24 heures du Mans en 1963 grâce à Lorenzo Bandini / Ludovico Scarfiotti.

 

Il était dès lors logique pour Ferrari de transposer le concept à la catégorie GT. La 250 P sert de base à cette nouvelle berlinette, qui se distingue notamment du Prototype par l'ajout d'un toit. De quoi faire naître un chef d'oeuvre signé forcément par Sergio Scaglietti.

© 2023 Courtesy of RM Sotheby's

Baptisé 250 LM, pour Le Mans, ce nouveau modèle est officiellement présenté au Salon de Paris de 1963 (cchâssis 5149). Un bolide jouant les précurseurs en matière de supercars à moteur arrière de grosse cylindrée.

 

Dans le but de renforcer la prétention du modèle en tant que voiture de production routière ayant sa place en GT, Ferrari a fait quelques efforts insignifiants pour apaiser les critiques, équipant consciencieusement les voitures de klaxons et de roues de secours, et imprimant même des brochures de vente.

 

Mais ce ne fut pas assez pour convaincre la Commission Sportive Internationale (CSI) de la FIA, en particulier après que Ferrari a commencé à installer un moteur plus avancé dans la voiture, le V12 Colombo de 3,3 litres avec lubrification à carter sec qui trouvera finalement place dans la 275 GTB. Ce moteur conférait manifestement à la 250 LM un avantage par rapport aux autres GT, et la CSI refusa par conséquent d'accorder au modèle une homologation GT, au motif que le nouveau moteur n'entrait pas dans le cadre requis et qu'un nombre insuffisant de voitures avaient été construites. Cantonnée à la catégorie Prototype, elle ne peut rivaliser – avec son 3,3 litres – avec la Ford GT40 et le Spider P2 de Ferrari.

 

Furieux, Enzo Ferrari a même renoncé temporairement à sa licence de pilote. L'usine s'est ensuite éloignée du projet, vendant la plupart des exemplaires à des privés et à ses principaux concessionnaires de course tels Scuderia Filipinetti, Garage Francorchamps, Maranello Concessionaires ou encore le le North American Racing Team de Luigi Chinetti.

© 2023 Courtesy of RM Sotheby's

Le plus grand succès de la 250 LM en compétition fut sans aucun doute l'édition 1965 des 24 Heures du Mans, où cinq exemplaires différents furent engagés, notamment par Filipinetti et NART. L'avantage à faire rouler un V12 Colombo en Prototype, c'est que le moteur était en développement constant depuis plus de 10 ans, ce qui lui garantissait un excellent niveau de fiabilité. Au terme d'une course exténuante, le châssis n°5893 aligné par le NART pour Masten Gregory / Jochen Rindt l'emporte et scelle par la même occasion la légende de la 250 LM.

 

Seuls 32 exemplaires de la 250 LM ont été construits jusqu'à la mi-1966, ce qui en fait l'un des modèles Ferrari les plus désirables de tous les temps, avec une mécanique de pointe conçue pour la course, des carrosseries sensuelles et un pedigree de vainqueur du Mans.

CHASSIS NUMERO 6053, UN VOYAGE AU MANS

Revendiquant une utilisation en compétition au Mans, ainsi qu'une restauration achevée en 2021 par Ferrari Classiche, cette époustouflante 250 LM est un exemplaire particulièrement désirable. Le numéro de châssis 6053 est le 22e construit, et après avoir été finie dans la livrée emblématique de la 250 LM en Rosso Cina sur des sièges garnis de tissu Bleu, la voiture a été livrée en octobre 1964 à Maranello Concessionaires du Colonel Ronnie Hoare, le célèbre distributeur de la marque et client privé préféré de l'usine en Grande-Bretagne.

 

La Ferrari a été vendue neuve au pilote britannique George Drummond, qui s'est immédiatement lancé dans la compétition sur les circuits locaux, tout en participant occasionnellement à des épreuves plus importantes. En février 1966, la Ferrari est inscrite aux 24 Heures de Daytona avec le n°24, pilotée par Innes Ireland / Mike Hailwood / George Drummond. Malheureusement, la voiture a été contrainte à l'abandon après 90 tours en raison d'une défaillance de la boîte de vitesses. Au cours des deux années suivantes, la 6053 a pris au moins huit autres départs. Le pilote d'usine Michael Parkes en a même pris le volant lors du Grand Prix d'Autriche 1966, terminant 3e de sa catégorie et 8e du général.

 

En mai 1968, Drummond vend sa Ferrari au Paul Vestey Racing. Paul Vestey avait fait campagne avec une autre 250 LM, une ex-Maranello Concessionaires dotée du numéro de châssis 6167. Alors aux mains de David Piper sur la légendaire et difficile Targa Florio, un bras de direction se détache et l'auto dévale une colline. Le moteur et l'ensemble boîte-pont ont été récupérés en démontant les deux composants d'un seul tenant, comme cela se faisait couramment à l'époque.

© 2023 Courtesy of RM Sotheby's

Cela s'est avéré très important pour Vestey, car le moteur numéro 6167 avait déjà été approuvé par les commissaires techniques du Mans, comme le prouve l'estampille qui subsiste encore aujourd'hui sur celui-ci. Vestey se mit alors rapidement en quête d'un châssis de remplacement, ce qui l'amena à acheter la 6053 à George Drummond. Après avoir acquis la berlinette, le propriétaire installe le moteur numéro 6167/22LM et la boîte-pont numéro 17, avec en ligne de mire les 24 Heures du Mans.

 

La voiture de Vestey était l'un des six exemplaires de la 250 LM inscrits au départ de l'édition 1968 des 24 Heures du Mans, exceptionnellement reportées au mois de septembre en raison de grèves nationales. Repeinte en bleu foncé violacé avec une bande blanche, et portant le numéro 19, elle était pilotée par son propriétaire et l'Américain Roy Pike.

 

Trente-deuxième sur la grille, la 6053 a gagné six places pour atteindre le 26e rang, position qu'elle a conservée pendant la deuxième heure, lorsque Vestey a perdu le contrôle de la voiture à Arnage. Au moment où Roy Pike revient en piste, la LM est tombée à la 46e place, mais Pike parvient a progressé jusqu'à la 31e place à la 10e heure. Mais au 99e tour, la boîte de vitesses lâche. Sur les 54 voitures au départ, seules 15 ont vu l'arrivée. 

RENAISSANCE AMÉRICAINE

Après la fin de sa carrière européenne, la 250 LM a été vendue en avril 1969 par le célèbre concessionnaire britannique Colin Crabbe à Richard Merritt de Bethesda (Maryland), l'un des cofondateurs du Ferrari Club of America. M. Merritt revend rapidement la berlinette à Terry Myr (Detroit), qui confie peu après au respecté Kirk White Motorcars le soin de vendre la voiture au non moins réputé concessionnaire Harley Cluxton. En 1971, Cluxton a vendu la voiture à Robert Sutherland de Denver (Colorado), qui a commandé une restauration complète trois ans plus tard et a présenté la voiture à la réunion de la FCA à Rockton, Illinois, en mai 1975.

 

En 1983, la Ferrari a été acquise par Anthony Podell (Manhattan Beach / Californie), et il a confié à Mike McCluskey le soin d'effectuer quelques mesures de restauration avant de profiter de la voiture dans des courses de voitures anciennes lors de la Chicago Historic 1987 et de la Monterey Historic 1988. Plus tard dans l'année, la voiture a été vendue à un passionné suisse qui l'a conservée pendant deux ans avant de la vendre à Mitsubishi Corporation en 1990, entamant ainsi un nouveau chapitre de sa vie au Japon.

© 2023 Courtesy of RM Sotheby's

Quatre ans plus tard, la Ferrari est passée aux mains du collectionneur Shiroh Kosaka, qui a consciencieusement choyé la 250, l'envoyant en 1999 se faire restaurer par l'atelier bien connu de Dino Colognato à Vigonza, en Italie. M. Kosaka est resté fidèle à la voiture pendant de nombreuses années et ne l'a mise en vente qu'en 2018, après une période remarquable de 24 ans de soins attentifs.

 

En 2018, la 250 LM a été achetée par l'un des collectionneurs les plus respectés du pays en matière de Ferrari de course. Le propriétaire a rapidement soumis la voiture à l'usine Ferrari pour une restauration complète et une certification par Ferrari Classiche. Achevée en 2021, la rénovation minutieuse est documentée par un impressionnant livret produit par Ferrari qui conclut que la voiture est l'authentique voiture conduite par Paul Vestey au Mans en 1968. Comme le rappelle la certification Ferrari Classiche, la voiture conserve le moteur et la boîte-pont du châssis numéro 6167.

 

Exposée lors des Finales Ferrari au Mugello en novembre 2021 puis au Musée Enzo Ferrari de Modène, la voiture a été présentée au Concours d'Elégance de Pebble Beach l'an passé.

 

Il convient de noter que, contrairement à la plupart des 250 LM ayant réellement couru, le châssis numéro 6053 n'aurait jamais subi d'accident important et il conserve son châssis et sa carrosserie identiques, ainsi que le moteur et la boîte-pont utilisés lors des 24 heures du Mans en 1968, comme le précise le livre rouge de Ferrari Classiche. Une auto estimée entre 16 500 000 et 18 000 000 d'euros.

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