"Pierre Dieudonné, Thierry Tassin", L'Arme Fatale de WRT...

Avoir Pierre Dieudonné et Thierry Tassin dans la même équipe, c'est comme avoir "L'Arme Fatale". Avec eux, il n'est pas question d'aller résoudre des enquêtes policières mais bien de décortiquer les règlements sportifs. Le tandem choc de Team WRT fait les beaux jours de l'écurie belge en GT3 et c'est maintenant du côté du LMP2 qu'officient les deux anciens pilotes belges. Les séries Le Mans étant différentes de SRO, il faut tout approfondir avec un double programme ELMS et WEC avec en prime deux LMP2 aux 24H du Mans.

Si Pierre Dieudonné connaît parfaitement Le Mans avec 11 participations, Thierry Tassin découvre cette course, lui qui compte quatre victoires aux 24H de Spa. Endurance-Info s'est entretenu avec le duo. 

Pierre, Le Mans représente quoi pour vous ?

"C'est toujours un plaisir de venir ici. Je n'étais plus revenu depuis 2017 où j'étais chez Panis Racing. Mes débuts remontent à 1965 à l'âge de 18 ans. Je panneautais l'Ecurie Francorchamps à Mulsanne. Le Mans a toujours été une course d'une dimension supérieure. Le Mans reste Le Mans. Derek Bell dit qu'il y a souvent une relation amour/haine avec Le Mans. Cette course peut être terrible, il s'y est noué de nombreux drames. En quittant Le Mans, on peut se dire : pourquoi on fait cela ? Puis, l'attraction de revenir se fait vite sentir." 

Les Belges y ont aussi régulièrement brillé...

Pierre Dieudonné : "Il y a une tradition belge au Mans avec pas mal de pilotes qui s'y sont illustrés : Gendebien, Frère, Mairesse, Ickx."

Thierry, ce sont vos débuts au Mans ? 

"J'étais venu sur le Circuit Bugatti mais jamais sur le grand circuit. Quand j'étais pilote, j'avais eu une proposition de Tom Walkinshaw pour rouler sur une Jaguar mais la voiture n'a pas roulé. De plus, ma compagne de l'époque ne voulait pas me voir rouler au Mans car elle trouvait que cette course était trop dangereuse." 

PD : "Et donc tu es vivant... (rires)" 

TT : "Lorsque je suis allé reconnaître le circuit à pied avec les pilotes, je me suis dit 'wow c'est assez spécial'. Le fait que Pierre connaisse bien cette course et que pour ma part, je la découvre, fait que je pose des questions. Cela permet d'avoir un oeil nouveau. Peut-être que c'est une bonne chose."

C'est différent des 24H de Spa ? 

TT : "Cette année, Pierre est impliqué sur les programmes GT, moi sur le P2. Les règles ELMS et WEC sont différentes. Honnêtement, le règlement est fort difficile à comprendre avec les full course yellow et les safety cars. On va encore découvrir de nouvelles choses. Le Mans demande une grosse préparation pour le team. A Spa, nous avons nos habitudes. Pour la majorité de l'équipe, Le Mans est nouveau, ce qui demande donc de se creuser la tête."

PD : "Les règles changent d'une année à l'autre. Faire un simple copier-coller serait une erreur. Il faut repartir de zéro en ayant un oeil nouveau. Le secret est l'humilité. Le jour où tu dis que tu connais, c'est là où tu te prends les pieds dans le tapis. Si tu penses que tu sais, tu te fais avoir." 

Team WRT n'est pas là pour apprendre en 2021 mais bien pour gagner...

TT : "Nous allons tout faire pour décrocher un bon résultat. De là à gagner, c'est autre chose. Je ne suis pas certain que beaucoup d'équipes aient gagné dès leurs débuts au Mans." 

PD : "On l'a vu aux 24H de Spa, si ton travail est bien fait, alors tout est possible. La course décide du vainqueur. Il faut prendre en compte deux facteurs : éliminer les erreurs et ne pas avoir de malchance. Il ne faut pas être au mauvais endroit au mauvais moment."

TT : "Il faut tout de même de la chance comme dans tous les sports." 

PD : "Oui mais on ne gagne pas par chance. Celui qui gagne le mérite mais celui qui perd ne le mérite pas toujours." 

A Spa, WRT est au bout de la voie des stands. C'est aussi le cas au Mans. Le hasard ?

TT : "Nous avons fait une demande pour être là et c'était possible. Les avis sur cet emplacement divergent mais personnellement je pense que c'est un avantage. J'attends de voir la course pour savoir j'ai raison ou pas. C'est un avantage durant les essais et sur les périodes de neutralisation. Si Toyota prend toujours les mêmes stands, il doit y avoir une raison. En GT, le leader du championnat choisit son emplacement. Ici, c'est le vainqueur de l'année précédente." 

On vous connaît pour avoir une connaissance parfaite du règlement. Vous avez tout en tête ? 

TT : "On connaît bien le règlement. Uniquement pour faire un résumé des procédures, il m'a fallu 12 heures pour établir un Powerpoint. C'est tellement complexe et tellement facile de faire une erreur. Il faut connaître les différents scénarios." 

PD : "Un des secrets de notre activité est l'anticipation. Quand j'étais pilote, j'ai bien compris que si tu disais 'on verra ça sur place', c'était trop tard. C'est devenu pour moi une règle d'or. Tout ce que tu n'as pas fait avant d'arriver devient un problème. Tu peux juste peaufiner."

TT : "Pour moi, la préparation du Mans a débuté après Monza. Il y a eu quatre versions différentes du règlement des 24H du Mans. Ici, on ne parle pas des règlements de l'ELMS et du WEC mais bien des 24H du Mans. Je travaille sur papier en surlignant avec avec des annotations écrites."

PD : "J'ai la même façon de travailler que Thierry. Peut-être que nous sommes formatés à l'ancienne (rires)." 

Le papier reste une valeur sûre ?

TT : "Quand on discute avec les ingénieurs, on voit que le papier est bien plus rapide. Si tu connais bien ton paragraphe qui est surligné, c'est un gain de temps. Quand tu fais la préparation, tu dois couper ton téléphone pour éviter toute perturbation. Etudier le règlement demande une concentration à 100%."

L'Endurance prend une bonne direction ?

PD : "Nous allons vers de belles années même si le monde actuel nous réserve toujours quelques surprises. Cela fait des années que l'on attend cela." 

TT : "Je partage l'avis de Pierre. Il faut juste s'assurer d'avoir la couverture télévisée qui va avec."

PD : "Il faut garder en tête que la tendance est à l'électrification à outrance sous l'impulsion politique des constructeurs. Cela peut en faire hésiter certains sur l'intérêt de s'impliquer dans la course telle qu'on la connaît."