Petit Le Mans - Michelin clôt le premier chapitre de son histoire Hypercar / GTP
Tout à l'heure, se tient sur le Michelin Raceway Road Atlanta la 28e édition du Petit Le Mans. En dehors du fait qu'il s'agisse de la finale de la saison 2025 de l'IMSA SportsCar Championship, cette épreuve marque la dernière apparition dans la série de la première gamme de pneumatiques conçue par Michelin pour la catégorie Hypercar / GTP.
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Une gamme qui a fait son entrée en compétition en 2021, après que Michelin a remporté l'appel d'offre lancé par l'ACO et la FIA et destiné à trouver le manufacturier pneumatiques unique de cette nouvelle catégorie. Mais pour être prêt dans les temps, le manufacturier français a dû innover. Et pour cause, souvenez-vous, l'Endurance était alors en pleine mutation. Et à l'époque, aucune voiture ne répondant à la nouvelle réglementation technique ne roulait encore.
« Nous avons dû adopter une nouvelle approche en matière de développement, avait alors expliqué Pierre Alvès, responsable des programmes Endurance chez Michelin Motorsport. Jusqu'à présent, nous nous appuyions beaucoup sur les essais réalisés sur circuit. Le règlement Hypercar est arrivé au moment du premier confinement. Nous avons donc beaucoup travaillé avec des logiciels de simulation. La gamme Hypercar est la première à avoir été conçue entièrement en simulation. Il a fallu créer des pneus pour une voiture qui n'existait pas encore physiquement. »

Une voiture aux caractéristiques techniques très différentes de celles des LMP1, notamment au niveau du poids, mais pas uniquement. Alors en 2020, la nouvelle gamme de pneumatiques a été développée en parallèle de la première véritable Hypercar a avoir vu le jour : la Toyota GR010 Hybrid.
Michelin est ainsi passé d’une approche itérative mariant expérience, simulation, machines et tests de véhicules en piste, à une démarche de conception 100 % virtuelle. L'exploit est d'autant plus remarquable que, 10 mois plus tard, les premières gommes sortaient de l'usine. On parle de deux ans de gestation pour un processus classique.
« Nous nous sommes de suite sentis comme entremetteur entre l'auto et le pneu avec tout de même une certaine inquiétude car nous ne savions pas où nous en étions, enchaîne Pierre Alvès. Le pneu n'avait pas fait le moindre kilomètre sur la piste. Le premier soir, Pascal Vasselon (alors directeur technique de Toyota Gazoo Racing et ex Michelin. Ndlr), qui connaît parfaitement le monde du pneumatique, a tenu à féliciter tout le monde en se montrant très impressionné. Il était loin d'imaginer un tel niveau de performance dès le début, même si les échanges avec Toyota avaient bien évidemment été nombreux. »

Autre différence par rapport à la génération précédente, il n'y a plus que trois spécifications de pneus secs (soft, medium et hard) et une spécification pneu pluie. « Le pneu hybride (qui faisait office de pneu intermédiaire. Ndlr) donnait entière satisfaction mais il n'était pas le plus utilisé, avait expliqué Pierre Alvès. Nous avons donc développé un pneu pluie plus polyvalent avec une fenêtre d'utilisation plus large sur piste séchante. »
Une gamme peaufinée pour 2023, fort de deux années d'expérience en WEC. Mais avec une grande nouveauté en mondial : l'abandon cette année-là des cabanes de chauffe. Un modèle inspiré de l'IMSA, où elles sont interdites depuis longtemps mais – hormis à Daytona la nuit – les températures de piste sont autrement plus élevés qu'en WEC. Mais une fois ce facteur digéré par les équipes, la mise en température des gommes n'a plus été un sujet.
L'abandon de ces cabanes de chauffe s'expliquent en partie par des raisons écologiques, l'un des chevaux de bataille de Michelin actuellement. Mais le géant clermontois ne s'est pas arrêté là, puisqu'il a proposé des pneumatiques conçus à partir de matériaux durables, et notamment le pneu pluie, qui en contient 40%.
« Aujourd’hui, 80 % de la composition du pneu de Monsieur Tout-Le-Monde, 60 à 70 % en compétition, nous avait expliqué début 2023 Matthieu Bonardel, directeur de Michelin Motorsport. Notre objectif chez Michelin est de produire des pneus avec 100% de matières durables en 2050, 40% en 2030. Mais le pneu le plus écologique reste celui que l’on ne change pas... »
Raison pour laquelle, le nombre de pneumatiques mis à disposition aux concurrents a été revu à la baisse de manière drastique. L'un des pas en avant les plus marquants a été effectué à l'occasion de l'édition 2023 des 24 Heures de Daytona, en IMSA. Le nombre de pneus alloués aux concurrents de la classe-reine GTP (l'équivalent de l'Hypercar en WEC) était passé de 48 jeux au total (192 pneus) sur l'ensemble de l'événement à 33 (132 pneus), soit une réduction de 60 pneus par voiture de la classe GTP.
C'est donc pour sûr un beau chapitre de son histoire que Michelin s'apprête à clôturer, en IMSA ce jour puis en WEC à l'occasion des 8 Heures de Bahreïn (8 novembre). « Il serait tentant, face à la réussite technique et sportive que nous connaissons avec notre gamme Endurance actuelle, de choisir la stabilité, ironise Matthieu Bonardel. Depuis l’arrivée des prototypes de la catégorie Hypercar, les voitures ont gagné chaque année une seconde au tour en optimisant l’exploitation de leurs gommes. »

« Dès lors, pourquoi redévelopper une nouvelle génération de pneus ? Parce que c’est précisément quand tout fonctionne qu’il faut oser aller plus loin, enchaîne-t-il. Chez Michelin, l’innovation n’est pas une réponse à une défaillance. Elle est une démarche volontaire, ''anticipatrice'' et visionnaire. Et aujourd’hui plus que jamais, notre capacité d’innovation se met au service d’un impératif : la durabilité. »
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Cela passera notamment par l'intégration de 50% de matériaux durables contre 30% actuellement. Et ce tout en améliorant la performance des produits et notamment leur mise en température. « Relever ce défi a nécessité de repenser en profondeur nos matériaux, nos procédés, nos règles de conception » assure Matthieu Bonardel. Un défi que nous vous avions expliqué en détails en juin dernier, après avoir été convié à l'avant-dernière séance d'essai mené sur le Vieux continent, courant mai au Paul-Ricard.
Ce prochain chapitre, c'est en IMSA qu'il va officiellement débuter. Après les avoir étrenné lors de l'IMSA Sanctioned Test de Daytona fin novembre, les protagonistes de la série américaine – avec laquelle Michelin vient d'étendre son partenariat jusqu'à 2035 – auront l'honneur de faire effectuer à cette nouvelle gamme ses débuts en compétition à l'occasion de l'édition 2026 des 24 Heures de Daytona (24-25 janvier).
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