24H Spa

Mirko Bortolotti (Grasser Racing Team) : « La boucle est définitivement bouclée »

GT World Challenge Europe
Intercontinental GT Challenge
5 juil. 2025 • 17:16
par
Pierre Tassel
Vainqueur des 24 Heures de Spa 2025 après avoir longtemps tourné autour avec Lamborghini, Mirko Bortolotti est allé presque au bout de lui même pour offrir ce succès tant attendu à la marque italienne et son équipe fétiche Grasser Racing Team. Première partie d'un long entretien.
© SRO / JEP

Drapeau italien serré contre lui, couché sur sa Lamborghini Huracan GT3 EVO2 n°63, Mirko Bortolotti doit sans doute se remémorer en partie la décennie passée à courir après une victoire aux 24 Heures de Spa depuis son passage en GT en 2014.

 

L'ancien champion Formula Two, qui avait débuté sa carrière en monoplace, en accumulant les titres et en se montrant déjà comme l'un des talents de sa génération, n'avait jamais pu se hisser sur la plus haute marche du podium belge. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, tant avec GRT, ou encore FFF Racing Team ou Iron Lynx. C'est finalement en 2025 que l'histoire a tourné en la faveur de l'Italien et de l'alliance GRT - Lamborghini.

 

Arrivé dans le giron de Sant'Agata Bolognese au moment où le nouveau département Squadra Corse entamait le développement de la Huracan GT3 première du nom, Mirko Bortolotti a vu naître et participé aux premiers instants de celle avec laquelle il allait décrocher ses plus beaux succès en GT3, entre Daytona, Sebring, ou encore les titres GT World Challenge Europe et DTM, et donc le double tour d'horloge spadois.

 

Une épreuve achevée dans une intense chaleur qui a contraint Mirko Bortolotti à ne pas pouvoir répondre immédiatement aux journalistes au podium et en conférence de presse. C'est à tête reposée que l'Italien s'est confié par visioconférence. Voici la première partie de ce long entretien.

 

Cette victoire semble bien plus qu’une victoire, mais l’aboutissement d’une relation humaine avec Gottfried Grasser. Est-ce votre sentiment ?

 

Non seulement avec Grasser mais aussi avec Lamborghini. Si vous considérez tout ce qui entoure l’épreuve, cela revêt une très grande importance pour moi, pour la marque, pour l'équipe. Remporter cette victoire à Spa, avec Gottfried et son équipe, c'est un rêve devenu réalité, compte tenu de tout ce que nous avons traversé depuis le début, depuis le premier jour. Vous savez comment nous avons construit cela (Grasser était impliqué dans le développement de la Huracan en 2014, Ndlr). Nous n'avons pas pas eu une voiture gagnante ou nous n'étions pas une équipe gagnante dès le premier jour, mais le résultat est là. La combinaison de tous les revers que nous avons eus chaque année, lors des dix dernières saisons quand cela n’a peut-être pas tourné comme nous le souhaitions, a joué un petit rôle dans le succès le week-end dernier. Je crois vraiment que la victoire ne provient pas seulement de cette semaine-là, mais c'était la combinaison et l'addition des dix tentatives précédentes. En termes d'émotion, vous pouvez imaginer à quel point c'est immense pour nous.

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Lamborghini avait une voiture rapide en 2024 avec la pole de Grasser Racing Team. Qu'est-ce qui a changé par rapport à l'année dernière ?

 

Je pense que nous avons prouvé à maintes reprises notre compétitivité à Spa. J'ai été plusieurs fois tout près de la Superpole. Nous avons toujours montré un bon potentiel. Certaines années plus, certaines années moins, mais nous étions toujours là. L'année dernière, je n'étais pas chez Grasser, j'étais chez Iron Lynx, et nous avons eu d'autres problèmes. La voiture Grasser a aussi montré l'année dernière sa performance, mais il manquait toujours une pièce du puzzle. Et comme je l'ai dit auparavant, je pense que tous les revers, toutes les choses que nous avons apprises au fil des ans ont été de bonnes leçons qui nous ont fait faire le pas que nous devions faire cette saison. C'est formidable d'avoir tout mis ensemble cette fois avec une exécution impeccable, une excellente course de la part des trois pilotes, aucune erreur. Je pense que j'ai eu une seule limite de piste sur toute la course.

 

Le fait que ce soit peut-être la dernière année pour la Huracan ajoute-t-il quelque chose de spécial pour vous ?

 

C’est un conte de fées. Le boucle est définitivement bouclée maintenant. Dire au revoir à la voiture en remportant Daytona, Sebring, Petit Le Mans, le DTM et la plus grande course GT du monde, que sont les 24 Heures de Spa, c'est fantastique et c'est un énorme, énorme privilège. Et aussi la concrétisation de tous les efforts, tout le travail acharné que j'ai fourni, mais pas seulement moi, tout le monde sur ce projet. C’est le meilleur au revoir que nous pouvions donner à la voiture.

 

Vous avez longtemps mené la course et semblé hors d’atteinte. Mais lors du dernier arrêt, que s’est-il passé lorsque la voiture n'a pas redémarré du premier coup ?

 

J’ai réalisé la même procédure que d'habitude. J'attendais que le ravitaillement soit terminé. Dès que la voiture est retombée, j'ai essayé de démarrer la voiture, mais elle n'a pas voulu. J’entendais le démarreur faire des bruits vraiment étranges. Ne me demandez pas ce que je pensais à ce moment-là ... J’ai relâché l’embrayage, et j'ai juste répété toute la procédure et heureusement le moteur a démarré immédiatement et j'ai pu partir. Nous avons perdu, six, sept secondes. Nous sommes sortis des stands juste devant la Porsche. C'était vraiment serré et c'était clairement un moment effrayant. Vous dire exactement ce qu’il s'est passé à ce moment-là, je ne sais pas. J’ai fait la même chose que pendant toute la course. La même chose que mes coéquipiers. La voiture n'a juste pas voulu démarrer.

 

Pensez-vous que si vous aviez rejoint la piste derrière la Porsche, vous auriez eu le rythme pour dépasser la voiture ?

 

Je ne sais pas. Mais ce qui est sûr, c’est que j'aurais tout donné pour y arriver. Nous avions un léger avantage du côté de la stratégie, car nous avons été très agressifs tout au long de la course et très audacieux, en prenant pas mal de risques. J’adresse d’ailleurs un grand, grand bravo à nos stratèges. Dans les dernières heures, nous avions un avantage parce que nous nous arrêtions sept ou huit tours après la Porsche. Ce qui signifie que nous avions un avantage en termes de pneus. C'était crucial à Spa avec les températures élevées et la forte dégradation, d'avoir un peu plus de jus dans les pneus. Peut-être que cela aurait aidé dans la lutte, mais pour être honnête, je préférais être devant. Nous avons surtout fait un très bon travail pour anticiper ce qui allait se passer en termes d'évolution de la piste. Nous savions qu'il allait faire extrêmement chaud le dimanche, et nous savions que nous devions être compétitifs lorsque les conditions de piste seraient très chaudes. Nous avons un peu plus peiné au début de la course. Nous avons donc voulu rester en dehors des ennuis. La voiture en est la preuve parce qu'à l’arrivée, elle n'a aucune égratignure, ce qui est incroyable si vous considérez le nombre de voitures en piste et le nombre de batailles serrées dans lesquelles nous avons été impliqués.

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Vous êtes apparu vraiment épuisé après l’arrivée. Y a-t-il une raison particulière à cela ?

 

Dans la voiture, je me sentais bien jusqu'au drapeau à damier. Si j'avais dû faire un autre relais, j'étais prêt. Il faisait vraiment chaud dans la voiture et c'était vraiment une course difficile pour les pilotes, pour les voitures, pour les mécaniciens. Le vrai problème a commencé dans le tour de rentrée aux stands, juste après le drapeau à damier. Quand vous allez très lentement ou quand vous êtes arrêté, toute la chaleur des freins, du moteur, et de tous les éléments entre dans le cockpit. Et notre ventilation du cockpit est tombée en panne assez tôt dans la course. Donc, à chaque fois que nous étions aux stands et que nous restions dans la voiture, surtout pendant la journée, il faisait vraiment chaud. Pendant la nuit ce n'était pas un problème. Dès que nous étions à nouveau à pleine vitesse, le flux d'air revenait et c'était convenable. Le tour de rentrée aux stands était vraiment lent et évidemment, je me suis arrêté pour célébrer. J'ai même pris un drapeau italien. Toute la chaleur est entrée et dès que je suis sorti, je n'avais plus l'énergie de célébrer. Je le voulais, mais mon corps a dit non à un certain moment. J'ai commencé à me sentir vraiment, vraiment mal et ce n'était pas purement parce que j'avais perdu de l’eau, car je buvais beaucoup pendant les arrêts aux stands, mais c'était plus le besoin de me rafraîchir. Après être sorti de la voiture, je suis allé dans l'ambulance, mais je voulais vraiment être au moins sur le podium. Après, nous avons décidé d'aller au centre médical au lieu de la conférence de presse. Je suis désolé pour ça. Et après 30 à 40 minutes, tout est redevenu normal. J'avais juste besoin de dormir et j'ai récupéré assez rapidement.

 

Comment gérez-vous justement l’enchaînement entre le Nürburgring, Spa, et le Norisring ce week-end ?

 

Je ne suis pas fatigué pour être honnête. Je me sens vraiment en forme, vraiment rechargé, plein d'énergie. Nous avons un nouveau projet cette saison avec ABT en DTM qui a commencé en quelque sorte de zéro il y a quelques mois. Les week-ends ont des objectifs différents selon où nous sommes et quelle équipe je représente. Il faut toujours se réinitialiser et se concentrer sur l'objectif spécifique.

 

Avez-vous été surpris par la performance de Luca Engstler à Spa ?

 

Non, pas du tout. Luca a aussi prouvé l'année dernière en DTM qu'il est vraiment fort. Sinon, on ne gagne pas deux courses dans cette série. Nous avons travaillé parfaitement ensemble en équipe, avec Jordan et Luca. Nous savions ce que nous devions faire. Pour moi, il était important de montrer l'exemple. Je savais que mon objectif ultime, lors du premier relais, était de ramener la voiture après le premier double relais sans aucune limite de piste, juste pour donner le bon signal à mes coéquipiers. C'est la voie que nous devions suivre.

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Pensez-vous que la victoire aux 24 Heures de Spa changera quelque chose pour les prochaines années dans votre carrière ?

 

Cela signifie que la prochaine fois que je vais me rendre aux 24 Heures de Spa, je souhaite gagner à nouveau parce que c'est un sentiment unique. Donc, plus vous gagnez, plus vous voulez gagner et plus cela aide à gagner.

 

(Deuxième partie à suivre)

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