GTWC Europe

Pierre Dieudonné : « Le sport auto évolue comme le cours de la vie »

GT World Challenge Europe
25 juin. 2025 • 16:00
par
Laurent Mercier, à Spa-Francorchamps
Photo : MPS Agency

Multiple vainqueur des 24 Heures de Spa dans les années 70, Pierre Dieudonné reste actif sur la classique belge avec un rôle de directeur sportif du programme GT3 au sein de l’équipe belge WRT. L’ancien pilote fait partie des premiers arrivants chez WRT dès la création de l’équipe au début des années 2010.

 

Depuis, son rôle a évolué au rythme de l’évolution du sport automobile avec des règles sportives qui sont bien différentes du passé. Avant les 24 Heures de Spa, Pierre Dieudonné s’est confié à Endurance-Info.

 

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A quand remontent vos débuts chez WRT ?

 

Je suis arrivé dans l’équipe en 2011 avec un contrat à la clé. Auparavant, j’avais donné un coup de main aux 24H de Spa 2010. Mon rôle a évolué au fil du temps car le team a évolué. Avec le développement de l’équipe, tout est beaucoup plus divisé. Quand on avait trois personnes en GT dans le passé, on en compte maintenant six. Une personne regroupait différentes fonctions.

2011, première victoire de WRT aux 24H de Spa (photo : SRO)

Vos fonctions ont donc évolué en conséquence ?

 

Après ma carrière de pilote, j’ai fait pas mal de choses chez ORECA, notamment ingénieur de voiture où il était encore possible de dialoguer avec le pilote. Maintenant, il y a tout cet aspect analyse de données. Tout cela a fort évolué. Les techniciens ont un rôle de plus en plus important dans la performance. On ne se contente plus d’un ingénieur par voiture car il faut compter avec l’ingénieur datas et même l’ingénieur performance dont la fonction principale est d’aller chercher cette performance que tout le monde veut avoir.

 

Quel est votre rôle ? 

 

Ces dernières années, chez WRT, mon rôle est axé sur le plan sportif qui comprend la connaissance des règlements, transmettre les points principaux aux différents membres de l’équipe. Il ne faut pas oublier l’interface avec la direction de course. Je dois travailler plus dur cette année que l’année précédente car il faut une réflexion plus profonde.

 

Si votre rôle a évolué, les règles ont elles aussi changé ?

 

Les règles sportives sont régulièrement ajustées dans les différents championnats. Si on prend le règlement GT World Challenge Europe, il fait bien plus de 100 pages. Dans le passé, un règlement sportif ne dépassait pas 50 pages. Tout n’est pas toujours plus précis mais plus complexe. Des tas de règles et de précisions ont été introduites, comme des fenêtres de ravitaillement. Il faut aussi composer avec le projet de règlement 1, puis le 2, etc… Il faut impérativement s’assurer que les membres de l’équipe soient au courant.

Photo : Brecht Decancq

Il faut aller plus loin dans la réflexion ?

 

Chaque compétiteur essaie de sortir du lot en allant plus loin que le règlement tout en le respectant. C’est dans la philosophie de Vincent (Vosse) de toujours repousser les limites, de rendre possible ce qui paraît impossible. Cela demande beaucoup de travail et d’investissement personnel. On parle de recherche de perfection dans la performance. S’il y a une petite ouverture sur le plan technique ou réglementaire, on voit si on peut en tirer profit.

 

En 2025, est-il encore possible de faire de la stratégie ? 

 

Avec des règlements qui sont de plus en plus compliqués, chaque changement ouvre de nouvelles possibilités. Des opportunités peuvent s’ouvrir si une phrase est changée ou si on introduit une nouvelle règle. On se dit ‘on peut faire cela alors que ce n’était pas possible auparavant’. Il faut faire la bonne exploitation légale d’un règlement.

 

Si on prend les 24 Heures du Mans, c’est encore différent du WEC car la course a son règlement particulier. Notre personnel du programme Hypercar ne regarde pas le règlement du Mans avant la fin des 6H de Spa car il ne faut pas mélanger les deux. Après Spa, une analyse profonde des règles est faite par Thierry (Tassin) et l’équipe. Il faut aussi tenir compte de ce qui était en place les années précédentes. Chaque année, on parle d’ajustements à effectuer.

Et les pilotes arrivent en GT de plus en plus jeunes...

 

En sport auto, une douzaine d’années représente une génération. En 2011, je signifiais encore quelque chose pour Laurens Vanthoor car il savait ce que j’avais fait dans le passé. Dries, c’est différent et en 2025 ça l’est encore plus. C’est un peu comme si moi on me parlait de Tazio Nuvolari (rires). 

 

Vous avez aussi vu WRT grandir. Que vous inspire ce développement en si peu de temps ? 

 

Le développement de WRT a été météorique. L’équipe s’est construite un palmarès en très peu de temps. Des paliers ont été franchis de façon assez rapprochée. Il reste quoi plus haut ? La F1 ? L’IndyCar ? Lutter pour la victoire sur des courses comme les 24 Heures du Mans et de Spa est le graal de la course automobile avec un grand C et un grand A.

Vincent Vosse et Pierre Dieudonné (photo : WRT)

Il est aussi difficile de comparer les époques... 

 

Le sport auto évolue comme le cours de la vie. On a une période entre la sortie de l’adolescence et le début de l’âge adulte où l'on découvre les choses de la vie avec de l’insouciance. Si tu regardes dans le rétroviseur de ta vie, c’est cette période-là qui est celle dont on se souvient plus. Je vais dire entre 15 et 40 ans. On retrouve cela dans les courses de voitures historiques. Une Jaguar E-Type et une Aston Martin DBR1 étaient le rêve. Maintenant, les gens sont passionnés par les voitures qui les ont fait rêver quand eux-mêmes étaient gosses. C’est comme si moi on me parle d’une voiture d’avant-guerre. Ok, c’est chouette mais ça ne me prend pas aux tripes. Ce qui me prend aux tripes, c’est ce qui m’a fait rêver quand j’étais gamin. C’est la même chose pour la musique. Quand les Beatles ont percé, mon père voyait cela comme de l’hystérie. Maintenant, on me parle de rap ou de hip-hop et c’est la même chose pour moi. Les années 60 restent la grande période de liberté. Au XXIe siècle, tout est bien plus réglementé.

Commentaires (3)

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mcasadei

25 juin. 2025 • 18:52

Très belle interviews avec de belle question et encore plus belle reponse ….

WD

25 juin. 2025 • 19:10

Bravo Pierre Dieudonné, quel beau parcours !

blanchemain

25 juin. 2025 • 19:46

Bravo monsieur Dieudonne, un très grand monsieur du sport automobile