24H Spa

Stéphane Lémeret : « Peut-être le début d’une nouvelle histoire »

GT World Challenge Europe
28 juin. 2025 • 8:00
par
Laurent Mercier, à Spa
Stéphane Lémeret fête ce samedi sa 24e participation aux 24 Heures de Spa. Le Belge évolue cette année en Pro-Am sur une Ferrari 296 GT3 / AF Corse.
Photo : MPS Agency

Le retour de la catégorie Pro-Am aux 24 Heures de Spa permet à Stéphane Lémeret de prendre un 24e départ sur la classique belge. Le cinquantenaire rejoint l’équipage de la Ferrari 296 GT3 / AF Corse n°71 en compagnie de Miguel Molina, Luis et Mathias Perez Companc dans une classe Pro-Am qui comprend sept GT3.

 

Les débuts du journaliste-pilote sur le double tour d’horloge ardennais remontent déjà à 1996 sur une Opel Astra 16V. Le Belge est le seul pilote au départ de l’édition 2025 à avoir disputé l’épreuve au XXe siècle.

 

Si le Bruxellois ne compte pas de victoire au général, il peut être satisfait de ses trois deuxièmes places lors de la grande époque GT1 (2006 sur une Aston Martin DBR9 / Phoenix Racing, 2008 et 2009 sur une Maserati MC12 / Vitaphone Racing Team). Classé Bronze par la FIA, Stéphane Lémeret est clairement une valeur ajoutée au sein d’un équipage, qui plus est à Spa, un tracé dont il connaît le moindre millimètre.

© SRO / JEP

Surpris de ce nouveau départ aux 24H de Spa ?

 

Une 24e participation à 51 ans, ce n’est pas mal. Pour être honnête, je ne pensais pas pouvoir arriver à ce chiffre. Est-ce que je pourrais aller jusqu’au cap des 30 ? Rien n’est moins sûr car trouver un volant est de plus compliqué. Finalement, je ne cherche plus vraiment. Si j’ai eu la chance de pouvoir rouler en 2020 et 2022, c’est parce que c’était avec CMR. Avec Charly (Bourachot), on arrive toujours à trouver des solutions et il avait envie que je roule.

 

Malgré votre expérience, trouver un volant est de plus en plus compliqué ?

 

Ma dernière participation « sérieuse » remonte à 2016 avec AF Corse. Maintenant, c’est quasiment impossible. Quand tu contactes une équipe, on commence par te demander plusieurs dizaines de milliers d’euros. Même en étant un pilote Bronze confirmé, cela devient trop compliqué. Je suis pourtant repassé Bronze l’année passée. C’est d’ailleurs comme cela que Amato Ferrari m’a proposé ce volant. A chaque fois que je vois Amato, je lui demande s’il n’a pas quelque chose pour moi. Cette fois, il avait un bon programme à me proposer. AF Corse avait un pilote qui a décidé de rouler et qui cherchait le meilleur Bronze pour compléter l’équipage. Rouler en lever de rideau en GT4 était déjà chouette.

 

Le problème majeur reste le budget ?

 

J’arrive encore à trouver un budget pour rouler en GT4. On fait partie de la fête et arriver à rouler sur un programme complet est bien plus facile qu’en GT3. Pour moi, peut-être que 2025 sera ma dernière participation ou peut-être le début d’une nouvelle histoire. Je n’en sais rien mais quoi qu’il arrive, c’est chouette de participer pour la 24e fois à la course, qui plus est chez AF Corse. C’est quand même quelque chose d’exceptionnel. Le team est fantastique, la voiture est géniale, le contexte est parfait. Donc, je suis je suis aux anges.

 

Que retenez-vous de votre première participation aux 24H de Spa ?

 

Mes débuts remontent à 1996 sur une Opel Astra GSI 16V. Bon, évidemment on parle d'une ancienne époque. C'est venu par hasard parce que Opel Europe engageait deux voitures pour des journalistes. C'était Éric Neve qui roulait encore lui-même et il avait réussi à monter ce programme. Eric roulait avec nous sur l'autre voiture. Il accompagnait en tant que relation publique d'Opel pour rouler avec les journalistes. Ils m'ont appelé un mois ou deux avant la course parce que j'étais le pilote journaliste qui qui montait à l'époque. J'ai donc eu l'occasion de faire mes premières 24 heures.

 

Vous faites partie de ceux qui ont connu les époques Tourisme et GT1. Les 24H de Spa sont importantes dans votre carrière ?

 

Evidemment, quand tu les fais une fois dans un chouette contexte et dans une top équipe, ça donne envie de continuer. Le programme était très sérieux. Exception faite de 1996, je ne garde pas un grand souvenir du Tourisme car les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Les choses sont devenues sérieuses en 2004 sur une Chrysler Viper GTS-R. Là, c’était génial au sein d’un équipage 100% belge avec Marc Duez. Au petit matin, nous étions dans le top 5. Ensuite, il y a eu Ferrari, Aston Martin et Maserati. Sans les 24 Heures de Spa, je ne pense pas que j’aurais pu avoir une carrière internationale. Cette course m’a permis de trouver des budgets pour rouler à l’international.

 

Rouler en GT1 devait être quelque chose…

 

Forcément, l’époque GT1 reste la plus sympa. A cette époque, un pilote Am comme moi avait la possibilité de gagner les 24H de Spa en arrivant dans la meilleure équipe parce que j’avais le soutien de DHL qui mettait un budget conséquent pour inviter un tas de monde. Sans DHL, jamais je n’aurais pu rouler chez Vitaphone. C’était à moi de négocier mon volant avec ce soutien. C’était quelque chose de possible pour 50 000 euros. C’était génial de pouvoir jouer la victoire chaque année sachant que j’étais loin du niveau que je peux avoir maintenant. Un Andrea Bertolini me collait deux secondes assez facilement. J’étais en quelque sorte le gentleman qui complétait l’équipage mais c’était le cas dans chaque voiture de pointe. On ne trouvait pas vraiment de voiture pour la gagner avec seulement des pilotes professionnels dans un équipage, ce qui fait que je n’étais pas le vilain petit canard (rires). Je mériterais plus de gagner maintenant parce que je suis bien meilleur qu’à l’époque, ce qui est quand même fou car les années passent. J’ai débuté en Peugeot 106 et j’ai vraiment dû apprendre. Aujourd’hui, j’apprends toujours au contact d’un pilote comme Miguel Molina. Je me rapproche plus d’un Molina que j’étais d’un Bertolini.

 

Même avec le temps, vous continuez d’apprendre ?

 

En 2004, je débarquais de nulle part sur la Viper. L’année précédente, je roulais en Renault Clio Cup, donc j’avais tout à apprendre. C’est finalement assez frustrant car je m’estime meilleur mais je ne peux plus être en position de gagner et je ne le serai plus jamais. Je suis tout de même content de toujours progresser à 51 ans, ce qui est assez rare. Lors du Prologue, je suis parvenu pour la toute première fois à passer le Raidillon à fond en GT3. C’était un gros challenge mais c’est passé. Au moment d’aborder le Raidillon, tu te dis ‘bon je sais que ça passe à fond, donc je vais essayer de passer à fond.’ La première fois, je suis sorti des limites de la piste parce que je pensais que ça ne passerait pas. Ensuite, j’avais des pneus neufs et c’est passé à fond à plusieurs reprises. J’ai eu le déclic. En regardant les données de Miguel Molina, j’ai encore appris différentes choses : comment passer à fond, où freiner. Tant que je progresse, je continue de rouler.

Stéphane Lémeret en Chrysler Viper à Spa en 2004

Quand on regarde de plus près, c'est tout de même une belle carrière...

 

Pas une seule fois je n’aurais pensé disputer 24 fois les 24H de Spa. Quand j’ai débuté en Peugeot 106, mon but était de rouler sans que ça me coûte de l’argent. Terminer ensuite deuxième de la Renault Clio Cup internationale m’a motivé à aller plus loin. C’est la première fois que je roulais à l’étranger en ouverture du FIA GT. Bien sûr, ça m’a excité pour aller plus loin. Tout le monde me parle encore de la Maserati MC12 car la voiture est mythique. Elle était extraordinaire mais ce n’est pas celle où j’ai pris le plus de plaisir parce qu’elle était sous-motorisée. Elle était comme sur des rails en piste. Je ne la mettais pas à la limite car mon niveau de pilotage n’était pas celui de maintenant. La GT1 avec laquelle j’ai pris le plus de plaisir est la Saleen S7-R, surtout quand j’ai roulé chez Larbre Compétition.

 

Le temps passe et avant je récupérais le lundi et le mardi je n’y pensais plus. Maintenant, il me faut bien deux jours pour récupérer, même si je fais plus de sport qu’auparavant. Il n’y a rien à faire, le corps fatigue plus avec le poids des ans.

Stéphane Lémeret aux 24H de Spa 2009 (photo : DPPI)

Vous avez quelques bons souvenirs en mémoire ?

 

J’ai des tas de bons souvenirs aux 24H de Spa. Avec la Viper GTS-R c’était dingue. En 2005 sur la Ferrari 550 Maranello, c’était aussi incroyable car je partais P17 et j’ai rendu la voiture P2 en pneus intermédiaires. Gabriele Rafanelli, qui était notre team manager, me prend dans ses bras après me relais et me dit ‘Stéphane, on va gagner cette course’. Il était fou parce que j’étais remonté à la deuxième place. La suite de la course avait été bien plus compliquée. Encore une fois, je venais de nulle part. Ensuite, il y a eu les podiums avec Phoenix Racing et Vitaphone Racing Team. Mon plus beau souvenir est peut-être la victoire en Pro-Am et la 4e place au général en 2015. Là, j’avais vraiment un bon rythme et j’étais vraiment dans le coup par rapport à chez Vitaphone où j’étais le Am qui amenait le budget. Certes, j’étais un peu en-dessous de Pier Guidi et Bruni mais c’était costaud. Le dernier bon souvenir est bien plus récent car c’est le fait de passer le Raidillon à fond.

 

Passer Silver a été un handicap dans votre carrière de pilote ?

 

Je prenais cela comme un honneur que la FIA me classe Silver parce qu’on me mettait au même niveau que des petits jeunes qui ont les dents qui rayent le parquet. Dans un sens, c’est gratifiant mais d’un autre côté, j’en avais un peu marre d’être le seul Silver de plus de 40 ans. Forcément, ce statut de Silver m’a fermé des portes. Quand j’étais Bronze, j’ai beaucoup roulé mais fin 2016, je passe Silver après avoir gagné le TCR Benelux, ce qui était une excuse de la FIA pour me passer Silver. En 2019, je suis passé Bronze* pour rouler en France avec Pierre-Alexandre Jean. C’était le début de mon aventure avec CMR. Ici, je suis avec AF Corse qui selon moi est la meilleure équipe au monde.

 

Vous avez des regrets ?

 

La course a bien évolué. Il faut un temps où tu étais à 2’’, tu étais 5e. Maintenant, tu es 60e. Tu pouvais terminer deuxième à cinq tours. En 2025, on oublie tout cela. Je n’ai pas remporté les 24H de Spa car ça ne devait pas se faire, c’est comme ça. L’édition 2008 reste tout de même un gros regret car on se battait pour la victoire face à l’autre Maserati / Vitaphone. Malheureusement, un projectile est arrivé dans un étrier de frein et notre course a été ruinée le dimanche matin avec la perte d’un tour. Les positions ont ensuite été figées. Cette deuxième place restera toujours un regret mais finalement ça n’est pas si grave que cela. J’ai déjà fait tellement plus que tout ce que j’espérais au départ. Maintenant, ce n’est que du bonus…

 

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