Robert Kubica : « Le Mans m’a redonné ce sentiment d’inconnu »
Pour trouver trace de la première interview de Robert Kubica sur Endurance-Info, il faut remonter à septembre 2016 à Spa-Francorchamps. A cette époque, le Polonais, alors âgé de 31 ans, évoluait en Renault Sport Trophy engagée par Duqueine Engineering avec Christophe Hamon en coéquipier. Lors de l’entretien qu’il nous avait accordé, Robert Kubica ne savait pas trop quel serait son avenir sur circuit. En Belgique, il voulait voir comment son corps allait réagir. Sa phrase lâchée dans l’entretien était claire : « Le summum reste les 24H du Mans. On va voir ce que l’avenir me réserve. Ce qui est sûr, c’est que dans tous les sports, il faut s’entraîner. »
Neuf ans plus tard, Robert Kubica remporte les 24 Heures du Mans sur la Ferrari 499P « privée » qu’il partageait avec Phil Hanson et Yifei Ye. Une belle histoire et une très belle leçon de vie. L’histoire de Robert Kubica est peut-être la seule histoire humaine à raconter de ces 24 Heures du Mans 2025. A tout juste 40 ans, l’ancien pilote de Formule 1 n’a pas rechigné dans le baquet de sa Ferrari jaune en pilotant 43% de la course, soit 166 tours et 59 dans le final, la plupart sans pouvoir se désaltérer dans le baquet.

« Honnêtement, c’est une grande journée pour moi, a confié Robert Kubica à l’arrivée en sortant de la conférence de presse. Si je peux ajouter à cela la Pologne en tant que pays vainqueur au Mans au général, c’est une belle reconnaissance. C’est comme être le tout premier Polonais à remporter une course, devenir Champion du Monde WRC2 en rallye. C’est aussi une belle façon de remercier mes fans, qui ont été avec moi dans les bons comme dans les mauvais moments de ma vie et de ma carrière. »
Deuxième pilote le plus rapide en course avec un 3:26.562, l’Aigle Blanc de cette édition 2025 a porté haut les couleurs de son pays qui lui tient à cœur, lui qui est soutenu par le pétrolier national. La Pologne est mentionnée dans l’hymne italien avec l’évocation du sacrifice polonais face à l’oppression autrichienne et russe. De quoi associer encore un peu plus Kubica et Ferrari.
Compétiteur dans l’âme, Robert Kubica est quelqu’un qui revient de l’au-delà quand on se remémore ce 6 février 2011 en Italie. Les courses d’endurance étaient une seconde vie pour lui, un nouveau challenge dur à atteindre. Le handicap qui le poursuivra toute sa vie est d’autant plus dur sur de longs relais. Qu’importe, le pilote AF Corse va au charbon sans se poser de questions avec un quintuple relais qui est à enseigner dans toutes les écoles de pilotage.

« Quand je suis monté dans la voiture, il restait cinq relais à faire, explique-t-il. Je ne pensais pas que je finirais la course. Je fais ce qu'on me demande et je suis heureux d'avoir pu contribuer à la victoire. Je pense que ma plus grande contribution à l'équipe a été au début de la course, dans la deuxième partie après le départ. Nous étions autour de la 10ᵉ position, et je nous ai remontés à la première ou deuxième place en prenant des risques et en effectuant de gros dépassements. Ces relais ont payé. »
« Malheureusement, la voiture de sécurité est arrivée au pire moment pour nous, annulant l'écart que nous avions construit, poursuit le Polonais. Ensuite, c'était une question de contrôle, mais sur une course de 24 heures, on ne sait jamais à quoi s'attendre. Il faut trouver un équilibre entre risque et récompense. Faire une erreur, c'est jeter tout le travail à la poubelle. Je suis donc heureux d'avoir pu faire ces cinq relais sans faute. Après 24 heures de course et probablement 38 heures sans dormir – ou peut-être une heure tout au plus – ce n'est pas si mal pour quelqu’un de 40 ans. »
Occulter le grave accident de 2011 est impossible et au moment de tenir le trophée de la main gauche, le vainqueur du jour a certainement dû se remémorer sa période de reconstruction.

« Pour être honnête, ce qui s'est passé a été très malheureux, mais aussi une chance, d'une certaine manière, précise-t-il. On peut le voir des deux côtés. J'ai beaucoup travaillé pour fermer ce chapitre, et cela m'a pris des années, non seulement pour me remettre physiquement, mais aussi mentalement. J'ai dû apprendre à vivre avec ce qui s'était passé, à accepter mes limitations, notamment au niveau de mon bras. Mon cerveau refusait de les accepter au début, et cela a été extrêmement difficile. Mais aujourd'hui, je suis heureux d'avoir surmonté ce combat intérieur. Si je dois choisir une chose dont je suis le plus fier dans ma vie, ce n'est pas sur un circuit. C'est d'avoir remporté la bataille avec mon esprit dans ces moments très durs. »
En venant en Endurance, Kubica avait un nom mais restait à se faire un prénom. Ses débuts au Mans en 2021 se sont terminés dans la douleur avec un abandon dans le dernier tour en LMP2 chez WRT alors que la victoire de catégorie était au bout. « Je suis venu ici en 2021, rembobine Kubica. Ce fut une semaine très difficile pour nous. Nous menions en LMP2 avec une grande avance, mais dans le dernier tour, la voiture a dit "stop" après le virage Dunlop. Mais malgré cela, j’ai ressenti une émotion unique, comme un enfant revenant à ses débuts en karting. »

La suite passera par deux deuxièmes places en LMP2 avec son coéquipier devenu son ami Louis Delétraz. En juin 2024, il y a eu cet accrochage dans les Hunaudières avec la BMW de Dries Vanthoor qui avait fait polémique.
« À 35 ans, après avoir couru dans de nombreuses catégories, tout était devenu un peu "normal", souligne-t-il. Mais Le Mans m’a redonné ce sentiment d’inconnu, ce frisson d’affronter un défi inédit. Cela m’a rappelé mes premiers jours en karting, où tout était une première fois. J’ai adoré cette sensation et je suis tombé amoureux de cette course. En 2021, j'avais dit à mon coéquipier Louis que si je gagnais, je ne reviendrais jamais. Et il y a deux jours, j’ai dit la même chose à un ami qui travaille chez Ferrari. Il m’a répondu que cela n’arriverait jamais. Mais j’ai ajouté que si je gagnais, je retournerais au rallye. Alors, normalement, je tiens mes promesses. Nous verrons ce que l’avenir me réserve. »
Commentaires (5)
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Skyd
16 juin. 2025 • 18:48
Ha non il faut revenir,.
et si il repartait en rallye, la saison prochaine, le temps de développer l hypercar Ford ou Mc Laren....
Et j adore le clin d'œil du destin, il gagne les 24h le jour du grand prix du Canada 🇨🇦, sa victoire en F1🤔👌
nicolabaze
16 juin. 2025 • 18:52
michaelgorret@hotmail.com
16 juin. 2025 • 19:11
Greg78
16 juin. 2025 • 20:09
Oui, Robert revient de loin, et belle perf sa part, vraiment.
Par contre, le coup de ne pas respecter les consignes de laisser passer les voitures sœurs, ça ne risque pas de lui coûter son baquet dans la 83?
ArthurM57
16 juin. 2025 • 20:22
Quel exemple de résilience, de combativité, de travail acharné et quel sang froid d’avoir été contre les consignes d’équipes de son board qui ne voulait surtout pas voir la voiture jaune gagner. Ce grand monsieur est à montrer dans toute les écoles de pilotage comme son dernier relais avec 5 relais sur le pneus. Juste exceptionnel.
Peu être que j’ai mal lu mais il est question de le voir partir pour l’an prochain ? Si quelqu’un peut m’éclairer svp :)