Olivier Panis : « Où est l’équité sportive dans les décisions ? »

Quand un cycliste s’arrête sur le bord de la route en plein contre-la-montre du Tour de France pour embrasser sa compagne et son fils, on lui colle une amende pour « comportement déplacé au cours de la course et dommages à l’image du sport. » Vous serez sans aucun doute d’accord pour dire que c’est une belle connerie. Il arrive, de plus en plus fréquemment, que des décisions sportives soient sujettes à de l’incompréhension. C’est aussi ce qui est arrivé hier en European Le Mans Series à Imola.

Rappel des faits

Panis Racing remporte les 4 Heures d'Imola à 15h30. Charles Milesi, Arthur Leclerc et Manuel Maldonado peuvent fêter leur premier succès de l’année avec l’équipe technique emmenée par TDS Racing. La fête va prendre fin avant-même l’heure du Prosciutto arrosé d’un Prosecco.

➡️ ELMS Imola - Panis Racing perd sa victoire, des pénalités après l'arrivée...

A 19h04, le bulletin des officiels tombe. L’équipage de la #65 écope d’un drive through pour une accélération anticipée de 0.7s en fin de full course yellow. On refait la course pour marquer la pénalité ? Non ! La pénalité est transformée en 35s à ajouter au temps de course, ce qui fait chuter le trio au 5e rang et de gros points au championnat qui s’envolent par la même occasion. Le Prosecco a un goût amer pour Panis Racing.

Des décisions à géométrie variable ?

Avant toute chose, il convient de rappeler que les décisions sont prises par le collège des commissaires sans que le promoteur ait un quelconque mot à dire. Le collège étudie la faute, échange, avant de trancher. Pour le cas de Panis Racing, l’appel n’est pas possible, ce qui rend irrévocable la décision.

Pourquoi prendre quatre heures pour signer une décision ? Mais surtout, comment justifier qu’au fil des week-ends, voire au cours d’une même course, des concurrents auteurs de fautes similaires puissent recevoir des sanctions totalement différentes ? A 11h49, la Porsche / Iron Dames ralentit trop tard à l’entrée d’un full course yellow, faute comparable à celle de la LMP2 #65, si ce n’est que l’hypothétique gain intervient au début de la neutralisation FCY plutôt qu’à son terme. La décision tombe à 15h03 : 10s de pénalité

Lors des 4 Heures de Spa 2023, une erreur d’anticipation similaire à celle de Charles Milesi a été sanctionnée par une poignée de secondes de pénalité.  

Pour Panis Racing, la pénalité fait mal et c’est un Olivier Panis très fâché et contrarié qui a répondu à nos questions. Inutile de vous rappeler que OIivier Panis est connu pour son franc-parler en disant tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Entretien…

On vous sent agacé ?

Je suis très fâché, pas pour moi mais pour mes pilotes, l’équipe technique et tous les partenaires. A 15h30, nous gagnons la course et à 19h, nous terminons à la 5e place après une pénalité de 35 secondes. Je peux accepter une pénalité si une connerie est faite, mais là je veux juste qu’on m’explique la logique. Au cours d’une même course, des concurrents auteurs de mêmes fautes reçoivent des pénalités très différentes, un drive-through, 10s de pénalité, tantôt plus, tantôt moins, des pénalités lourdes qui privent certains de la victoire ou moindres qui permettent à d’autres de conserver leur position et leur résultat. 

Où est l’équité sportive dans les décisions ? C’est à la tête du client ? Je veux comprendre dans quelles circonstances des fautes similaires peuvent être sanctionner par des pénalités différentes. On me dit qu’on nous pénalise car nous avons gagné la course. Cela signifie qu’un concurrent moins bien placé peut bénéficier de clémence ou si une faute avait été commise plus tôt dans la course nous aurions pu espérer une pénalité moins sévère ? Nous ne savons même pas si les autres concurrents qui ont bénéficié de notre pénalité ont fait l’objet des mêmes contrôles.

Pire encore, nous n’avons pas été convoqués par le collège des commissaires, ni reçu la moindre explication pour comprendre par quelle méthodologie cette supposée anticipation de 0.7s pouvait être mesurée de manière certaine et avec autant de précision. Là, je suis désolé mais c’est de l’incompétence. Dans n’importe quelle société, si tu ne remplis pas les règles, tu ne restes pas longtemps. Cela fait partie de la vie au travail.

La prestation de l’équipe en prend forcément un coup…

J’ai eu nos partenaires Elf et Marc van der Straten qui sont aussi dépités que nous. Je demande juste une chose : le respect ! Je le répète, je demande qu’on m’explique les choses et que tout le monde soit logé à la même enseigne. C’est quoi la suite ? Le collège sportif qui décide de qui gagnera le championnat ?

A plusieurs reprises durant la course, on envoie des messages pour des drapeaux bleus non pris en compte. Aucune réponse. Jamais je ne laisserai l’injustice s’installer. Personnellement, ma vie de pilote est faite et je viens ici pour prendre du plaisir avec l’équipe. Les pilotes ont fait un boulot de dingue. Je leurs dis quoi ?

Il faut rappeler que le collège des commissaires est indépendant…

J’ai beaucoup de sympathie pour Pierre Fillon (président de l’ACO, ndlr) et Frédéric Lequien (directeur général du championnat, ndlr) et je sais qu’ils ne peuvent pas intervenir. Ce n’est pas de leur ressort. Je ne demande rien à ce sujet.

Nous mettons tous environ 2,5 millions d’euros par an pour une saison, alors je demande en contrepartie du respect et des explications. Le championnat est magnifique, le niveau y est très professionnel, mais j’en ai marre de l’incompétence d’une gestion sportive faite par des amateurs.

Quelle est la suite ?

On ne peut de toute façon pas faire appel de cette décision. Pour schématiser, on va arrêter de payer et on va venir avec trois personnes sur les meetings si le collège sportif peut décider d’un résultat. Peut-être qu’à Spa il faudra encore attendre une éventuelle pénalité qui traîne après l’arrivée.

Je le répète, l’équipe a fourni un travail exceptionnel. Tout le monde a une pression de dingue pour obtenir le meilleur résultat possible. Une réunion est prévue à Spa-Francorchamps pour discuter de tout ça. Je veux bien être gentil et poli mais tout cela a des limites.

Panis Racing repart d'Italie avec la pole pour Charles Milesi et le meilleur tour en course pour Arthur Leclerc. Le prochain rendez-vous se tiendra à Spa-Francorchamps sur les terres de Marc VDS, le partenaire principal de l'équipe. Contacté par Endurance-Info, Marc van der Straten s'est montré lui aussi très en colère contre la décision avec tout de même une pointe d'humour qui le pousserait à avoir une livrée noire de l'Oreca 07 sans le moindre partenaire en guise de mécontentement. « Je comprends de moins en moins le sport et je préfère ne pas trop m'étendre sur le sujet », nous a-t-il déclaré.