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Vécu - Les 6H de Spa-Francorchamps vécues en famille par Benoit Colson, part 2

WEC
16 mai. 2024 • 15:00
par
Benoit Colson
Deuxième partie des 6H de Spa-Francorchamps en famille vécues en famille par Benoit Colson

Nous repartons ensuite arpenter le paddock en attendant la deuxième séance d’essais.  Nous y avons un rendez-vous important, qui vous sera relaté dans la deuxième partie de cet article.  De retour aux abords du circuit, et d’abord le long de la ligne droite du Kemmel, nous prenons beaucoup de plaisir à observer les Porsche, Ferrari et Toyota se livrer de belles passes d’armes ... alors que nous ne sommes qu’en essais libres.  La Lamborghini retrouve une position plus en retrait dans le classement, tandis que les Alpine nous font bonne impression. 

 

➡️ La première partie est à retrouver ICI

 

Nous nous rapprochons des grillages en approchant des Combes pour y observer les glissades des voitures qui enchaînent le droite-gauche permettant d’entrer dans ce qu’on appelle encore parfois la « nouvelle » portion du circuit, dont le tracé avait été validé par un certain Jacky Ickx au début des années 80.  Certaines voitures – ou plutôt certains pilotes – gèrent cette succession de virages de façon plus fluide que d’autres, et nous assistons à un freinage d’urgence d’une BMW nécessitant un passage dans la chicane permettant de retrouver la piste quelques dizaines de mètres plus loin.  La séance s’achève après quelques brefs épisodes de « full course yellow », et nous y assistons une nouvelle fois depuis le virage de Bruxelles, ravis par le spectacle offert !  Nous rentrons fatigués mais heureux et nous réjouissons d’avance d’assister à la course (le vendredi étant consacré au boulot et aux études selon le cas !).

 

Samedi 11 mai, vers 12h00.  Nous avons fait un détour (c’est la fête des mères en Belgique ce dimanche !) avant de nous diriger vers le parking des Combes, et nous constatons avec effroi que le GPS nous annonce que les deux derniers kilomètres vont durer très longtemps ... et même de plus en plus longtemps !  Une (très) longue file s’est formée pour monter vers Burnenville, l’affluence étant tout bonnement exceptionnelle, et – selon moi – supérieure à tout ce que j’ai connu à Francorchamps, hormis la F1.  Le départ étant donné à 13 heures, nous optons pour un plan « B », en nous rendant chez mon frère, qui habite dans le coin, ma belle-sœur faisant le taxi jusqu’aux abords du circuit par une route traversant d’autres villages.  Grâce à elle nous arriverons à temps pour vivre le départ depuis la ligne droite du Kemmel, ayant réalisé que les tribunes étaient déjà pleines à craquer. Nous regrettons de ne pas être partis plus tôt, mais d’autres auront moins de chance que nous et seront encore dans leur voiture à l’heure du départ ... Une telle affluence est en tout cas une réponse très claire du public par rapport à l’affiche proposée, sans doute facilitée – ou amplifiée – par le fait que les 24 heures du Mans soient « sold out » depuis longtemps, comme me le fait judicieusement remarquer mon aîné.

Nous avons le temps de nous couvrir de crème solaire et de pique-niquer tout en observant les avions « Cherokee » dessiner dans le ciel les couleurs du drapeau belge.  Le jaune est un peu pale, et en quantité insuffisante pour le deuxième passage de la patrouille, qui termine son œuvre éphémère dans le ciel en noir et rouge.  Nous nous demandons si cela augure d’un duel entre Toyota et Ferrari, mais il n’aura pas lieu durant la première partie de la course.

Le départ est donné et l’ambiance est excellente parmi les spectateurs.  Les plus agités sont ceux de Valentino Rossi, tandis que la folle échappée de Sarah Bovy donne lieu à des applaudissements lors de chacun de ses passages, au fur et à mesure qu’un écart impressionnant se creuse sur les autres GT3.  Sarah est vraiment la « Driver of the Day » de la première heure de course, elle est sur une autre planète !  J’ai rarement vu ça, et je souhaite à ces dames de fer si sympathiques de ne pas croiser de chat noir cette fois-ci.  Prière qui se révélera malheureusement non exaucée comme on le sait désormais, mais cela ne retire aucun mérite à la régionale de l’étape et à ses talentueuses coéquipières.

 

Pendant ce temps, chez les hypercars, après un départ tonitruant et – fort heureusement – sans grabuge, nous assistons au début du festival de Julien Andlauer sur la Porsche 963 de Proton Compétition, dont la déco me plaît beaucoup tant elle confirme le parallèle entre l’époque actuelle et les glorieuses années des Porsche 956/962 « Groupe C ».

Mon aîné se réjouit quant à lui du début de course solide des trois Ferrari, qui remontent sagement et efficacement dans la hiérarchie, et qui semblent confirmer les impressions que nous avions eues lors des essais libres.  Nous nous déplaçons ensuite progressivement vers le virage de Bruxelles, puis le « speaker corner » avant de descendre vers le Double Gauche, où nous restons assis longtemps.  C’est de cet endroit que nous vivons une première longue neutralisation pour réparer les barrières à la suite de l’accident impliquant la BMW de Valentino Rossi et une des deux Porsche Jota.  Nous essayons de suivre tout cela via un live-texte, les résumés d’Endurance-Info ... et avec la complicité d’un ami qui suit la course depuis son salon et avec lequel nous échangeons nos impressions.  A ce propos, nous avons le sentiment que les Porsche 963 officielles commencent à glisser sérieusement dans le Double Gauche, ce qui nous vaut d’assister à quelques récupérations spectaculaires par leurs chevronnés pilotes.  Sans doute le moment de vérité se rapproche-t-il.

 

Il est aux environs de 15h30, et la chaleur se fait un peu lourde, plus oppressante, impression sans doute accentuée par la foule qui se presse dans ce virage avec vue panoramique.  Pas de souci, la forêt nous donne un espace fraîcheur à proximité immédiate avec vue sur la piste, et j’y installe mon plus jeune fils dans un siège. 

L’endroit nous est bien connu et évoque lui aussi des souvenirs puisque nous nous y étions également abrités en 2021, mais pour nous protéger d’une ... violente averse cette fois, et pour assister aux derniers tours des 24 heures de Spa et au duel épique entre Alessandro Pier Guidi et Dries Vanthoor.  Tiens, tiens, ces deux pilotes seront précisément bientôt en action sous nos yeux, justement, pour ce qui va devenir l’épisode le plus intense de la course, du moins à nos yeux.

 

Nous décidons de nous rendre dans la tribune du Raidillon, où nous assistons à la prise de pouvoir des Ferrari, la course étant menée par Alessandro Pier Guidi, qui aligne les tours rapides.  La lutte avec les Porsche, la Cadillac, la première Alpine et les Toyota est tout bonnement splendide ! Le trafic et sa gestion font que des écarts passent à 3 secondes, puis à une, puis à 5 en l’espace de quelques tours.

 

La Ferrari jaune, pilotée par Yifei Ye, remonte elle aussi, si bien que les 499P occupent les première, deuxième et quatrième position et que l’on se dit que les erreurs stratégiques d’Imola vont être gommées par un retentissant succès en Ardenne ...

 

Mais la glorieuse incertitude du sport passe par là.  A moins que ce ne soit le résultat d’une tension grandissante, palpable même, qui occasionne de superbes manœuvres de dépassement (chacune d’entre elles déclenchant les applaudissements d’un public conquis, il faut le signaler).  Ou bien les deux.  Les écrans géants nous montrent en tout cas les images de l’accident de la Cadillac juste après que nous l’ayons aperçue sortir du Raidillon dans les échappements de la Porsche Proton.  On comprend de suite que l’accident est important, et le drapeau rouge nous paraît d’emblée justifié, et confirmé par la ruée des véhicules de secours, d’extraction et autres dépanneuses vers les lieux de l’accident. Les nouvelles rassurantes des pilotes nous parviennent, et les speakers commencent alors à meubler le temps.  Ils remercient le public pour sa patience à plusieurs reprises et se gardent bien de partager le moindre pronostic sur un hypothétique redémarrage de la course.  Ils nous disent passer de la « musique » pour nous faire patienter, mais il s’agit surtout de basses qui nous font bien vite regretter la mélodie des moteurs ...

Viennent ensuite les tracteurs, qui nettoient le Raidillon avec un zèle certain dans un balai de véhicules auquel participe également une berline BMW.  Nous consultons l’app qui nous donne le classement et nous comprenons que la relance de la course, si elle a lieu, sera favorable aux deux Porsche ayant ravitaillé juste avant le drapeau rouge ... Favorable, vraiment ? Cela dépend de la durée de course qu’il restera, et qui s’amenuise de plus en plus puisque le chrono continue de tourner.  Mon aîné se rappelle des 24 heures du Mans 2011 et de la longue neutralisation pour réparer les barrières à la suite du crash de Rockenfeller. Sauf qu’au Mans ... les voitures continuaient de rouler derrière la safety car.  Ici, ce n’est pas possible, un gigantesque chantier étant en place avec camions, engins de levage etc. puisqu’il faut réparer le dessus d’un mur en béton et un rail de l’autre côté de la piste.

Après 1h30, nous quittons la tribune du Raidillon et décidons de suivre l’éventuelle fin de course ... qui nous paraît de plus en plus hypothétique.  Je suggère néanmoins de ne pas quitter le circuit tant que nous n’aurons pas entendu la confirmation de la fin de la course par le speaker.  Nous n’irons pas très loin avant d’entendre les speakers annoncer que notre patience va être récompensée par 1h44min de course supplémentaire, non sans remercier les autorités locales d’avoir accepté par dérogation le dépassement du nombre d’heures de bruit dans la région !  La succession des annonces, en français, en néerlandais, en anglais et en allemand (vive l’Europe !) déclenche des vagues d’applaudissements successives de la part des publics concernés.

 

En nous rapprochant du virage de Bruxelles pour assister au « restart », je papote avec un cameraman qui s’apprête à faire des heures sup’.  Il m’explique que c’est la même équipe qui filme et réalise l’ensemble des courses du WEC, de façon à garantir une réalisation respectant certaines règles, et pour que les cameramen soient habitués aux voitures et aux pilotes à filmer.  Je discute également avec un spectateur de la région de Munich, qui me dit être supporter de ... Porsche ? « Yes, of course … but also … » ... BMW ? « No, not really ... » … Mais de qui d’autre alors? De Peugeot, pardi (il n’a pas dit pardi, bien sûr, ça n’existe ni en anglais ni en allemand, mais sa tête a fait pardi), et pour une raison très précise : le bruit de leur moteur !

 

La deuxième course à laquelle nous allons assister offrira une toute autre physionomie que la première, les deux Porsche ayant ravitaillé avant le drapeau rouge étant très vite créditées d’une avance supérieure à la minute sur le reste du peloton.

Le spectacle est d’abord derrière elles: les températures étant redescendues, les performances sont modifiées et les Toyota viennent chatouiller les Ferrari, qui sont en plus grande difficulté.  Du moins les deux rouges. Sur la jaune, et munis de pneus neufs, Robert Shwartzman fond sur ses adversaires, avant que ses performances ne se stabilisent.  On sent que les dés sont jetés, le spectacle n’est plus aussi intense en hypercar, les Ferrari, les Toyota et les Alpine, tandis que les BMW semblent se traîner en attendant la fin de l’épreuve. C’est du côté des GT3 que le suspense refait surface, avec un final hitchcockien qui finit par récompenser l’équipe Manthey, qui en a vu de toutes les couleurs ce week-end et qui a même dû déguiser une de ses « Grello » rapatriée d’urgence ... en voiture blanche avec le numéro 92 !

 

Cette course à rebondissements se conclut, comme chaque épreuve d’endurance, par le tour d’honneur durant lequel les spectateurs applaudissent l’ensemble des concurrents qui franchissent le drapeau à damiers, une tradition qui me plaît beaucoup, que j’ai apprise à mes garçons dès qu’ils m’ont accompagné sur les circuits, et qui rend ce public – aussi nombreux soit-il – si différent de celui qui fréquente les Grand Prix de Formule 1.

 

Le respect du public pour tous les concurrents (au-delà des préférences de chacun, bien sûr) aura cette fois trouvé en écho le respect des organisateurs envers le public, grâce à cette décision de prolonger le spectacle après la longue interruption de course afin de garantir un temps de course conforme au programme.  Bien sûr, comme à chaque course, et comme pour chaque prise de décision, il y a les vainqueurs et les déçus.  Une déception sans doute encore un peu plus légitime cette fois-ci pour certains étant donné les circonstances particulières, mais il faut se rendre compte que tous les scénarios autorisés par le règlement allaient générer des frustrations d’un côté ou d’un autre ... 

 

Pour mes garçons et moi, la décision prise et le résultat final n’effaceront de toute façon ni la beauté ni le souvenir de toutes les performances auxquelles nous avons assisté, qu’il s’agisse de celles des vainqueurs, du feu d’artifice de la Porsche Proton, de la remontée magistrale des Ferrari, du regain de forme des Alpine, ou encore de la domination initiale de la Lamborghini des Iron Dames. Parce que le sport automobile, c’est aussi – et peut-être avant tout – des émotions vécues au bord d’un circuit ... en particulier le plus beau d’entre eux 😉

 

 

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Commentaires (10)

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nardo

16 mai. 2024 • 15:45

Merci Benoit mais quel est donc ce rdv important dans le paddock?

Cabrelbeuk

16 mai. 2024 • 15:52

Merci beaucoup pour le partage !

lmercier

16 mai. 2024 • 16:13

@nardo : Réponse demain 😉

Vette76

16 mai. 2024 • 18:27

Pour le son de la voiture que l'allemand aimait, j'aurai plutôt dit l'Alpine que la Peugeot non ?

LittleBen

16 mai. 2024 • 19:40

@Vette76: non, non, il s’agissait bien de la Peugeot! Il aimait beaucoup aussi le bruit de l’embrayage de la Lamborghini GT3.