Vécu

Chronique d'un monde qui change, part 7

31 déc. 2023 • 18:30
par
Laurent Mercier

Si vous pensez que c'est la dernière chronique d'un monde qui change de l'année, vous êtes dans le vrai. Faites la fête (avec modération), vous en aurez une le 1er janvier 2024 car il me reste deux ou trois choses à dire. 

 

ll est impossible de revenir sur tant d'années Endurance-Info car il faudrait pour cela bien plus que quelques chroniques. Si je pioche dans ma mémoire, je pourrais en sortir un livre. Ces quasiment 18 ans ont permis de faire de belles rencontres et des moins bonnes. On va plutôt s'attacher aux bonnes, on laisse les mauvaises pour le livre. 

 

Depuis 2006, je suis bien incapable de vous dire combien de personnes j'ai interviewé autour du monde. On parle d'environ 150k articles publiés depuis 2017. J'ai rarement été impressionné par quelqu'un à interviewer. J'en ai tout de même quelques-unes en tête. Il y a déjà Frédéric Vasseur que j'ai eu l'occasion de voir à plusieurs reprises quand ART Grand Prix était en GT. Je retiens la fois où je suis allé dans son bureau. Fred Vasseur a du charisme et de la prestance. Sérieux, il est capable de vous sortir une vanne avec un sourire en coin. Croyez-moi, il en impose. A la fin de l'entretien, il me dit « Viens, je vais te montrer quelque chose. Tu fais de l’Endurance, donc ce n’est pas ta came. » Il m'emmène dans une pièce où trônait une monoplace. C'était la toute première Fe assemblée par Spark. Je suis l'un des premiers à avoir vu en vrai une Formula E. Quelques heures plus tôt, je m'étais tapé le simulateur comme tout rookie aux 24H du Mans. Un sacré essai. Je me suis toujours mieux comporté que mon test sur simu chez DAMS quelques années auparavant. François Sicard n'avait jamais vu ça. Je pars en F2 à Spa-Francorchamps et à La Source, j'étais sur le toit, enfin sur l'arceau. Dans la réalité, mon PEL était à sec. 

 

Je garde aussi un souvenir particulier de ma visite au domicile d'André de Cortanze (merci Farida). Quel plaisir d'échanger avec lui, moi le grand admirateur de cette Toyota GT-One. Un moment inoubliable, comme les longs échanges avec Gérard Larrousse et Hugues de Chaunac par exemple. Gamin, ces personnes m'ont fait vibrer. Même chose pour Stéphane Ratel qui reste toujours très ouvert à la discussion et qui ne se défausse pas à la moindre question gênante. Ceux qui connaissent la vraie histoire de la fin du FIA GT1 savent de quoi je parle. Je peux aussi citer Martin Bartek, patron de Matech et fidèle lecteur d'Endurance-Info. A chaque interview publiée, je recevais un sms de sa part me remerciant. Que dire d'un François Trottet, qui dirigeait Trottet Racing ? Un patron d'équipe comme on en fait peu. Il a été l'un des premiers à mettre des stickers EI sur ses Ferrari. Un gars incroyablement sympa, jovial et cash. C'est lui qui finançait l'équipe, alors il disait ce qu'il voulait sans détour et je ne parle pas de son très bon café. 

 

Je ne peux pas mettre de côté Henri Pescarolo. Avec Laurent Chauveau, nous avions décidé de fêter le dixième anniversaire d'Endurance-Info chez lui. Henri et Madie avaient gentiment accepté. Nous avions coupé le gâteau au cours d'une journée mémorable même si on s'était fait engueuler pour une histoire d'équivalence essence/diesel. Enfin surtout Laurent 😀. Quelques années plus tôt, il y avait eu ce passage dans les ateliers Pescarolo Sport avec mon compère Eric Gilbert. Là aussi, un moment mémorable. Je ne vais pas revenir sur tous les moments passés avec Eric, car là vous nous prendriez pour des fous. On doit être les seuls à avoir mis la musique à fond à minuit dans la salle de presse de Sebring lors d'un Winter Test de l'ALMS où nous étions restés tous les deux. Ken Breslauer, qui gérait le media centre, nous avait juste dit : "Fermez bien en partant". Ah ça pour fermer, on a fermé mais avant on a mis le feu avec du Valérie Dore et de l'Italian Disco. Je crois même avoir fait un pas de danse, le tout sans une goutte d'alcool.

 

Les multiples interviews de Masaaki Bandoh, promoteur du Super GT, restent aussi de bons moments. Que ce soit à Fuji, Suzuka ou Motegi, il fallait toujours emprunter des escaliers et des ascenseurs pour accéder à son bureau. Je posais les questions en français à Tetsuya Tsuzuki qui traduisait et inversement. Bandoh-san me regardait et j'avais l'air d'un con à ne pas piper un seul mot. Ce Super GT, quel championnat et que de bons moments (ou pas) passés avec mes amis Thibaut, Alessandro et Didier au love hôtel. Il y a 10 ans, je découvrais ce pays grâce à Fred Mako avec là aussi de sacrés moments, comme cette histoire de vélo. Plus tard, il y a eu les parties de Mario Kart à 4h du mat' avant de finir au 7-Eleven du coin ou une mémorable soirée d'Halloween à Los Angeles qui n'est pas racontable avant 2040. On peut travailler et passer du bon temps, les deux pouvant être menés de front.

 

Mon premier vol remonte à 2007 pour aller à Silverstone. Je m'étais dit qu'un petit vol de deux heures était suffisant. Quelques mois plus tard, direction Petit Le Mans. Nous sommes six ans après le 11 septembre, alors quelle galère pour entrer dans le pays. Va leur faire comprendre que tu es moniteur auto-école au mec de l'immigration à Atlanta. Pour nous (Antho, Julie et moi), c'était le grand voyage, le grand saut dans l'inconnu. Il y a aussi la rencontre avec Eric Gilbert et Rainier Ehrardt, la découverte sur place de l'ALMS et son paddock très ouvert au public à cent lieues de l'Europe. 

 

D'autres personnes ont joué un rôle important, à l'image de Canard jusqu'à son triste décès. Un passionné et une gentillesse comme on en fait peu. Ses archives étaient incroyables, comme celle de Lucien Monté qui désormais sont chez moi. Quel palmarès et quelle gentillesse. Je peux vous dire que quand je me plonge dans ses archives des années 80 avant de revenir dans le monde réel, quelle claque ! En écrivant cette chronique, je reçois une carte de voeux signée Hubert Rohee, lui aussi de l'aventure Rondeau. Certainement que sans Jean Rondeau et mes premiers pas au Mans en 1980, ma vie aurait pris un autre tournant. Peut-être que je roulerais en Renault Scenic et que je pousserais le caddy tous les samedis après-midi au supermarché du coin avec mes cinq semaines de congés par an et une vie bien rangée. Des regrets ? Non, pas le moins du monde. 

 

Au fil des années, les choses ont évolué. Endurance-Info a pris de l'assurance et de la notoriété. Les déplacements s'enchaînaient, toujours avec une vie professionnelle à côté. Les vacances, les économies, tout passait dans les voyages sur les circuits. Laurent Chauveau commençait à perdre pied à suivre l'info quotidiennement, Antho était en parallèle attaché de presse chez ORECA et quand l'équipe à pris possession d'une Peugeot 908, le constructeur lui a demandé de faire un choix : attaché de presse ou journaliste. Début 2012, panique à bord. L'équipe, à l'exception de Claude, quitte le navire pour des raisons professionnelles. Que faire ? Poursuivre sous le régime d'association et donc tourner en rond, ou se lancer à 100% dans Endurance-Info. 

 

Arrêter après tout ça, quel gâchis. Six mois plus tard, dépression assurée. Il a fallu trouver les bonnes personnes, qui se reconnaîtront, pour aller de l'avant. Mars 2012 marque le début d'une nouvelle aventure. On m'avait pourtant mis en garde de ne pas continuer, que ce n'était pas viable, que jamais ça ne marcherait. Onze ans plus tard, je suis toujours là malgré quelques déceptions avec tout de même de grosses interrogations sur l'avenir.

 

 

Commentaires (7)

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gerardallan8

31 déc. 2023 • 19:29

Un sacré parcours vécu par un moniteur auto-école et ses compères 😇

Bravo à vous et merci pour tout ce que vous nous apportez Quotidiennement 🙏

Passez un bon réveillon 🥳

lchauveau

31 déc. 2023 • 19:45

Plutôt que dire que je perdais pied, je dirai plutôt que je perdais ma passion. A bosser comme un fou en parallèle de la vraie vie pro, la passion devient un boulot avec tous les problèmes que ça suppose. Gérer la mise en place d'un tout nouveau site par exemple avec un prestataire qui voulait nous faire revoir notre contenu notamment (tu connais ça, LM ;) ) Ajoutez à cela la fatigue de bosser comme un fou le soir après le taf, jusqu'à manger sur le clavier pour ne pas perdre de temps et dans mon cas, la passion en pâtissait. Au point que je suis venu au Mans à contrecœur en 2008 et 2009. Rassurez-vous, une fois sur place, le cœur y était de nouveau et il valait mieux pour suivre le rythme des autres furieux... Mais c'est ce qui explique pourquoi j'ai lâché mon rôle de rédacteur après les 24 Heures 2009.
Imaginez qu'en 2006, je faisais des journées de 10 à 12 heures au bureau et j'enchainais avec 6 heures d'EI... Fallait avoir la santé et l'envie ! On ne tient pas ainsi pendant longtemps.

vvf36

1 jan. 2024 • 1:04

Merci à tous et continuez de mettre l'humain en avant avec toutes ces histoires/rencontres (tellement mieux dans ce monde de plus en plus déshumaniser).

Dinoir

1 jan. 2024 • 9:30

Merci à toi Laurent pour toutes ces histoires vécues. Tellement mieux que ces nombreux journalistes qui sortent un livre mais plus pour se mettre en valeur que par passion.
Cela me rappelle en partie un mode de vie pratiqué environ 35 ans avant tes débuts.
Là aussi c'était la passion de la course automobile, plutôt le pilotage pour moi, qui m'a fait vivre mon rêve et qui me laisse de merveilleux souvenirs.
Que ce soient les pires galères ou de vrais bonheurs, partout dans le monde, cela fut une merveilleuse école de vie.
Et pendant une bonne trentaine d'années j'ai pu pratiquer ma passion au volant. Deux années de monoplace ne m'ayant pas laissé un souvenir grandiose c'est en tourisme que j'ai trouvé mon bonheur et ce sont principalement les courses d'endurance type 24h de Francorchamps ou Nurburgring qui laissent la banane ou encore les rallyes.

Pierre V.

1 jan. 2024 • 10:49

Alors ok, on attend le bouquin, d'ici là il y aura prescription pas racontables aujourd'hui, cf. les vraies raisons de la fin du championnat FIA GT1 effectivement, entre autres petites histoires !
Merci pour cette passion partagée
NB : s'il nous lit, mon bonjour à Jean-Marc Teissèdre, connu à l'époque de la BAM (un truc d'initié), pour laquelle j'avais monté qques modèles réduits ; Jean-Marc s'en était souvenu au moment de me dédicacer son beau livre sur l'inoubliable Bob Wollek...