Le Mans

Une règle de Safety-Car qui divise

24 Heures du Mans
10 juin. 2023 • 9:00
par
EI
L'édition du Centenaire des 24 Heures du Mans voit l'entrée en vigueur d'un nouveau système de voiture de sécurité. Testé à deux reprises durant la Journée Test, il fait depuis débat ...
© MPS Agency

Le 21 février dernier, Endurance-Info vous révélait que l'ACO avait décidé de totalement revoir sa procédure de Safety-Car aux 24 Heures du Mans (tous les détails sont à retrouver ICI).

 

Une procédure destinée notamment à ne plus se retrouver dans le même cas de figure que durant l'édition 2018, qui avait vu la magnifique bataille tant attendue en GTE Pro tronquée quelques heures seulement après le départ. Et pour cause, la Porsche 911 RSR-19 « Cochon Rose » - alors en tête de la catégorie - s'était retrouvée derrière un Safety-Car différent des autos qui la suivaient. De quoi créer un écart impossible à combler pour ces dernières.

Autre volonté exprimée par l'ACO : relancer le spectacle en regroupant les voitures par catégorie. Si les procédures se sont plutôt bien déroulées dans leur exécution, l'avis des pilotes et équipes reste en revanche plus contrasté.

 

« La nouvelle règle de la voiture de sécurité ne nous semble pas correspondre à l'esprit du Mans, indique notamment Pascal Vasselon, directeur technique du Toyota Gazoo Racing, interrogé à ce sujet durant la semaine mancelle. Lorsque l'on regarde ce qui a fait la grandeur du Mans, c'est tout le contraire de ce genre d'artifice où, si on n'est pas bon aux arrêts aux stands, si on fait une erreur de stratégie, ce n'est pas grave parce que la voiture de sécurité va tout remettre en place. C'est assez grave au niveau de l'état d'esprit. C'est un grand pas vers l'américanisation du Mans et notre avis est que ce ne doit pas être le cas. Sinon, ce n'est plus Le Mans. »

 

Un avis clairement partagé par Philippe Sinault, Team Principal d'Alpine Elf Team. « En théorie, il n'y a pas besoin de cela. La règle est la règle. On ne doit pas avoir besoin de ces règles pour être dans le coup. « C'est pour les faibles. ». » a confié le Français à Endurance-Info.

 

D'un autre côté, chez les pilotes, d'autres avis émergent pour défendre le nouveau système.

 

« J'ai gagné la course en 2018 (en GTE Pro) en profitant d'un Safety-Car, mais nous étions alors les plus vite en piste et en tête, commente Kévin Estre, pilote de la Porsche 963 n°6 - Porsche Penske Motorsport. A l'époque, ce n'était pas vraiment juste car on pouvait gagner énormément de temps, alors que l'on avait que dix secondes d'avance. Pour moi, c'est toujours le plus vite qui l'emporte, mais il a pu y avoir de gros écarts alors que l'on aurait pu rester les uns avec les autres. Je trouve que le système pensé est bon, pour les fans mais aussi pour nous. Après, j'espère que cela se passera bien et que cela ne prendra pas trop de temps non plus, sans avoir une voiture de sécurité toutes les heures. Si l'on regarde les statistiques, en 2022, il n'y a eu qu'un seul Safety-Car pendant toute la course. Et je ne pense pas que ce soit le style de la FIA, l'ACO et Eduardo Freitas de mettre un Safety-Car en permanence. Nous avons les Slow Zones, les Full Course Yellow ... Cela ne devrait pas changer drastiquement la course, mais cela tend vers une épreuve plus serrée, ce qui au final est mieux pour le public et les constructeurs. Mais c'est certain que c'est toujours ennuyeux quand tu es en tête avec une minute d'avance et que l'on te remet à zéro. »

 

« Je pense que c’est un bon ajout, tranche Scott Dixon, pilote Cadillac Racing, et habitué aux procédures spécifiques au championnat IMSA, dont se rapproche en quelque sorte cette nouvelle règle de Safety-Car. Vous savez en 2016, avec Ford, nous avons eu un souci avec cela d’entrée de jeu, où nous avons été séparés du groupe de tête d’environ 1’30 / 2 minutes, et nous avons essayé de combler cet écart durant toute la course. Dans tous les cas, vous ne pouvez faire que des relais de 14 tours avec la fenêtre en carburant. Si vous ne poussez pas jusque-là, cela vous pénalise. Ce n’est pas une course, et vous faites exactement comme les autres. Pour la course, les fans, cela sera un changement important. »

 

La question du temps

 

La nouvelle procédure a ainsi été testée à l'occasion de la Journée Test, et ce à deux reprises. Pour des durées s'échelonnant de 25' pour le premier essai et 37' pour le second, sans erreurs majeures dans l'exécution des différentes phases. Si l'ACO visait environ 15 à 17', les premiers temps de passage montrent que le tempo de la course s'en ressentirait forcément au déploiement d'une telle procédure. Avec en prime, une possible incompréhension pour un public pas forcément au fait des règles, et qui pourrait ainsi voir passer un paquet de voitures derrière le Safety-Car, à allure réduite et d'autres lancées bien plus vite lors du Pass-Around.

 

« Si l'on est factuel, 17' ce sont près de trois tours sous Safety-Car, rappelle Frédéric Makowiecki, pilote Porsche Penske Motorsport, questionné par Endurance-Info. Sont-ils capables de le faire en trois tours ? A chaque fois qu'on ajoute un tour, il faut rajouter 5', 5'30". »

 

On le voit, les avis divergent, la question divise face une possible artificialisation de la course. Plusieurs personnes dans le paddock nous ont confié se poser beaucoup de questions sur ce point et à la gestion sur le plan stratégique qui en découle au moment d'aborder la semaine. Qu'en sera-t-il une fois en course ?

Commentaires (7)

Connectez-vous pour commenter l'article

tet2lar

10 juin. 2023 • 9:57

Pascal Vasselon explique dans Spirit or le Mans que cela ne servira à rien d'essayer de prendre un maximum d'avance pendant les 2/3 de la course, effort étant réduit à néant en cas de safety car.
Dans ce cas, on risque d'assister à une course d'attente.
Et ce qui devait apporter du spectacle pourrait bien avoir un effet pervers.

CLOCLO31

10 juin. 2023 • 10:22

Vasselon, en grand professionnel des stratégies de course qui parle lui en parfaite connaissance de cause, a parfaitement résumé en 2 interview consultables sur Motorsport , ce qu'il fallait penser de cette nouvelle règle : attentat contre l'esprit de l'Endurance, soumission à la primauté du spectacle sur le sport, influence des usages "made in USA"

Il n'y a rien de plus à rajouter

MotorsportColors

10 juin. 2023 • 10:57

Y plus qu'à prendre des tours d'avance pour être à l'abris ?

MotorsportColors

10 juin. 2023 • 10:57

Y plus qu'à prendre des tours d'avance pour être à l'abris ?

MotorsportColors

10 juin. 2023 • 10:57

Y plus qu'à prendre des tours d'avance pour être à l'abris ?