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Philippe Dumas : "Ces prototypes verts vont vraiment me manquer"

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IMSA
5 déc. 2018 • 8:09
par
lm@endurance-info.com
Extreme Speed Motorsports va laisser un grand vide dans le championnat WeaterTech SportsCar Championship. Le retrait de l’équipe montée par Scott Sharp marque la fin d’une époque. On ne reverra pas les couleurs bien connues de Tequila Patron en 2019. Au fil des ans, l’écurie américaine a gravi les différents échelons pour aller remporter les 24 Heures de Daytona, Petit Le Mans et les 12 Heures de Sebring à deux reprises. S’il y en a un qui a fortement contribué à la success story de ESM en prototype, c’est bien Philippe Dumas. L’ancien team principal d’Hexis Racing en GT a rejoint Onroak Automotive avant d’être détaché de l’autre côté de l’Atlantique pour s’occuper de l’équipe américaine. Philippe Dumas est revenu avec nous sur sa relation avec Extreme Speed Motorsports. Pas de questions, juste son sentiment sur cette aventure humaine gagnante…« J’ai rencontré Scott Sharp dans le motorhome de l’équipe au Roar Before the Rolex 24 en 2015. A cette époque, le team faisait rouler des HPD ARX-04b et on ne peut pas dire que cette expérience ait été positive. De notre côté, nous étions les seuls à avoir monté un moteur HPD dans une nouvelle génération de LMP2. Nous nous étions faits un petit nom aux USA avec l’engagement d’une Morgan-Nissan en 2014 et introduit la Ligier JS P2 HPD dès COTA bien aidé par notre petit commando et un excellent Olivier Pla.En février 2015, on signe l’engagement de deux Ligier JS P2 HPD pour le FIA WEC. A cette époque, ESM est encore autonome à 100%. On livre les deux autos moins de deux mois plus tard pour Spa et l’aventure est partie. Le début n’a pas été facile, ils nous ont donc demandé à disposer d'un ingénieur et ‘Merlin’ était disponible. C’était pour lui le début de l’aventure car il ne les quittera plus. 2016 marque aussi une campagne FIA WEC avec un projet géré depuis la France et la reprise totale dans les ateliers du Mans. On prend l’équipe qui s’occupait de la voiture G-Drive la saison précédente, sauf Gautier et quelques autres mécanos qui étaient sur le programme RGR. On passe les autos en moteur Nissan car cela nous semblait plus cohérent pour le FIA WEC. On intègre une partie de leur ancien effectif et la mayonnaise prend de suite. On signe un petit brésilien nommé Pipo Derani.En parallèle à cela, Ed Brown et Scott Sharp souhaitent revenir à leurs bases et on utilise notre Ligier HPD pour disputer les quatre grandes courses américaines. La suite, on la connaît. On marque l’histoire car sans la casse moteur à Watkins Glen où nous étions en tête, nous aurions fait un 4/4 même si on ne termine que P2 au Petit Le Mans derrière Olivier Pla, pilote maison. Ryan Dalziel devait être le leader cette année-là mais il avait déjà signé avec VisitFlorida. Du coup, c’est Pipo qui s’est révélé aux yeux de tous à Sebring avec deux dépassements qui resteront dans l’histoire.La saison FIA WEC est plutôt positive avec plusieurs podiums mais des équipages un peu en dedans face à la concurrence pour aller chercher la victoire. En revanche, humainement et techniquement, c’est du haut niveau. En parallèle, on regarde de près ce règlement DPi qui va se lancer en 2017 en lançant plusieurs pistes, dont une qui aurait pu aboutir avec Bentley. Je pousse comme un fou car je sens que ce DPi va être très chouette et qu’on a le team/partenaire qu’il ne faut pas perdre.On finalise un deal avec Nissan/NISMO très tard (fin septembre). Il faut faire le design, la conception, etc… Nous sommes obligés d’intégrer un moteur de GT3 énorme et très lourd ‘Godzilla’ (son nom de code chez nous). Nous avons respecté le règlement initial. On pose l’auto sur la piste à Sebring le 21 décembre, au grand dam de ma femme. Le moteur pousse fort mais pas sur la durée. Je crois me souvenir qu’on a déposé pas moins de 60 litres d’huile sur la piste. On dispute les 24 Heures de Daytona et les deux autos voient l’arrivée, certes avec quelques soucis mais c’était une belle surprise. La suite a été plus compliquée avec pas mal de soucis de jeunesse, aussi bien l’électronique que le boost et le couple à faire passer. On travaille dur pour améliorer les choses. Le premier podium arrive à Long Beach et on gagne à Road America avec un très bon Pipo. On enchaîne avec Petit Le Mans en passant à deux doigts du doublé. A ce moment-là, le staff est moitié américain, moitié français.Nous sommes remontés à bloc pour la saison 2018 mais on prend une grosse claque à Daytona. On avait pourtant l’auto pour gagner et on devait gagner, mais on casse le moteur dans la nuit pour une histoire sable et un filtre à air pas assez gros. Nous ne l’avions pas vu en 2017 car la course s’était déroulée sous l’eau. La déception est grande mais l’équipe ne baisse pas les bras et on gagne dans la foulée à Sebring. On maîtrise la course de bout en bout et cette victoire est l’une des plus aboutie de l’équipe. Ensuite, des hauts et des bas mais notre aventure ESM de quatre ans se résume quasiment à un « win or nothing ! ». Pipo nous a fait un festival de plus à Laguna Seca et on accroche une victoire de prestige supplémentaire. La dernière qui clôture l’aventure. Il était écrit que nous ne gagnerions pas Petit Le Mans avec la #22 où nous avons dominé de la même façon qu’à Sebring. Malheureusement, une crevaison à 50 minutes de la fin en a décidé autrement.Je retiens quatre superbes années pleine de découvertes, de partage, de hauts, de bas et de succès. Ces prototypes verts vont vraiment me manquer. Ils feront partie de mon histoire au même titre que les Aston Martin et McLaren grises Hexis Racing et les Morgan/Ligier de couleur orange G-Drive Racing. »

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