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Franck Larue, le parcours d’un ingénieur d'exploitation (part 1)

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20 avr. 2020 • 12:00
par
David BRISTOL

Après le portrait de Sébastien Blanzat, ingénieur data système chez ORECA, nous allons vous présenter un autre homme de l’ombre. Franck Larue est ingénieur de course depuis plus de 20 ans. Il a connu de très grandes équipes telles que TDS Racing, Jota Sport, Manor, Cool Racing et même Audi Sport au temps du LMP1. Il officie maintenant chez High Class Racing en LMP2. Coup de projecteur sur cet homme et son métier…

Quel est votremétier ?

« Je suis ingénieur d'exploitation. »

En quoi celaconsiste ?

« Je dois gérer l’équipe technique, les pilotes et la voiture. Je suis le lien entre chaque. Je suis en charge de la stratégie, je préviens les mécaniciens de ce qui doit être fait sur la voiture quand elle va rentrer au stand, aussi bien en course qu'en essais, par exemple lorsqu’il y a un changement de set-up. Cela permet de prévoir le matériel et les pièces avant l’arrivée de l’auto. Je suis en communication constante avec le pilote. Maintenant, dans beaucoup d’équipes, nous sommes plusieurs ingénieurs derrière des écrans. Certains vont regarder les donnés quand il y a un problème technique. De toute façon, la relation avec le pilote ne se fait qu’avec l’ingénieur, les autres n’ont logiquement pas accès à la conversation.»   

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Par quel biaisêtes vous devenu ingénieur de course ?

« Je n’ai pas fait d’école d’ingénieur à l’époque, comme on peut en trouver de nos jours. Je dois faire partie des derniers à avoir appris sur le terrain car, maintenant, beaucoup sortent d’écoles spécialisées style Estaca. Tout a commencé pour moi avec un BTS puis une formation non diplomante (elle l’est maintenant et équivaut au Bac +3) que j’ai suivie au Mans. Ensuite, j’ai été prof de mécanique dans cette formation ! Avec un collègue on a justement aidé à ce que cette formation soit reconnue par l’Université du Maine et devienne diplomante. Comme cette formation était dispensée au Mans, j’ai eu la chance d’avoir comme prof Michel Lecomte de Graff Racing. J’ai donc eu l’opportunité de commencer dans cette équipe en 1999. Je faisais l’acquisition de données, la logistique. Par la suite, j’ai passé un Bac +3 puis j’ai commencé un Bac +5, mais je n’ai pas pu le finir parce que je faisais trop de choses : prof de mécanique à la Filière, ingénieur chez Paul Belmondo Racing (après plusieurs saisons chez Graff Racing et Epsilon by Graff en Open Telefonica Nissan), je prenais des cours à la fac et je refaisais un appartement (rire) ! Un moment, mon corps n’a plus suivi et j’ai décidé d’arrêter ! »

Comme vousl’avez mentionné, vous avez été prof de mécanique à l’Autosport Academy. Quegardez-vous en tête de cette période dans un domaine qui est éloigné de votrerôle d’ingénieur ?

« Ce fut vraiment une période spéciale. Je n’étais pas comme un prof qui a quatre ou cinq classes dans l’année scolaire. J’avais un groupe de 27 à 28 gars. Nous avions certes cette relation prof / élève car nous devions leur apprendre des choses, mais en dehors, on était un peu comme des amis. J’y suis resté cinq ans, j’ai formé plus de 200 étudiants au total, toutes écoles confondues. J’en croise encore quelques uns sur les paddocks, c’est super. Certains gèrent les pneus chez United Autosports, d‘autres, à la suite de leur formation ont fait de vraies écoles d’ingénieurs. Ils occupent ce poste là maintenant dans des écuries, un ou deux sont même passés par la F1... » 

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Vous avezremporté les 24 Heures du Mans en 2014 en LMP2 avec Jota Sport. De quoi vousrappelez de cette victoire ?

« J’étais à cette époque-là ingénieur n°2 avec Tim Holloway. Ce dernier était tout simplement le dessinateur de la Zytek Z11SN. Il était aussi mon « papa » de sport auto. J’ai travaillé avec lui pendant cinq ans et il m’a appris le travail, mais aussi la vie. C’est un homme tout simplement génial et je dois dire que Jota est une super équipe. J’avoue maintenant que je regrette un peu d’en être parti. Elle allie le professionnalisme avec ce coté amical que j’aime tant. Quand je me rendais en Angleterre pour travailler à l’atelier, j’allais dormir chez le papa de Sam Hignett qui avait une chambre de libre chez lui. Tout était mis bout à bout chez eux : l’équipe, la voiture, les pilotes, l’ambiance.

Pour en revenir aux 24 Heures du Mans 2014, cette épreuve a été difficile. Déjà, Loïc Duval se blesse en sortant de la piste aux essais du mercredi avec l’Audi. Marc Gené, qui roulait chez nous, est appelé en renfort pour le remplacer et nous, on fait appel à Oliver Turvey qui avait roulé avec nous l’année précédente. Difficile aussi car officiellement, on gagne avec un tour d’avance sur TDS Racing, mais officieusement, il n’y a que 28 secondes au bout de 24 heures ! En fait, l’Audi vainqueure s’est retrouvée entre nous et TDS au moment de l’arrivée. Si nous avions laissé passer l’Audi, l’auto de TDS en aurait profité pour nous dépasser avant la ligne. Nous avons donc été obligés de refaire un tour de plus que tout le monde. Ce ne fut pas les cinq plus longues minutes de notre vie, mais presque ! A l’époque, nous avions un partenariat avec Audi et étions voisins de stand. Je me rappelle qu’ils fêtaient déjà la victoire, sautaient partout alors que nous étions encore en plein stress dans notre dernière boucle. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer dans un dernier tour comme on a pu le voir avec Toyota, et comme TDS avait déjà franchi la ligne…Ce fut un moment terrible ! »   

A suivre…

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