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Une soirée Porsche riche en anecdotes au Musée des 24 Heures

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14 déc. 2018 • 12:09
par
Laurent Mercier

La foule des grands soirs était présente mercredi soir au Musée des 24 Heures pour la dernière réunion de l'année de « La voix aux calandres ». Il faut dire que l'affiche était belle. Dans le cadre de l'exposition « Porsche at Le Mans » dont Fabrice Bourrigaud, Directeur du Patrimoine de l'ACO, a annoncé la prolongation jusqu'en février prochain, « La voix des calandres » et Pierre Fillon, Président de l'ACO, accueillaient des invités de prestige ! Tous étaient évidemment parties prenantes dans la saga Porsche aux 24 Heures du Mans : Gérard Larrousse, Romain Dumas, Jürgen Barth et Norbert Singer. Hans Herrmann n'était, pour sa part, pas présent physiquement, mais a apporté son témoignage dans une interview enregistrée et filmée.

soirée Porsche

Après le propos introductif de Pierre Fillon rappelant que l'exposition fêtait le 70e anniversaire de Porsche, la marque la plus titrée au Mans avec 19 victoires remportées par 36 pilotes différents, les invités ont été présentés, les présents totalisant cinq victoires auxquelles il convient d'ajouter celle de Hans Herrmann en 1970. Si les succès de Gérard Larrousse ont été acquis au volant des Matra - plus celle de l'Alpine-Renault A442B alors que Gérard Larrousse dirigeait Renault Sport -, il a largement contribué à la légende de Porsche au Mans avec la légendaire course de 1969 où la 908 qu'il pilotait avec Hans Herrmann avait été battue de 120 mètres par la Ford GT40 de Jacky Ickx et Jackie Oliver, course dont nous célébrerons le cinquantième anniversaire l'année prochaine.

Hans Herrmann (14 participations au Mans entre 1953 et 1970, vainqueur en 1970 sur Porsche 917K) est revenu dans son interview sur cette course et sa victoire de 1970 : "Le Mans offrait aux pilotes et aux constructeurs une renommée internationale et c'est une course que nous voulions gagner. En 1969, la course a été difficile, mais nous avons fait de notre mieux. Bien sûr, nous avons été battus, mais ça m'a donné encore plus envie de l'emporter l'année suivante, ce que nous avons pu réussir avec la Porsche 917. Ce fut une course très dure parce qu'il a plu énormément et que les conditions étaient très difficiles, mais j'ai enfin gagné Le Mans, c'est ce qui est le plus important. J'ai pu arrêter de courir à la fin de cette année-là sur ce succès. »

soirée Porsche

Norbert Singer, le célèbre ingénieur Porsche, a pris une part primordiale dans les succès du constructeur allemand dont les succès des Porsche 917 : « Ferry Porsche tenait absolument à gagner au Mans. Pour cela, il voulait une voiture rapide et fiable, la fiabilité étant pour lui essentielle en raison des contraintes du circuit du Mans et en particulier de la ligne droite des Hunaudières. Le cahier des charges était donc établi en fonction de ces deux axes. Le succès au Mans était très important parce qu'il avait une grande incidence sur les ventes des Porsche 911.» Norbert Singer a ajouté une anecdote amusante expliquant pourquoi le démarreur des Porsche au Mans, comme celle des Porsche de Série, était à gauche. Cela permettait, à l'époque du fameux départ type Le Mans, de fermer la portière et d'actionner le démarreur de la main gauche et d'enclencher un rapport de boîte de la main droite et donc de démarrer rapidement !

soirée Porsche

Gérard Larrousse : « Une des choses les plus remarquables de Porsche au Mans a été de pouvoir partir d'une voiture aussi petite que la 356 et de finir avec la 919 Hybrid, avec de nombreuses victoires entre les deux, c'est extraordinaire. »

soirée Porsche

Jürgen Barth (12 participations au Mans entre 1971 et 1993, vainqueur en 1977) : « L'idée de Porsche était de faire les meilleures voitures possibles et, pour ça, Le Mans, était idéal. Je connaissais bien la maison Porsche parce que mon père Edgar était pilote Porsche, il avait couru huit fois au Mans avec les Porsche 2 litres. »

Romain Dumas  (18 participations ininterrompues au Mans entre 2001 et 2018, vainqueur en 2010 et 2016) : "C'est vrai qu'on veut toujours gagner Le Mans. Tous les ans, quand je pars d'Alès pour venir au Mans, pendant les 672 kilomètres du parcours, je me demande si je vais gagner cette année."

Bruno Vandestick, qui assurait la soirée, a demandé à Norbert Singer ce qui lui avait rendu le plus fier au Mans : "Je crois que ce dont je suis le plus fier, c'est de l'effet de sol des Porsche 956. Cela marchait bien en Formule 1, mais il n'était pas adapté à nos voitures. Nous avons développé notre propre effet de sol, nous avons trouvé la bonne manière de le faire." 

Étiez-vous vraiment libres pour concevoir les voitures ? Norbert Singer : "Oui, nous étions libres, avec une certaine carte blanche, mais il y avait quand même des limites : celles de temps car on concevait la voiture au mois d'août et il fallait qu'elle soit prête au mois de mars l'année suivante et c'était assez court. On avait évidemment les limites réglementaires, il fallait s'efforcer de les approcher au mieux, sans les détourner. Pour finir, bien sûr, il y avait les limites budgétaires, même si on les a parfois dépassées."

Jürgen Barth : « L'effet de sol a vraiment été un changement complet. Le problème de nos Porsche 956 est qu'elles avaient un moteur refroidi par air et qu'elles étaient très larges, mais Norbert Singer a su trouver la bonne solution. »

Gérard Larrousse, est-ce que la Porsche 917 était vraiment délicate, même dangereuse comme on a pu parfois le dire ?

soirée Porsche

Gérard Larrousse : « J'ai eu la chance de ne pas la piloter en 1969, c'est vrai que cette année-là les pilotes disaient qu'elle était un peu compliquée à conduire. En 1970, je n'ai pas souvenir d'une voiture particulièrement difficile. Ce dont je me souviens, par contre, c'est de la météo épouvantable et de la difficulté qu'on avait pour doubler les 911 dans les Hunaudières. On n'y voyait rien et on se guidait au bruit avant de les voir et de les doubler ! En 1971, la voiture était encore supérieure avec une tenue de route extraordinaire. Je me souviens bien de la ligne droite où on était pendant longtemps à fond, à 380, 390 km/h. La difficulté que j'avais, c'était dans la courbe des Hunaudières, avec la butte qui existait à l'époque. Au début, j'avais du mal à la passer à fond, alors qu'il fallait le faire, sans lever le pied. Le Petit Pont, c'était à fond aussi, mais il fallait quand même lever un peu le pied car la voiture s'allégeait. Maison Blanche était difficile car le virage était aveugle et la courbe Dunlop, il fallait aussi lever un peu le pied un peu avant. »

Norbert Singer : « Ce qui était plus difficile dans ces années-là, c'est qu'on n'avait pas de data, on avait uniquement les impressions des pilotes et les temps au tour. L'analyse était plus difficile. »

Jürgen, vous avez dirigé le Département Compétiton-Client de Porsche, les victoires au Mans étaient-elles essentielles pour Porsche ?

« Les clients sont extrêmement importants pour Porsche. En 1977, une semaine après ma victoire au Mans, je partais en Australie avec ma caisse à outils pour faire l'assistance sur un rallye ! L'important pour Porsche était de donner aux clients le même matériel que l'usine. »

Avec le risque de se faire battre par le client comme dans le cas de Reinhold Joest ?

« Oui, c'était un peu décevant pour nous en tant qu'équipe officielle, mais c'était quand même une victoire Porsche, c'était le plus important. »

Quel genre d'homme était Ferry Porsche ?

Norbert Singer : « C'était quelqu'un de très calme, qui ne se mettait jamais en première ligne, qui ne disait pas un mot plus haut que l'autre, mais son message passait. Il était posé, mais déterminé. »

Jürgen Barth : "C'était presque de la famille. Je l'avais connu avec mon père, alors que j'étais apprenti mécanicien. Il était très proche de ses équipes. »

Gérard Larrousse : "C'est exact, il venait souvent assister aux courses et on pouvait lui parler. »

Romain, est-ce que cet esprit un peu familial existe encore dans le Board actuel de Porsche ?

« Je crois que c'est toujours un peu ça. Je me souviens de ma victoire de 2016. Comme d'habitude, la loge Porsche était juste au-dessus de nos stands et, après notre succès, j'ai vu Wolfgang Porsche qui vidait pratiquement tout le contenu de la loge par la fenêtre et qui lançait des drapeaux Porsche. L'esprit est toujours présent. »

Norbert Singer : « Une course est importante si elle a un sens, il faut courir pour vendre davantage de voitures. Plus vous avez de victoires, plus vous vendez. Comme on dit « on gagne le dimanche, et on vend le lundi ! »

Gérard, vous avez beaucoup couru avec Porsche, que ce soit en Rallye -comme Jürgen et Romain- mais vous les avez aussi battus, comme pilote avec Matra, ou comme patron d'équipe avec Renault...

Le pignon de cinquième

« Oui, c'est vrai, j'ai d'ailleurs deux belles anecdotes . En 1978, l'année où nous avons gagné avec Renault, nous avions, et Porsche aussi, des soucis de pignons de boîte de vitesses. Le pignon de cinquième cassait fréquemment. Nous avons fait des modifications, mais c'était toujours très fragile. Nous sommes partis aux USA pour faire des essais, et ces fameux pignons de boîte ont été de nouveau défaillants, deux mois avant la course. En rentrant en France, on a utilisé un nouveau banc d'essais, qui permettait d'avoir le moteur et la boîte. Les ingénieurs ont multiplié les essais. Le problème a été identifié et la pièce a été renforcée. Par contre, le problème n'a pas été réglé chez Porsche, le pignon avait un défaut d'usinage. »

Le coup de main de Porsche à Matra

"En 1974, on gagne devant une Porsche RSR. On a eu de gros ennuis de boîte de vitesses alors qu'on était en tête de la course. Cette année-là, les Matra avaient une boîte de vitesses...Porsche !! J'ai demandé à un technicien de Porsche « Can you help us ? » et c'est comme ça qu'on a pu réparer et gagner ! »

Jürgen Barth : « En 1977, on a fait une belle course après avoir eu des ennuis importants d'injection en début de course qui nous avaient retardés, Hurley Haywood et moi. C'est la fameuse année où Jacky Ickx est venu avec nous après l'abandon de sa voiture. On a roulé comme des dingues, surtout Jacky d'ailleurs, mais en fin de course, le moteur a eu de gros soucis. On a condamné un cylindre et j'ai fini la course sur cinq cylindres, avec l'objectif de faire le dernier tour en tournant plus vite que trois fois le temps des qualifications, ce qui était une obligation réglementaire et l'objectif a été atteint. »

soirée Porsche

Romain Dumas : "Les anecdotes, c'est Le Mans. La différence avec les courses de ce temps-là, c'est qu'on ne peut plus se permettre de passer trop de temps au stand. En 2016, notre victoire a été incroyable. Avant la course, on pensait que les Audi seraient difficiles à battre, mais on se méfiait moins des Toyota et, en fait, celles-ci ont fait une très belle course. Nous, on avait fait le mieux qu'on pouvait, mais on était derrière. A vingt minutes de la fin, pour rigoler : « Bon, les Toyota vont bientôt s'arrêter, en référence à tous les pépins qu'ils avaient eus auparavant. C'était juste pour rire. Et d'un seul coup, on voit les chronos de la Toyota chuter. On a d'abord pensé que la Toyota voulait se regrouper avec l'autre voiture pour passer la ligne d'arrivée ensemble, mais c'est Brendon Hartley qui a compris le premier que la Toyota avait un gros problème tandis que dans le stand des japonais où les casques radio avaient été visiblement débranchés, ils n'avaient apparemment pas saisi encore. Vous connaissez la suite...C'est Le Mans, et ça se reproduira encore... »

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