"Le Mans 66" : Matt Damon et Christian Bale, l'interview, part 3...
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10 nov. 2019 • 15:00
par
Laurent Mercier
Matt, vous avez eu de nombreuses expériences au volant dans vos films, mais pas beaucoup dans celui-ci, avec Shelby qui arpente les stands, et Miles qui fait tout le pilotage. Est-ce que cette frustration vous a aidé à rentrer dans la peau de Shelby ?Matt Damon : « C'est certain, ça m'a vraiment aidé. C'était pénible pour Shelby d'être là et de regarder quelqu'un d'autre faire ce qu'il aimait tant. Et je pense que Jim a fait un super travail pour rendre ça dans le film. J'ai du mal à imaginer qu'on dise soudainement, comme ça a été le cas pour Shelby dans les années 1960, de renoncer à la chose qu'on aime le plus. Les enjeux pour ces deux personnages sont énormes car Miles était réellement à la fin de sa carrière de pilote -il vieillissait et n'avait jamais tout à fait atteint le niveau qu'il aurait pu atteindre, en raison de sa personnalité. C'était sa dernière chance, et en même temps c'était une opportunité pour Shelby de basculer vers autre chose, dans ce qu'il a fini par faire, devenir le nom proéminent dans le domaine des voitures en Amérique et fonder sa société, sous sa propre marque, à son nom. C'est pourquoi ces deux-là avaient tout intérêt à réussir ensemble cette histoire exceptionnelle. Ce qu'ils ont réussi a été incroyable, mais c'était alors loin d'être acquis. Shelby, qui est un homme, dont les voitures sont encore très célèbres aujourd'hui, était réellement à l'époque sur le point de tomber dans l'oubli et d'être seulement un gars faisant tout pour vendre des voitures. Cette opportunité, c'était une chance unique pour tous les deux. »Les pilotes peuvent être des figures mythiques presque surhumaines. Avez-vous été surpris de les découvrir au-delà des apparences ?Christian Bale : « Oui, et c'est ce que j'ai aimé chez Miles -le fait qu'il n'était pas ce type de personnage. Miles n'était pas un macho, un dur qui éprouvait le besoin de montrer sa force. C'était quelqu'un de très émotif. En tant que cinéastes, cela nous a donné une grande liberté, car quand on pense à un pilote très inexpressif, on pense « comment diable vais-je pouvoir rentrer dans sa tête ? » Mais quand on a quelqu'un comme Miles, qui était pratiquement sans mystères, on peut exprimer l'amour de la course automobile à travers lui. C'est essentiel. Dans la vraie vie, Miles aurait dit à propos du sport automobile : » "Ce n'est pas un bras de fer, c'est un ballet. Cela demande de la grâce. » J'ai trouvé une très belle video dans laquelle il parlait au pilote américain Lloyd Ruby (avec qui il a remporté les toutes premières 24 Heures de Daytona, en 1966 également, ci-dessus, NDLR ), qui était quelqu'un dont on disait qu'il ne broncherait pas même s'il y avait un champignon atomique se formait à dix mètres de lui, alors que Ken était vif et plein d'allant, tout le temps en mouvement, et aimait parler. Dans cette video, Ken est en train de parler à Lloyd, en lui disant à propos de la voiture : "Sois gentil avec elle, caresse la machine. Ne sois pas brutal ! » Et Lloyd le regarde, avec une attitude du genre « Mon dieu, mettez moi cet Anglais dehors ! » Ken était vraiment expressif et soit les gens étaient vraiment attirés soit ils ne pouvaient pas rester dans la même pièce que lui. Et c'est un merveilleux personnage à dépeindre. Ce que m'ont dit les pilotes, c'est que cette notion de machisme, ça devient rédhibitoire pour les gens. Car au niveau où sont ces pilotes, c'est une relation complexe avec la machine. Aux yeux des gens qui n'ont pas eu le plaisir incroyable de rouler sur la piste dans une voiture phénoménale, on pourrait penser qu'il s'agit juste de savoir qui peut appuyer les plus sur l'accélérateur. Oui, il y a de ça. Mais si c'est bien fait, c'est un ballet, comme le dit Ken (ci-dessous, à l'arrivée des 24 Heures du Mans avec sa Ford GT40 #1, NDLR) . Même quand on met les gaz, on travaille avec ses pieds comme un danseur de ballet. C'est une merveilleuse danse que les meilleurs réussissent admirablement. Cette citation, qui disait que la course, ce n'était pas un combat, mais un ballet, a été pour moi un moment déterminant pour que je puisse tout comprendre. »D 'une certaine façon, ce film traite de la quête de la perfection.. Y êtes-vous déjà parvenu ?Christian Bale : « Non, loin de là. Cependant je ne suis pas sûr que le but soit vraiment d'atteindre la perfection, même si on pourrait penser le contraire. Je pense que si on essaie, c'est plus amusant. C'est un défi. On a besoin dans la vie de challenges qui nous paraissent insurmontables pour garder la passion. Et la question, c'est, bien sûr « Qu'est-ce que la perfection ? » Ce n'est pas comme dans une voiture, quand vous connaissez le virage et que vous ne pouvez pas mieux le négocier, c'est plus abstrait que ça. Je crois que la perfection ne peut être atteinte, mais que c'est le fait d'essayer d'y parvenir qui nous donne la qualité de notre vie. »Matt Damon : "Je pense que la perfection est hors d'atteinte -et c'est bien comme ça, aussi. Ce n'est pas quelque chose à laquelle il faut renoncer, mais dans le même temps il ne faut pas se prendre la tête avec ça sinon on perdrait la raison . Je recherche toujours le film parfait. Et j'aime le faire. Vous savez, ma vie est très différente de celle de mes débuts, donc j'ai maintenant d'autres priorités merveilleuses, et c'est très bien. Je n'ai pas de schéma directeur, professionnellement. Je fais encore des choses qui, pour ma carrière, sont ponctuelles, j'essaie juste de faire à chaque fois un grand film. Et c'est très dur. C'est très dur de faire un bon film, alors un grand film...! Et c'est vraiment, vraiment facile d'un faire un mauvais. Apprécier son parcours, faire de son mieux et essayer d'acquérir plus de sagesse pour ce qu'on aime le plus, je pense que c'est l'essentiel. Au moins pour moi. »Comment présenteriez-vous ce film à quelqu'un qui n'aime pas les films sur la course automobile ?Matt Damon : « Bien, je lui dirais « la course automobile ne m'intéressait pas non plus ! » Ce n'est pas pour ça que j'ai fait ce film. Je pense qu'on peut vraiment s'identifier à cette histoire. Elle parle de ces outsiders qui ont bâti ensemble cette histoire, cette histoire incroyable, bien qu'étant tous deux très différents, qui ont cette relation et cette amitié aussi chaleureuses. Ensemble , ils ont réussi l'impossible. J'ai toujours aimé les films de ce genre-là et quand j'ai lu le script, il m'a tout de suite sauté aux yeux -c'est pourquoi nous l'avons fait. »
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