Classic

Aston Martin : retour sur la victoire de 1959…

Featured
30 déc. 2019 • 9:32
par
Laurent Mercier
L’édition des 24 Heures du Mans 2009 a marqué le 50ème anniversaire de la victoire d’Aston Martin dans la Sarthe et la marque britannique a décidé bien justement de revenir sur cet évènement historique pour la firme. En 1959 donc, Aston Martin alignait trois DBR1 officielles -comme cette année- pour des équipages solides : Stirling Moss/Jack Fairman, Roy Salvadori/Carroll Shelby et Maurice Trintignant/Paul Frère, les équipages de trois pilotes n’étant pas de mise à l’époque.Les Aston Martin n’étaient pas les favorites de la course, celle-ci semblant promise aux Ferrari 250TR. La stratégie d’Aston Martin fut donc de pousser les Ferrari à la faute. Le staff britannique décida que la DBR1 n°4 de Moss/Faiirman servirait de lièvre, dans l’espoir que les Ferrari essaieraient de suivre la cadence élevée par l’Aston Martin et se fatigueraient, tandis que les deux autres DBR1 feraient une course d’attente en ménageant la mécanique. Cette stratégie s’avéra payante puisque la DBR1 n°5 de Salvadori/Shelby s’imposa au terme des 24 Heures devant la voiture soeur, la n°6 de Maurice Trintignant/Paul Frère, ceux-ci couvrant dix kilomètres de moins seulement que la voiture victorieuse. Les Ferrari officielles avaient disparu et la première voiture de la marque italienne, la Ferrari 250GT de “Beurlys”/”Eldé” était bien troisième, mais à 25 tours des DBR1. Le lièvre, la n°4 de Moss/Fairman avait renoncé à la sixième heure, moteur cassé.
Cette victoire ne fut cependant pas acquise dans la facilité, comme le raconte Roy Salvadori : “Au départ, nous nous sommes mis rapidement dans le rythme et nous avons pris la tête en fin de soirée. Ensuite, nous avons rencontré un sérieux problème de vibrations. Je suis rentré au stand mais le problème n’a pu être diagnostiqué aussi on m’a renvoyé en piste pour terminer mon relais. Cela nous a coûté beaucoup de temps et nous avons dû faire deux arrêts supplémentaires avant que le défaut ne soit trouvé : un gros morceau de gomme s’était détaché sur un pneu arrière mais en raison de l’obscurité et des protections aérodynamiques sur les roues arrière, on ne pouvait s’en apercevoir.”La DBR1 n°5 s’arrêta donc pendant la nuit pour changer le pneu incriminé et commença alors à reprendre du terrain à la Ferrari de tête. “Nous étions plus rapides que la Ferrari et on remontait sur elle sans cesse. Quand la Ferrari a abandonné le dimanche matin, j’ai reçu le signal “slow” depuis les stands. Cependant, j’ai tellement ralenti que j’ai dû accélérer à nouveau car Paul Frère et Maurice Trintignant sur l’autres DBR1 remontaient sur nous. Carrol helby et moi-même formions l’équipage idéal. Nous avions été choisis parce que nous étions de la même taille et que nous pouvions tous deux mettre le pied gauche entre la pédale de frein et la pédale d’embrayage. Nous nous entendions bien tous les deux et le team a pensé que c’était une bonne association.”
Carroll Shelby : “La DBR1 avait une très bonne tenue de route mais était moins rapide dans la ligne droite. Cependant, nous étions vraiment supérieurs aux autres en termes de maniabilité. Et nous sentions toujours à l’aise dans la voiture -on avait toujours envie de piloter l’Aston-. Je n’ai jamais entendu un pilote la critiquer. A l’arrivée, je ne pouvais croire que nous avions remporté Le Mans car j’en avais tellement rêvé. Remporter enfin Le Mans c’était le summum. Aston Martin était pour moi comme une famille et j’étais très heureux pour le team.”Roy Salvadori et Carroll Shelby, en raison de leur état de santé, ne pourront être au Mans la semaine prochaine pour célébrer cet anniversaire mais Carroll Shelby, qui a conçu, chacun le sait- les légendaires AC Cobra depuis sa victoire, a fait part de ses réflexions et de son expérience.“J’ai vécu une époque étonnante avec Aston Martin, pour qui j’aurai toujours énormément d’affection. En particulier, j’ai beaucoup de souvenirs de 1959 et ce sont tous vraiment des souvenirs différents. Par exemple, nous avons baigné dans des litres d’huile ! A la fin de la course, David Brown, alors propriétaire d’Aston Martin, est monté dans la voiture pour le tour d’honneur. Cela signifiait tant de choses pour lui, j’imagine que toute sa vie il avait souhaité gagné au Mans. Quand il a su que nous allions l’emporter, il s’est habillé avec tout ce qu’il avait de mieux, avec une nouvelle veste sport et tout ce qui allait avec. Mais quand il est monté dans la voiture à l’arrivée de la course, il s’est assis dans plusieurs centimètres d’huile! J’étais tout à fait désolé pour lui, habillé comme il l’était et couvert d’huile! Mais j’imagine que vu les circonstances il ne s’en souciait pas trop…A l’époque notre budget était de 150 000 livres sterling pour toute la saison. Un peu comme à l’époque, Aston Martin aujourd’hui a réussi à bien réussir avec des ressources limitées. J’ai toujours beaucoup de respect pour le team et je vais penser à tous ceux d’entre eux qui seront au Mans.Cependant, c’est très différent. Maintenant je pense que je reconnaîtrais à peine les lieux. Maintenant, Le Mans ressemble davantage à un sprint de 24 Heures. A l’époque c’était très différent, tout était une suite de compromis. Il n’y avait pas de limiteur de régime -seulement nos pieds- et la boîte de vitesses et l’embrayage n’étaient pas très solides. C’était beaucoup plus une question d’endurance. Un mouvement de travers et on pouvait exploser le moteur.
C’est impossible de comparer 1959 et 2009. On ne peut pas dire qu’une époque était plus facile ou plus difficile que la suivante ou que la précédente. C’est comme si on compare des pommes et des oranges. Le goût de la victoire cependant : je suis sûr que ça n’a pas beaucoup changé!
Physiquement c’était difficile néanmoins, en 1959, j’ai eu la dysenterie pendant tout la course, quelque chose dont j’ai détesté penser! C’était l’un de mes soucis principaux, mais au Mans il faut surmonter tout inconfort et tout oublier. C’est parce que lorsque vous avez l’occasion de gagner Le Mans, c’est la chance de toute votre vie. En y repensant cependant, ça a dû être vraiment difficile car je n’ai rien mangé pendant 24 heures à ‘exception de tablettes de quinine. Ensuite nous avons gagné la course et -oh mon Dieu- ils m’ont tout à coup mis une bouteille de champagne dans la bouche et ça m’a un peu rendu tout chose! J’étais si fatigué que je pouvais à peine tenir debout et penser. Je crois que je me suis effondré ensuite et que j’ai dormi douze heures d’affilée environ.Les temps changent mais je suis certain que j’aurais aimé piloter la LMP1 moderne également. Les pilotes de course s’adaptent à toutes les machines et apprennent à les connaître. Cela a toujours été le cas et ce le sera toujours. Par exemple, nous n’avions pas fait beaucoup d’essais avant la course de 1959, parce que nous n’en avions pas besoin. Nous connaissions déjà le circuit et , de plus, on a 24 heures pour répondre à touts les questions qu’on pourrait se poser. Notre priorité était de faire notre course et de ne pas faire de faute. Croyez-moi, il y avait beaucoup de possibilités pour que ça se passe très mal, ou que quelqu’un s’en occupe pour vous. A l’époque, il a probablement plu lors de chacune de mes courses au Mans. Ensuite, il y avait le brouillard la nuit et les voitures lentes qui roulaient à environ 130 km/h sur la gauche de la piste -c’était le règlement- et nous sur la gauche nous étions à 260-270 km/h. Il n’y avait qu’à espérer que ça marche. Et en 1959, ça a été certainement le cas.Une chose reste encore identique par rapport à l’époque actuelle et 1959 c’est que Le Mans est très différent de tout. Les 24 Heures sont légendaires parce qu’ils présentent toute une série de problèmes nouveaux et différents par rapport aux autres courses. Je suis sûr que c’est encore vrai maintenant.Mon message personnel aux pilotes Aston Martin avant qu’ils ne prennent le départ la semaine prochaine pourrait être simplement :”portez haut les couleurs!” Roy Salvadori et moi-même sommes tous deux vraiment fiers de vous. Espérons que cette équipe merveilleuse continue encore pendant cinquante années supplémentaires et bonne chance à vous tous.”D’après les communiqués de l’Aston Martin Racing dont nous remercions le service presse et plus particulièrement Sarah Durose pour les clichés d’époque qui nous ont été gentiment adressés.

Commentaires

Connectez-vous pour commenter l'article