Christophe Bouchut : "Entre dix et quinze secondes dans les flammes"
Sur le Circuit des Amériques, le Français a été à deux doigts de se faire percuter violemment par une Porsche 919 Hybrid alors que sa CLM P1/01 était en fâcheuse posture dans des conditions météorologiques dantesques. A Fuji, l’incendie de sa LM P1-L à l’entrée de la voie des stands a semé la panique au sein du paddock FIA WEC. Le 23 octobre 2014, Christophe Bouchut était revenu avec nous sur ses déboires aux Etats-Unis et au Japon.
Tout d'abord, aucune séquelle après l'incendie de Fuji ?
« Non, tout va bien ! Durant plusieurs jours, j’ai eu des douleurs à l’œil gauche car j’ai été exposé à une grosse chaleur. Je suis passé tout près d’une situation catastrophique. Mes sourcils ont partiellement brûlé. J’ai passé des examens concernant la cornée pour vérifier que tout allait bien. Cela ne m’empêche en rien de piloter. »
Austin avait déjà été compliqué sur le plan émotionnel…
« Là aussi on est passé près d’un drame. J’étais perpendiculaire à la piste avec un moteur qui ne voulait pas redémarrer. Etant assis du côté droit dans la voiture, j’ai commencé à me détacher pour sortir car si une voiture arrivait en perdition, j’étais mal en point. Puis, je me suis ravisé en me disant que je pouvais me faire percuter en quittant la voiture. J’ai tenté la manœuvre de la dernière chance en faisant reculer mécaniquement l’auto. Par chance, cela a fonctionné. Dans le cas contraire, je ne sais pas ce qui serait arrivé avec une Porsche LM P1 qui est sortie à haute vitesse exactement au même endroit où j’étais arrêté. Il s’est passé environ deux tours avant le drapeau rouge ne soit sorti. Il y a de quoi être remonté contre la direction de course. C’était le chaos en bout de ligne droite. J’ai 28 ans de course automobile à haut niveau derrière moi et jamais je n’ai eu l’impression d’être passé aussi près du couperet. »
Fuji est la goutte de trop ?
« Je sais qu’un pilote automobile prend des risques mais le jamais deux sans trois n’est pas pour moi. Cependant, je vois cela comme un hasard. Je préfère donc mettre un terme à ma saison avec Lotus. J’apprécie beaucoup l’équipe et j’ai aussi conscience que c’est bien pour eux de faire rentrer un pilote qui amène un budget car l’incendie engendre de gros frais. J’ai toujours suivi mon feeling. Quand on ne le sent pas, on ne le sent pas. »
Quelle est l’origine de l’incendie ?
« Un dérèglement de la pompe à essence. Une durit d’essence a lâché et cette durit était orientée vers le turbo et elle a renvoyé de l’essence sous pression dans l’habitacle. Quand j’ai arrêté l’auto, il y avait le feu dans le cockpit. Tout l’intérieur était en flamme. Mon gant gauche est brûlé comme si il avait été jeté dans une cheminée. Je suis resté entre dix et quinze secondes dans les flammes. On ne peut que remercier les normes de sécurité concernant l’équipement du pilote. Psychologiquement, ce n’est pas quelque chose de facile à vivre. Je tiens à exprimer tous mes remerciements à l’équipe Rebellion Racing qui s’est précipitée pour éteindre l’incendie. Sans eux, l’auto aurait certainement brûlé intégralement. Ce sont nos concurrents sur la piste, mais je remercie chaque personne pour son esprit sportif. C’est extrêmement valeureux et sportif. »
« J’en ai parlé récemment à Jean Todt, Président de la FIA. Je considère que le drapeau rouge a été sorti trop tard à Austin. J’en ai également discuté avec Alexander Wurz et d’autres pilotes. Tous sont unanimes sur le sujet. Selon la direction de course, il n’y a pas de problème. Ce qui n’est pas mon avis, loin de là… A Fuji, j’aurais pu arrêter l’auto à un autre endroit. J’ai préféré tout faire pour la mettre en toute sécurité et ne pas aller jusque dans la voie des stands. Là aussi on est passé tout près d’un accident car des commissaires venant éteindre l’incendie ont bien failli se faire percuter par une Audi qui ravitaillait. L’ensemble du paddock est d’accord avec moi sur ce sujet, au nom de la sécurité. Il faut trouver des solutions pour que ce genre de situation ne se reproduise pas. Par deux fois, j’ai été au cœur du problème. »
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