Hervé Poulain, célébre commissaire-priseur (président fondateur d’Artcurial) et pilote émérite est tombé dans le bain automobile dès son enfance. Son premier choc automobilistique et esthétique aura lieu enfant face à une 4CV. Situation somme toute normale pour le fils d’un concessionnaire Renault.C’est le 4 mai 1975 qu’Hervé Poulain organisa sa première vente et depuis ce sont plus de 10.000 voitures vendues au rythme de son coup de marteau.Hervé Poulain partage avec Pierre Noix, héros de « L’homme pressé », roman de Paul Morand (autre amateur de vitesse et collectionneur de voitures : Bugatti 35, Mercedes 300 SL…), une appétence pour le beau (Pierre Noix est antiquaire de profession) et une vie menée à vive allure. « Mêler la passion de l’art et de la vitesse ».
Une auto peut être regardée comme une œuvre d’art ; l’esthète qu’est Hervé Poulain en est convaincu. Créer « un pont entre l’art et l’automobile », c’est à cette fin que nôtre « homme accéléré » décide de faire peindre des voitures par un artiste. Jean Todt lui conseille alors de s’adresser à Jochen Neerpasch, père de BMW Motorsport. Banco ! La première Art Car, une BMW 3.0 CSL, sera peinte par le peintre et sculpteur américain Calder (1898-1976). Elle sera présentée dans une galerie d’art à ciel ouvert d’une longueur de 13,640 km : les 24 heures du Mans 1975. La voiture sera pilotée par Jean Guichet, Sam Posey et pour sa première participation à la classique mancelle…un certain Hervé Poulain (il participera à 10 éditions entre 1975 et 1998). Hélas, l’équipage de la numéro 93 fut contraint d’abandonner à la 9ème heure mais les Art Cars venaient de naître.L’auto considérée comme une œuvre d’art passe par la reconnaissance des institutions. Pari gagné par Hervé Poulain : la « pop car » signée Roy Lichtenstein (1923-1997), une BMW 320i, sera présentée avant les 24 H au Mans 1977 au Centre Pompidou dans le cadre d’une exposition « L’Art et l’Automobile ». La voiture fait son entrée au Musée ! Cette auto sera exposée dans le même lieu en 2013 dans le cadre d’une rétrospective de l’œuvre de Roy Lichtenstein. Cette auto finira 9ème au classement général de l’édition 1977 avec à son volant le duo Marcel Mignot/Hervé Poulain.
Faire rencontrer « l’art et l’industrie ». Qui d’autre qu’Andy Warhol (1928-1987), le pape du Pop Art, pour remplir cette mission. Comme Roy Lichtenstein, Warhol produit ses premières toiles sur la base de sujets de bandes dessinées (« Comics »). Warhol qui débuta comme dessinateur publicitaire, rencontrera le succès en 1962 avec ses « Campbell’s Soup ». 32 toiles sérigraphiées représentant chacune une boîte de soupe de la marque Campbell. Un produit manufacturé et du quotidien érigé en œuvre d’art. Andy Warhol est un des artistes contemporains les plus côtés. En 2013, son œuvre intitulé « Silver Car Crash (Double Disaster) » créée en 1963 et représentant en noir et blanc une voiture argentée accidentée, mise plusieurs fois sur toile, s’est vendue 105.000.000 $.Pour les 24 heures du Mans 1979, Hervé Poulain pense donc naturellement à Andy Warhol pour poursuivre la série des « Pop Cars » et continuer l’association compétition automobile, design et art.L’artiste proposera une première version recouverte de papier peint de fleurs lilas. Refus de BMW compte tenu du risque de voir des lés se détacher pendant la course. Deuxième projet : une livrée kaki camouflage. Le constructeur allemand refusera à nouveau eu égard au contexte géopolitique de la guerre froide. BMW veut continuer à vendre des autos… Le marketing l’emporte sur la création artistique.Devant ces deux refus consécutifs Andy Warhol demande à Hervé Poulain de lui prendre des billets pour Munich. L’artiste prend l’initiative de se rendre dans les ateliers BMW. Contrairement à ses prédécesseurs qui ont travaillé sur des modèles réduits, il choisit de peindre lui-même directement la voiture. La légende dit qu’il aurait réalisé son œuvre sans esquisse et en seulement 28 minutes. Les coups de pinceaux et les empreintes de l’artiste sont visibles sur la carrosserie.
L’œuvre d’Andy Warhol aura pour support une BMW M1. C’est en 1977, sous l’impulsion de Jochen Neerpasch, que BMW relance le concept « Studie », un projet né en 1971. Le dessin de la future M1 sera confié à un italien, Giorgetto Giugiaro. La version routière sera produite de 1978 à 1981 à 399 exemplaires ; elle proposait un 6 cylindres, 3,5 litres, 24 soupapes développant 277 cv. Les ventes de la M1 furent un flop ; l’auto était proposée au public à un prix trop élevé par rapport à ses concurrentes de l’époque.En revanche, la M1 « s’épanouira » sur les circuits : 24 Heures du Mans de 1979 à 1986, championnat d’Europe de la Montagne 1983 et 1984, championnat du monde des voitures de sport… Un championnat lui fut même dédié pendant deux saisons en 1979 et 1980 avec des grands noms du sport auto à son volant : Niki Lauda (vainqueur de l’édition 1979), Nelson Piquet (vainqueur de l’édition 1980), Didier Pironi, Jacques Laffite, Clay Regazzoni, Jan Lammers…Il faut noter qu’ORECA concevra une version rallye de la M1 pour Bernard Béguin.Le volant de la M1 « Andy Warhol » au Mans (1979) sera confié, outre Hervé Poulain, à Marcel Mignot et Manfred Winkelhock. Hervé Poulain retrouvait Marcel Mignot avec lequel il avait déjà été associé en 1977 sur la BMW 320 I dont la livrée fut conçue Roy Lichtenstein, autre représentant du courant Pop Art. Marcel Mignot a disputé 10 fois la classique mancelle entre 1972 et 1981 dont l’édition 1976 sur une Ford Torino qui fut la seule et unique participation de ce modèle. Quant à Manfred Winkelhock (1951-1985), il s’est partagé au cours de sa trop courte carrière entre la Formule 1 (de 1980 à 1985 il participera à 47 grands prix principalement pour l’écurie ATS) et l’endurance avec 4 participations aux 24 Heures du Mans. Il perdra la vie à l’âge de 33 ans aux 1000 km de Mosport au volant de sa Porsche 962. L'équipage terminera à la 6ème place du classement général et 2èmede sa catégorie (IMSA).L’histoire des Art Cars et BMW se poursuit depuis 1975.Vous pourrez retrouver partie des souvenirs d’Hervé Poulain dans le beau livre que lui ont consacré Patrick Lesueur et Jean-Marc Thévenet « L’Art automobile – Hervé Poulain, itinéraire d’un homme accéléré » aux éditions E/P/A.
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