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Retour sur la carrière éphémère de l’Audi R8C (part 3)

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Châssis
16 avr. 2020 • 14:01
par
David Bristol
Dernière partie de notre rétrospective consacrée à l'Audi R8C aux 24 Heures du Mans 1999. On vous parle de la course des deux autos !

Entre satisfaction et déception…

 

Dans le camp du constructeur aux anneaux, cette première participation aux 24 Heures du Mans aura été vécue de façon très différente pour les hommes d’Audi Sport UK et ceux d’Audi Sport team Joest.

 

Sans grande surprise, les Audi R8C vont payer très vite leur manque de préparation et c’est seulement au bout de 20 minutes de course que la #10 doit observer un premier arrêt : trois quarts d’heure pour changer la boîte de vitesses. Une opération qu’il faudra hélas rééditer peu après les 12 coups de minuit. Inexorablement, le trio Perry Mc Carthy, James Weaver et Andy Wallace stagne dans les profondeurs du classement avant de devoir abandonner à 9 heures du matin dans les Hunaudières à cause d’un ultime problème de boîte de vitesses.

 

Malgré sa déception, Andy Wallace essayait toutefois de rester positif à l'arrivée : « Nous avons fait tout notre possible. Si la dernière boîte de vitesses n'avait pas cassé sur le circuit, nous aurions pu la changer et probablement atteindre la fin de la course. La voiture est toute neuve, mais je pense que nous pouvons être fiers de ce qui a été accompli. » Pour sa part, James Weaver regrette surtout le manque de préparation des R8C. « Ce n’est pas le résultat final que nous voulions, mais Audi a fait un excellent travail ici avec la R8R. Si nous avions parcouru plus de kilomètres et fait plus de tests, un classement parmi les 10 premiers aurait été possible avec le coupé. »

Sur le second coupé, #9, Stefan Johansson, Stéphane Ortelli et Christian Abt vont hélas très vite abandonner. A 19 h 48, la belle anglaise s’immobilise à l’entrée des Hunaudières, différentiel cassé. Dans les stands, les hommes d’Audi UK ne peuvent que constater l’arrêt prématuré et définitif de la seconde R8C qui occupait la 19ème position. « Un résultat décevant » explique Stefan Johansson « mais ce n’est pas faute d’avoir d’essayer, toutes les personnes impliquées ont fait un travail fantastique. C’est dommage que cela n'ait pas payé, mais j'espère que nous pourrons revenir l'année prochaine, et nous serons alors certainement beaucoup plus forts. »

 

Le Suédois, vainqueur des 24 Heures du Mans 1997 ajouta même bien des années plus tard. « Cette voiture n’était vraiment pas assez développée. L’aérodynamique n’était pas bon. Ils ont assez vite réalisé chez Audi que la version R, c’est-à-dire la version ouverte, était bien meilleure. Bien sûr, il y a eu la Bentley Speed 8 quelques années plus tard, mais c’était une auto complètement différente. »

Malgré ce double abandon, Richard Lloyd (Team Principal d’Audi Sport UK) préfère rester positif et mettre en avant les performances de la R8C : « Ravi d'avoir fait partie des débuts d'Audi au Mans. Il y avait une certaine inévitabilité dans notre projet car il a commencé tard. Les performances du R8C, lorsqu'il a fonctionné sans problème, ont confirmé notre confiance dans ce projet. Toute l'équipe a fait un travail immense. Je suis très fier de ce que nous avons accompli dans ces circonstances. Compte tenu des difficultés que nous avons rencontrées lors des qualifications, personne ne doit être surpris des difficultés que nous avons eues en course. Nous avons rencontré plusieurs pannes de transmission, plus tôt que prévu. Nous avons changé les boîtes de vitesses à quatre reprises. Tous les pilotes ont fait un travail fantastique et quand la voiture n’avait pas de soucis, elle était rapide. »

 

Du coté d’Audi Sport team Joest, la course n’a pas été non plus de tout repos. Comme sa cousine britannique, la boîte de vitesses a sans aucun doute été l’un des talons d'Achille de la R8R cette année là. Plusieurs fois, les hommes de Joest vont réciter une partition bien rodée en changeant le train arrière complet (boîte, système de freinage, triangles) de la #7 en moins de 10 minutes. Du côté d’Ingolstadt on a déjà bien compris que chaque détail compte et que le succès ne se construit pas seulement sur la piste, mais aussi dans les stands. La route des deux roadsters est aussi perturbée par plusieurs problèmes électroniques, d’échappements et de freins. Relativement épargné par les problèmes, le trio Emanuele Pirro, Didier Theys et Franck Biela va réaliser une première partie de course solide.

 

L’Audi R8 #8 pointe à la mi-course à la troisième place derrière les deux BMW V12 LMR. Une position obtenue après une rude bataille en piste face à la Toyota GT One #3 des Japonais (Katayama/K.Tsuchiya/T.Suzuki). Malgré plusieurs minutes perdues dans les stands lors de seconde partie de course, elle offre à Audi son premier podium dans la Sarthe et termine sur la troisième marche à cinq tours du vainqueur. « C'était un grand défi de rivaliser avec des constructeurs qui ont une telle expérience de cette course » déclare Emanuele Pirro à l’issue de la course. « Depuis un an, nous travaillons très dur pour finir avec les deux voitures. C'est tout simplement incroyable que nous ayons terminé sur le podium. »

 

Retardé 1 h 37 dans son box, la seconde R8R #7 (Michele Alboreto / Rinaldo Capello/ Laurent Aiello) finit pour sa part à la 4ème place à 15 tours de leur coéquipiers. «Avant le départ, je pensais que nous pourrions finir dans le top cinq » explique Michele Alboreto. « Au final, on place l’une de nos voitures sur le podium ! Pour l'année prochaine, nous devons améliorer plusieurs détails techniques. L'équipe Joest a de nouveau été excellente, mais j'y suis habitué.»

L’Audi R8R offre aux constructeurs aux anneaux un premier podium. Une belle satisfaction pour le Dr Wolfgang Ullrich : « Pour un nouveau venu au Mans, c'est un très bon résultat, et nous sommes tous extrêmement satisfaits. Nous avions des objectifs très ambitieux et étions très motivés. »A l’heure du bilan, le constat est sans appel et plaide en faveur de l’Audi R8R. A Ingolstadt, les dirigeants d’Audi Sport font le choix de se consacrer uniquement au projet roadster. La future Audi R8 bénéficiera des nombreuses données acquises lors de cette première année. Lancée trop tardivement et victime d’un manque de préparation, l’Audi R8C n’a pas convaincu et ne sera plus jamais aligné en course. Quelques mois de plus auraient peut-être changé le destin du coupé anglais. Cependant, sa réalisation n’aura pas été inutile par les hommes de Peter Elleray : la R8C servira de base au développement de la future Bentley EXP8.

 

La conclusion de notre grand dossier R8R revient à l'un des pilotes de la #9, Stéphane Oretelli, vainqueur des 24 Heures du Mans l'année précédente . « C’était une voiture rétro et avant-gardiste à la fois! Rétro car elle avait des lignes relativement épurées pour aller vite sur les 24 Heures du Mans et, en même temps, avant-gardiste avec la mécanique Audi derrière, un moteur et une boîte extraordinaires…. Une voiture qui allait très vite en ligne droite, mais qui n’était pas assez appuyée en virage. Cette définition lui permettait d’avoir une très belle ligne…

 

D’avoir participé à l’arrivée d’Audi, en 1999 sur cette voiture était un très beau challenge, on a été simplement manqué de temps dans notre préparation. Je pense que ça a quelque part mis en avant ce qui allait se passer dans le futur avec la Bentley en 2003. Elle était la philosophie de Piëch qui voulait absolument faire gagner une marque du groupe V.A.G. au général, avec une voiture fermée. Je pense que nous avons été les précurseurs en 1999 avec cette Audi R8 coupé qui reste pour moi un très bon souvenir, même si on est arrivé avec un vrai manque de préparation au Mans. Mais toutes les séances d’essais que l’on a eues avant étaient vraiment phénoménales. »

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