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Jesus Pareja : “Des équipes privées pouvaient gagner contre des constructeurs”

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27 mai. 2020 • 14:05
par
David Bristol
Jesus Pareja a pris part à treize éditions des 24 Heures du Mans entre 1985 et 1997 avec comme meilleur résultat une 2e place en 1986 sur une Porsche 962 alignée par le Brun Motorsport. Le fait marquant de sa carrière au Mans restera à jamais 1990. Tout le monde a encore en mémoire les 15 dernières minutes de cette édition avec un moteur cassé pour la #16 de Jesus Pareja, Oscar Larrauri et Walter Brun alors qu’un podium tendait les bras au trio. L'Espagnol est revenu avec nous sur son expérience de pilote d’endurance.Quel est votre regard sur l’Endurance ? Vous avez toujours été intéressé par la discipline ?« Il y a un vrai esprit Endurance avec plusieurs championnats. Tout le monde se met à l’endurance. J’ai beaucoup de respect pour Creventic qui a lancé quelque chose d’innovant avec des courses à quatre ou cinq pilotes. Personnellement, j’ai toujours aimé la discipline même si je dois bien reconnaître que j’ai roulé dans l’une des plus belles époques. Quand on pense Endurance, on pense forcément aux 24 Heures du Mans. Il y a une ambiance et un vrai esprit. »
Vous gardez de bons souvenirs de cette époque ?« Mes débuts remontent à 1985 sur une Porsche 956 du Obermaier Racing Team en compagnie de Hervé Regout et Jürgen Lassig avec une 8e place à la clé. A partir de l’année suivante, le plateau C1 était incroyable avec une trentaine d’autos. C’est comme si on avait 30 LMP1 représentant une dizaine de marques. A cette époque, je pense que le pilote était mieux considéré. Les pilotes de F1 aujourd’hui ne sont pas les plus rapides quand ils roulent en Endurance. »
Gagner avec un team privé était encore possible…« A partir de 1982, le Groupe C est monté d’un cran. Des pilotes sont venus du Tourisme, de la F3000 ou encore de la F1. De nouveaux profils sont arrivés et la profession de pilote d’endurance a été lancée. Des équipes privées pouvaient gagner contre des constructeurs. Nous avons gagné le titre mondial en tant que privé (le Championnat du Monde des Voitures de Sport en 1986 avec Brun Motorsport battant au passage l'équipe d'usine Jaguar et les autres équipes de Porsche, ndlr). Toutes les petites équipes recevaient le même soutien. Tout le monde a pu gagner des courses. Porsche a connu un vrai succès avec une auto exceptionnelle. C’est une chance pour moi d’avoir pu vivre cette époque. »
Place ensuite au GT…« Le GT est arrivé par la suite. J’ai intégré les rangs de Larbre Compétition sur une Porsche de 550 chevaux. C’était une vraie auto de course. J’ai eu la chance de la piloter au Mans, à Daytona, Suzuka, Jarama ou encore au Paul Ricard. »
Quel a été votre meilleur coéquipier ?« J’ai toujours eu de très bonnes relations avec mes coéquipiers que ce soit Oscar Larrauri, Bob Wollek ou encore Jean-Pierre Jarier. Selon moi, Bob était le meilleur pilote d’endurance. Je suis chanceux d’avoir pu rouler à ses côtés. Les débuts n’étaient pas faciles mais j’ai beaucoup appris (rire). Nous avions une très bonne relation professionnelle. »
Vous avez tout de même connu quelques désillusions au Mans…« J’ai débuté l’année du décès de Stefan Bellof (1985), ce qui n’a pas été facile. Il y avait une vraie camaraderie entre les pilotes. En 1987, nous avions la bonne auto pour gagner mais elle est partie en tonneau (Porsche 962C Brun Motorsport avec Oascar Larrauri et Uwe Schafer, ndlr).
Trois ans plus tard, on tenait cette victoire avec Oscar Larrauri et Walter Brun. Il y avait une belle bagarre pour gagner Le Mans. La Jaguar avait une boîte de vitesses bloquée, mais nous n’avons pas pu en profiter. Une durit a cédé à 15 minutes de l’arrivée. Sur cette course, l’auto était incroyablement bonne. Nous avions une auto en configuration sprint et nous avons pu nous bagarrer jusqu’à l’arrivée. »
L’arrivée des chicanes était une bonne chose ?« Je dois avouer que c’était mieux avec les chicanes. C’était aussi amusant et sélectif. On atteignait des vitesses importantes dans la ligne droite des Hunaudières, ce qui ne représentait pas vraiment d’intérêt. S’il y avait du vent, c’était très difficile. De plus, c’était dangereux pour dépasser. La deuxième chicane est intéressante car il faut profiter de tout l’espace de la piste en arrivant. Les chicanes datent de 1990, l’année où nous sommes passés à deux doigts de l’emporter. C’est la première fois que l’équipe réglait l’auto avec les chicanes. De toute façon, il fallait ces chicanes car nous atteignons des vitesses incroyables. C’est bien pour la sécurité et elles sont bien pensées. Quand je vois les Groupe C en historique et que je me dis que j’ai roulé dans ces autos, je me dis "oh mon dieu" ! »
C’est tout de même un sport dangereux…« Les autos étaient moins sûres que maintenant. Le risque est plus acceptable. On a la sensation que, sur certains circuits, la notion de risque est peu présente. Le sport automobile est un sport de risque, mais il faut une sécurité en conséquence. Il faut de l’adrénaline pour tout le monde. Le changement a peut-être été trop brutal. Les voitures de sécurité ne sortaient pas comme maintenant à cause de la pluie. Avant, la pluie pouvait donner un avantage. J’ai toujours aimé rouler dans ces conditions. »
Quel était votre moment préféré de la semaine mancelle ?
« La course! L’adrénaline montait petit à petit à 11 heures le samedi matin. J’en garde de très bons moments, mais pour ça, il faut de la compétition. J’étais là au bon moment.»
Quelle était la recette pour rester en forme durant la semaine du Mans ? « Il faut surtout éviter le stress. Les sollicitations étaient nombreuses durant la semaine. A cette époque, les autos étaient plus physiques à piloter car il n’y avait pas la moindre assistance. En 1990, Oscar (Larrauri) était malade, ce qui fait que j’ai beaucoup roulé avec plusieurs doubles relais. Je me suis pesé en partant sur le circuit, je faisais 78 kg. En fin de course, j’étais descendu à 73 !»

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