PTG face à Schnitzer, l'histoire d'une rivalité interne chez BMW
Nous sommes en 2001 et la rivalité fraternelle entre BMW Motorsport et BMW of North America via l’équipe Prototype Technology Group (PTG) bat son plein sur les circuits de l’American Le Mans Series avec les BMW M3 E46. A cette époque, les deux équipes BMW croisent le fer face aux équipes roulant en Porsche 911 GT3-R.
Avant cela, BMW of North America dominait la catégorie GT en IMSA dans la seconde moitié des années 90. Erik Wensberg, directeur sportif de PTG, gérait l’engagement des BMW M3 E36. Bill Auberlen et Pete Halsmer décrochaient plusieurs titres pour le compte de PTG et de BMW of North America. Malgré les couronnes, PTG n’avait guère le respect de Munich. « Paul Rosche, directeur de BMW Motorsport, pensait que nous avions une équipe de NASCAR de pacotille qui gérait notre programme M3, a déclaré Rich Brekus, alors responsable de la stratégie chez BMW of NA. On répétait sans cesse que BMW Motorsport devait s’en charger, mais j’ai défendu Tom Milner, patron de PTG, et Karl-Heinz Kalbfell nous a soutenus du côté de l’entreprise. »

Malheureusement pour la M3, Porsche sortait une GT3R-R en 1999 pour 270 000 dollars et cette année-là, les M3 PTG ne remportaient que deux succès, Porsche en raflant six ainsi que le championnat. BMW avait donc besoin d’une nouvelle auto, mais la M3 E46 partageait bon nombre des inconvénients du modèle précédent, à savoir une surface frontale plus importante et une résistance aéro plus élevée, ainsi qu’un moteur six cylindres de 3,2 litres développant seulement 338 chevaux face aux 405 de la Porsche.
En 2000, l’IMSA devient American Le Mans Series et les M3 PTG font quasiment chou blanc avec une seule victoire au compteur sur le tracé sinueux de Sears Point, tandis que les 11 autres succès tombèrent dans l’escarcelle de Porsche. Même désillusion pour la V12 LMR face cette fois à la débutante Audi R8. A Munich, le pouvoir changeait de mains du fait de l’implication de BMW en F1 avec Williams. Kalbfell perdait de son influence au profit de Mario Theissen qui avait une vision très différente de la manière dont les courses devaient être gérées à l’échelle mondiale.
« Theissen était fermement convaincu que les filiales commerciales telles que BMW NA devaient se contenter de commercialiser le sport automobile, et non de le gérer, explique Brekus. J’ai simplement répondu que nous n’allions pas procéder ainsi. Nous avons une excellente équipe de course, et je n’aime pas votre façon de gérer les courses. Vous excluez tout le monde et vous n’êtes pas très doués avec les fans. Je bénéficiais encore d’un soutien suffisant au sein de BMW pour pouvoir imposer ma décision, mais Theissen n’appréciait pas du tout. »

Le programme américain assurait sa survie avec PTG mais pour briller il fallait remplacer le moteur six cylindres par un V8. BMW Motorsport avait testé le concept avec un prototype Riley & Scott en World Sportscar Series en 1998. Le moteur s’était révélé assez fragile avec une seule victoire. L’idée du moteur V8 avait germé quelques années plus tôt quand BMW envisageait de se lancer en IRL. Si le V12 était privilégié dans le prototype, un nouveau moteur V8 P60 allait trouver place dans la M3 E46 en ALMS dès 2001. Pour la petite histoire, Reinhard Könneker, à l’origine du moteur, avait rejoint BMW après avoir travaillé chez Porsche. Le V8 P60 développait 493 chevaux à 8000 tr/mn.
Le P60 n’était pas homologué par la FIA pour une utilisation sur des courses basées sur des modèles de série. A la place, BMW a demandé à l’ACO d’autoriser son utilisation en s’appuyant sur l’utilisation d’un moteur de course complet par Porsche dans sa 911 GT3-R. Pour cela, BMW devait créer une fiche technique pour la voiture et rendre toutes les pièces disponibles, imprimer une brochure commerciale et proposer la voiture à la vente sur trois continents.
« Theissen avait accepté de produire la M3 V8, mais il ne pensait pas que PTG était capable de développer la voiture et estimait que Schnitzer devait piloter le projet, explique Brekus. J’ai répondu ‘ok mais nous gardons PTG, et vous devez fournir à PTG exactement les mêmes voitures que celles que vous fournissez à Schnitzer.’ Ils ont accepté. »

Dès le début de saison, Schnitzer avait un avantage car seules les M3 de l’équipe allemande étaient équipées du moteur V8 P60 jusqu’à la 5e manche de la saison à Sears Point. De plus, PTG roulait en gommes Yokohama et Schnitzer en Michelin.
Sur le Texas World Speedway qui lançait la saison 2001, toutes les BMW étaient encore équipées du six cylindres avec en guise de meilleur résultat une 3e place pour Boris Said et Hans Stuck pour le compte de PTG, deux places devant celle de Schnitzer partagée par Jörg Müller et JJ Lehto. Le V8 P60 arrive pour les 12H de Sebring avec à la clé une 3e place pour Lehto/Müller, qui sans un changement du système de freinage, pouvait revendiquer la victoire.
A compter de Sears Point, les quatre BMW M3 étaient équipées du moteur V8 et la guerre était déclarée en piste entre les deux équipes BMW. « On ne peut pas mettre deux coqs dans le poulailler, confie Bill Auberlen. Tout ce que nous voulions, c’était les battre. » PTG avait des pilotes plus expérimentés tandis que Schnitzer faisait confiance à la jeunesse. Schnitzer s’imposait à Sears Point avec un tour d’avance sur PTG. La seconde BMW PTG était en passe de terminer sur la dernière marche du podium mais Hans Stuck était poussé en tête-à-queue par la BMW Schnitzer de Frederik Ekblom dans le dernier virage. Ambiance…

PTG s’imposait ensuite à Portland et Schnitzer prenait sa revanche à Mosport après des contacts avec les BMW PTG. Deux autres doublés Schnitzer suivirent à Mid-Ohio et Laguna Seca, ce qui fit soupçonner les ingénieurs de Schnitzer d’avoir trafiqué le logiciel de gestion du moteur utilisé par les voitures PTG.
« Je ne pense pas, répondit Brekus. Honnêtement, la différence de performance entre les deux voitures était en grande partie due aux pneus. Yokohama nous a apporté un soutien fantastique, mais les Michelin étaient sans aucun doute meilleurs. »
La confrontation finale était attendue au Petit Le Mans qui ne faillit pas avoir lieu compte tenu des attentats du 11 septembre. Pour l’occasion, les BMW étaient décorées du drapeau américain. PTG remportait sa catégorie devant Schnitzer après une pénalité infligée à Jörg Müller sur la BMW Schnitzer qui décidait de nettoyer lui-même le pare-brise alors que le règlement l’interdisait. « C’était incroyable, se souvient Brekus. Ce fut une course très disputée, et je dois rendre hommage à Charly. C’était avant tout un pilote, et il est venu féliciter Tom. A ce moment-là, il avait compris que PTG n’était pas une bande de bouffons. » BMW Team Schnitzer remportait le titre GT devant Alex Job Racing et PTG.
BMW s’attendait à une nouvelle belle saison 2002 mais le 25 novembre 2001, l’ACO rendait une décision déclarant le moteur V8 P60 illégal à moins que BMW ne construise 100 exemplaires. Ce chiffre était bien inférieur aux 1868 911 GT3 construites par Porsche entre 1999 et 2001, mais il était bien supérieur au 163 GT3-R de course qui dépassait largement le nombre de M3 GTR de série que BMW aurait pu produire. Dix prototypes avaient été construits en prévision d’une production limitée. La M3 GTR était d'ailleurs présentée au Petit Le Mans au prix de 250 000 euros. Suite à la décision de l’ACO, BMW abandonnait le programme de la M3 GTR routière et se retirait de l’ALMS.

Il faudra attendre 2004 pour voir BMW ressortir ses M3 GTR et remplacer le V8 par un six cylindres de 3,2 litres afin de rouler en Grand-Am. « Les voitures ont ensuite été interdites par Grand-Am parce que le châssis était trop sophistiqué, elles ont donc été remisées une nouvelle fois pour 2005, explique Larry Koch, qui a dirigé le programme de sport automobile de BMW NA en 2005 et 2006, puis à nouveau en 2011 et 2012. En 2006, nous sommes revenus en ALMS avec la M3 GTR 2001, cette fois avec un moteur de 3,4 litres et un poids réduit. Elles avaient cinq ans, mais elles étaient assez compétitives, terminant sur le podium à Lime Rock. Elles ont connu une saison moyenne. C'est assez drôle que les deux M3 PTG aient remporté les championnats ALMS et Grand-Am avant d'être interdites par les deux séries ! »
BMW ne reviendra en ALMS qu'en 2009, avec la E92 M3 GT2 et l'écurie Team Rahal Letterman Lanigan. Comme sa cousine, la M3 GTR de 2001, cette voiture était équipée d'un tout nouveau moteur V8 P65 de 4,0 litres basé sur le V8 S65 de série. En 2010 et 2011, la E92 M3 GT2 battait Porsche, dix ans après la E46 M3 GTR.
« La M3 GTR était la voiture GT la plus maniable qui ait jamais existé, a déclaré Auberlen. Le moteur était si léger et si petit, et la façon dont il transmettait la puissance était parfaitement adaptée aux pneus. On était à la limite de l'adhérence tout au long de la plage de puissance, et elle démarrait comme une fusée. »
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