Le Mans Classic

Le Mans Classic 2023 – La Viper GTS-R de la famille Prost reprend vie

Le Mans Classic
2 juil. 2023 • 12:45
par
Thibaut Villemant, au Mans
Elle est, cette semaine au Mans, l'une des stars du plateau Endurance Racing Legends. Après de longs mois de restauration puis de reconstruction, le châssis C51 a repris la piste. S'agit-il de la plus démoniaque de toutes les GTS-R première génération ? C'est possible et on vous explique pourquoi.
© MPS Agency

Pourquoi restaurer le châssis C51 ?

Il est peu de dire que Florent Moulin, le patron de Art & Revs, est un amoureux de la Viper GTS-R. Il en a sept depuis une dizaine d'années, dont certaines remises dans leur jus d'antan. L'an passé, le département GTS-R Héritage de sa société avait défrayé la chronique en ramenant sur la terre de ses exploits la Viper GTS-R Equipe de France FFSA que le trio Benoît Tréluyer / Jonathan Cochet / Jean-Philippe Belloc avait hissé à la troisième place de la catégorie LM GTS au terme de l'édition 2002 des 24 Heures du Mans. Un an plus tard, l'entreprise luxembourgeoise refait encore parler d'elle.

 

Au vu du succès engendré par le retour en piste du châssis C41, il s'est mis en tête de faire la même chose avec le C51. Pourquoi celui-ci ? Florent est très attaché aux belles histoires, humaines de surcroît, et celle-ci en est une. En effet, ce châssis est celui utilisé en FFSA GT, en 2005, par Alain Prost, pour fêter ses 50 ans.

© Art & Revs

« Elle avait été excessivement rapide, avec notamment une victoire pour Alain Prost et Jean-Pierre Jabouille à Dijon, se remémore Florent. Puis quand Nico (Prost. Ndlr) a remplacé Jean-Pierre, lui et son père ont amassé bon nombre de podiums et surtout de pole positions. Des faits de course se sont mis à plusieurs reprises en travers de leur chemin, mais tout le monde s'accordait à dire qu'en vitesse pure, elle était imprenable. C'était la belle époque du championnat de France de Grand Tourisme, avec plus de 20 GT1 en piste. »

© Art & Revs

Ce n'est qu'en novembre 2022 que le projet de la restaurer et de l'engager au Mans Classic a pris forme. Une restauration de tout premier ordre oeuvre de ses équipes de GTS-R Héritage, qui l'ont remise exactement aux spécifications Exagon / Prost. Commencée en avril 2023, la reconstruction a pris fin une dizaine de jours seulement avant la 11e édition de Le Mans Classic, théâtre de son retour officiel en piste. 

Que ce châssis C51 a-t-il de spécial ?

© GTS-R Heritage by Art & Revs

Mais le fait qu'elle a été pilotée par un quadruple champion du monde de F1 n'est pas la seule particularité de cette auto. « En fait, la GTS-R a eu deux vies, nous a expliqué Florent Moulin, qui parle toujours des Viper restaurées par ses équipes le visage barré par un large sourire. L'une durant laquelle elle a répondu au règlement FIA GT2. Puis, à partir de 2001, nous entrons dans l'ère FIA GT, avec des GT2 qui deviendront des GT1 puis des N-GT qui deviendront des GT2. À ce moment là, la réglementation s'est ouverte et, sans tomber dans l'écueil des GT1 des années 90, des évolutions importantes ont été autorisées sur les GT. »

 

C'est ce qui a permis l'arrivée des Ferrari 550 Maranello Prodrive, des Saleen S7-R, de la Lister Storm ou encore les Corvette C5-R puis, dans un second temps, des Aston Martin DBR9. « En dehors d'un aileron un peu plus large et d'un nouveau splitter, la Viper n'avait alors pas bénéficié d'un développement usine de la part d'Oreca, enchaîne notre interlocuteur. Mais en 2003, ils ont pris les choses plus sérieusement, en développant notamment de nouveaux ancrages châssis ou de nouvelles suspensions mécano-soudées. » Un minimum pour ferrailler avec les nouveaux arrivants, pensés dès le départ pour ce nouveau règlement. Mais pas suffisant cependant.

© GTS-R Heritage by Art & Revs

Et c'est là qu'intervient Alain Prost, qui s'est mis en tête de participer au FFSA GT pour fêter ses 50 ans. « Alain a pris le projet très au sérieux et il s'est tourné vers Luc Marchetti, de Exagon Engineering, qui était son ingénieur au Trophée Andros, nous a expliqué Florent. Ce dernier s'est penché sur la Viper, avec comme tâche première d'en faire une auto destinée aux courses sprint. Il a, par exemple, fait passer la contenance maxi de la bâche à huile de 25 à 15 litres, alors que l'auto roule avec 7 litres. »

 

Une broutille par rapport au reste, Marchetti s'étant surtout attelé à exploiter pleinement le règlement FIA en vigueur à l'époque. « Moteur et boîte de vitesses ont ainsi été reculés de cinq centimètres pour optimiser la répartition des masses (48% seulement sur l'avant. Ndlr), enchaîne le patron de Art & Revs. Le pédalier est de type LMP, donc articulé par le bas avec des pédales en aluminium, ce qui permet une meilleure assise mais surtout une meilleure précision. Il a également installé des freins de développement Brembo avec des étriers spéciaux et a modifié tout un tas de détails dans les réglages de suspension. »

© GTS-R Heritage by Art & Revs

Autant de modifications aux bénéfices non négligeables mais non perceptibles à l'oeil nu au contraire des suivantes. « Luc a aussi revu totalement le refroidissement du radiateur (d'où une ''bouche'' différente. Ndlr) et toute la circulation de l'air à l'avant et des freins, quand Oreca – règlement GT2 oblige – avait dû conserver un maximum de pièces d'origine, enchaîne Florent. Puis il a ouvert les passages de roues - comme Prodrive sur les 550 Maranello - et canalisé l'air sous le capot pour générer davantage d'appui. »

 

Et pour développer tout cela, il a surtout pu s'appuyer sur un quadruple champion du monde de F1. Le Professeur, surnom qu'il n'a pas volé, s'était en effet impliqué totalement dans ce projet, participant aux premiers essais de développement, dès le mois de mars.

Une Viper GTS-R très différentE ?

Mais à quel point le duo Marchetti / Prost a-t-il pu rendre la Viper GTS-R encore plus bestiale ? Une chose est sûre, il a réussi. Après avoir roulé à son bord pour la première fois la semaine passée, Florent Moulin nous a fait part de son étonnement. « Tu n'imagines pas comment ça marche fort » nous avait-il confié par SMS.

© GTS-R Heritage by Art & Revs

Alors pour comprendre plus précisément comment un aficionados de Viper GTS-R peut encore être subjugué par la plus démoniaque des Dodge, nous avons repris cette conversation de vive voix sur place, au Mans, cette semaine.

 

« Honnêtement, les yeux fermés, si tu mets de côté le tempérament moteur, tu ne peux pas savoir que c'est une Viper, nous a assuré Florent, enjoué comme un gamin après la première séance de qualifications. Elle se conduit totalement différemment de C41 par exemple. Elle génère le double de charge - ce que j'ai pu expérimenter ici, dans les virages Porsche – et ne sous-vire pas du tout. Cette Viper est beaucoup plus rapide que toutes les autres pour des raisons aérodynamiques citées précédemment et le grip mécanique, qui est absolument fabuleux. »

 

On comprend mieux pourquoi Alain Prost l'a tant appréciée, et pourquoi GTS-R Héritage a tenu à tout prix à la restaurer.

© GTS-R Heritage by Art & Revs

Commentaires (3)

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Maxime

2 juil. 2023 • 20:43

Article super intéressant. J'avais suivi à l'époque la famille Prost. J'ignorais que l'auto avait une prépa aussi aboutie.

tvillemant

3 juil. 2023 • 9:34

@Maxime - Et bien figurez-vous que moi aussi. Je suis un énorme fan de la Viper et j'avais totalement oublié tout cela...

ListerLMP900

3 juil. 2023 • 12:24

On a appris énormément de choses dans cet article, merci beaucoup !