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Olivier Jansonnie (Peugeot) : "Nous savons à quel point il est difficile de gagner le WEC et Le Mans"

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WEC
24 sep. 2020 • 10:20
par
David BRISTOL

Peugeot Sport a profité des 24 Heures du Mans 2020 pour ramener deux modèles iconiques en Sarthe : la 905 et la 908 avec laquelle Carlos Tavares, le PDG de Peugeot, a pu faire un tour de circuit avant le départ. La marque française a surtout confirmé sa présence en Le Mans Hypercar !

Olivier Jansonnie, ex membre BMW Motorsport et Ligier Automotive, est désormais le Directeur Technique Peugeot Sport en charge du programme WEC. Présent lors de la présentation officielle du projet Le Mans Hypercar vendredi dernier, il est revenu pour Endurance-Info sur l'avancé du projet, l'équipe technique, les particularités techniques de la voiture, etc...

Où en est-on auniveau de l’avancée du programme ?

« La première phase qui a démarré dès l’annonce du projet fin 2019 / début 2020 était liée à une pré-étude qui commence par la lecture du règlement. L’une des spécificités de celui de Le Mans Hypercar est que c’est écrit sur un format et une philosophie complètement différente de ce que l’on a pu connaitre avant avec le LMP1 et LMP2. Pour nous, c'est-à-dire toute l’équipe d’ingénieurs, cela a demandé un peu de temps et d’adaptation. Nous avons dû nous forcer intellectuellement à regarder les choses sous un angle qui n’est pas celui d’un règlement classique pour s’assurer de ne pas passer à côté d’éléments intéressants. Notre but est de toujours trouver où va générer la performance dans un règlement, c’est nécessaire dans notre métier. Cette première phase a été longue et nous a occupé jusqu’au début du mois de mars, soit le début du confinement.

Nous avons ensuite commencé une étude de CAO (conception assistée par ordinateur) de conception classique où on a fait globalement de la mise en volume des différentes parties de la voiture. On a placé les roues, choisi l’empattement, mis le moteur, la boîte de vitesses et on a commencé l’étude aérodynamique qui avait, elle, débuté en février. Nous avons continué cela en télétravail comme beaucoup de Français. Nous avons eu ‘la chance’ que le confinement nous prenne à un moment du projet ou nous étions en phase d’étude, compatible avec le télétravail. Là-dessus, nous avions certains jalons à respecter : le choix des concepts fondamentaux aérodynamiques que l’on avait situé au mois de juin et que l’on a passé. On peut dire aujourd’hui qu’on les a, à peu près, ‘gelés’. Il y a encore des discussions en cours au niveau réglementaire au sujet des 'maps d’homologation', les protocoles exacts d’homologation aérodynamique qui sont en train de bouger un peu en ce moment. Nous avons un concept qui, comme je l’ai dit, est gelé, mais nous le faisons bouger un tout petit peu pour nous accommoder de ces changements un peu de dernière minute.

Nous avons aussi le jalon de l'architecture moteur que nous avons franchi aujourd'hui. Il y a des évolutions réglementaires. Nous avons donc dirigé voire redirigé notre projet au fil de celles-ci. Aujourd'hui, le concept moteur et son architecture sont figés tout comme le concept et l'architecture du moteur hybride ainsi que, globalement, la chaîne de traction qui est définie. Nous avons donc géré l'ossature de la voiture principale et on va faire tout le reste.

On a déjà attaqué la mise en place des trains, des éléments de suspensions, le choix des différents partenaires notamment au niveau de la boîte de vitesses. Ce sont des choses en cours, mais il reste donc encore beaucoup d’étapes d’ici à notre arrivée en endurance en 2022, dans l’étude, la production des prototypes et finalement la validation sur banc et en piste. »

Peugeot a été très impliqué en Hybride au début des années 2010 (via la 908 HYbrid4). Est ce que cela va vous servir de base ou on repart de quelque chose de complétement neuf ?

« Il n’y a pas vraiment de réponse bien définie à cette question. Evidemment, cela va nous servir de base car il y a des éléments et des concepts sur lesquels nous avions déjà travaillé. Ensuite, sur la technologie en elle-même, elle a énormément évolué. On parle de quelque chose qui a déjà 10 ans et, en termes d’organes, il y a un peu d’eau qui a coulé sous les ponts. Nous, on se projette là sur quelques années donc on parle plus de 15 ans que de 10 ans par rapport à notre premier projet. Cela a donc bien évolué et le cadre règlementaire n’est plus le même non plus. En 2010, nous avions une liberté quasi-totale sur le système hybride entre l’avant et l’arrière. Maintenant, c’est figé au niveau règlement : le véhicule hybride entraine un moteur électrique sur les roues avant avec une puissance limitée à 200 Kilowatts ce qui permet de borner le champ des possibilités. Mais, très certainement, au niveau des concepts, il y a un peu de transposition et il y a aussi beaucoup de choses que nous apprenons de nos programmes Formule E. Là aussi, nous allons transposer, c’est une des synergies logiques et nous allons essayer d’en maximiser le potentiel. »  

Quelles seront les caractéristiques techniques de cette auto ?

« La voiture sera donc une 4 roues motrices, dotée, comme la règlementation l’impose, d’un moteur électrique d’une puissance maximale de 200kW sur le train avant. Le niveau de puissance total sera identique à celui d’une voiture 100% thermique à 2 roues motrices (500kW, soit environ 680 chevaux) mais répartie entre les deux essieux. En comparaison avec ce que nous connaissons actuellement en LMP1, la voiture sera plus proche des véhicules de route, donc avec une masse plus élevée et de plus grande dimension (longueur : 5m ald 4,65m et largeur : 2m ald 1m90). Ce règlement est très différent aussi parce qu’il intègre un équilibrage des performances (BoP). Il donne certes des limites mais ouvre aussi beaucoup de possibilités techniques au développement notamment sur les formes générales tant qu’on ne dépasse pas un certain rendement aérodynamique global, qui sera mesuré en soufflerie échelle 1:1 et qui fera partie de la BoP. » 

Où en êtes vous avec l'équipe technique ? Est-elle au complet ou cherchez-vous encore du personnel ?

« Nous sommes aujourd’hui à 80% complet. Nous avons recruté dans le potentiel du groupe Motorsport mais aussi du groupe Peugeot au sens large. Nous avons essayé de puiser dans les meilleurs éléments que nous pouvions trouver dans le groupe. Nous avons notamment eu un transfert entre le département Développement et Peugeot Sport en la personne de François Coudrain qui est venu renforcer l’équipe. Il gère le projet WEC au niveau du powertrain, c'est-à-dire le moteur, la boîte de vitesses et tout le système hybride. Il était, entre autres, auparavant responsable moteur sur le programme Peugeot 908. Il fait donc partie d’un vrai vivier de compétence interne. »

Allez-vous tout traité en interne ou vous aurez des sociétés extérieures comme Ligier par exemple ?

« La philosophie reste la même. Nous allons faire chez nous ce que nous maitrisons. Sur le plan hybride, nous avons beaucoup de compétences qui viennent de la synergie de nos autres programmes. Ce que nous n’arrivons pas à faire, oui, nous ferons appel à des fournisseurs, mais fondamentalement, sur ce sujet-là, on garde la maitrise d’œuvre en interne. Pour le reste, nous avons identifié en début de projet que nous avions un manque sur la partie aérodynamique et la conception de carrosserie. Nous avons fait des appels d’offres pour les fournisseurs les plus compétitifs économiquement et techniquement et Ligier qui a été sélectionné. »

Quand est-ce que la voiture fera ses premiers tours de roues ?    

« Nous avons un planning, mais nous sommes pleinement conscients de la difficulté de la tâche. Nous savons que le niveau de la concurrence sera élevé et que nous manquons relativement d'expérience par rapport à eux. Nous savons à quel point il est difficile de gagner un championnat comme le WEC et une course comme les 24 Heures du Mans. Il y a encore pas mal d'anciens de la période de la 908 qui sont pleinement conscients de la difficulté de la chose. Nous restons humbles aussi par rapport à nos adversaires, aux difficultés et au planning. Nous envisageons de rouler à la fin de l'année 2021. Donc tout est axé pour monter une auto à l'automne 2021 et la faire rouler en fin d'année. »

Une partie hydrogène pourrait-elle être envisagée lors de la suite de ce projet ?

« Nous faisons partie des groupes de travail sur la partie Hydrogène. Aujourd'hui, on se concentre sur le WEC et sur l'Hybride. Nous sommes actuellement dans une phase d'accélération de ressources et de travail pour atteindre cet objectif qui est ambitieux. On essaie donc de ne pas trop de nous laisser distraire sur ces sujets-là. Cependant, ma réponse à votre question est : oui, cela pourrait ! »

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