Auto

Julien Canal (Panis Racing) : "Je suis pour une discussion avec nos responsables pour trouver un terrain d’entente !"

Featured
European Le Mans Series
21 avr. 2021 • 14:01
par
David BRISTOL

Julien Canal était un homme heureux dimanche soir. Tout sourire, le Sarthois a terminé 2e de la première manche ELMS à Barcelone avec Gabriel Aubry et Will Stevens sur l'Oreca 07 #65 de Panis Racing. Cependant, ce très bon résultat ne cache pas un certain mécontentent envers les nouvelles règles liées aux LMP2...

Les pneus : « ll y a une chose que je ne maitrise pas, c’est l’Hypercar avec ce coté règlement technique et aussi politique qui prend une place assez importante dans cette histoire. Le message que j’ai fait passer aux gens de l’ACO et de l’ELMS, c’est le grip du pneu qui se dégrade, c’est à dire une perte de trois à cinq secondes en fonction des équipes et conditions de course quand on est au deuxième relais des gommes. Cela change beaucoup par rapport à l’année dernière, même si nous roulions déjà en Goodyear. C’est vraiment plus poussé là, il faut tout décomposer et faire très attention. On commence à se rapprocher d’un pilotage de GT pour être clair. Le pneu Goodyear que j’ai connu l’an dernier était quand même bien différent. Il y a eu des contraintes qui ont été imposées pour réduire la vitesse, ce que je peux comprendre, mais la dégradation et la tenue de route du pneu dans la durée est très difficile, que ce soit pour les pilotes Bronze, Silver et Pro. Je n’étais pas encore arrivé à Barcelone il y a un mois pour les Essais Goodyear que des Silver et Pro me disaient que c’était très compliqué, qu’ils prenaient des coups de survirage dans les rapides, qu'on pouvait sortir de la trajectoire, que c’était dur d’y revenir, tout cela sans la fatigue de la course, sans trafic. »  

Plus de mécaniciens qui attache le pilote au pitstop : « Il y a aussi le règlement qui a changé au niveau du nombre de mécaniciens. Il faut maintenant que les pilotes s’attachent entre eux. On n’est pas dans une GT là, mais dans un proto. »

Avis sur tous ces changements : « Quand on parle du grip dégradé de la voiture, de la fatigue qui survient dans la course, plus le kit aéro Le Mans (qu’ils vont tous avoir au Red Bull Ring, ndlr) qui va aussi nous enlever de l’adhérence, je n’ose employer le mot : dangereux ! Comme pas mal de pilotes amateur, j’ai un travail, j’ai une famille et j’ai beaucoup de mal à m'imaginer dans un Raidillon à Spa ou à Signes au Castellet ! Par moment, lors de Full Course Yellow, le pneu perd 300 ou 400 grammes de pression et beaucoup de températures, la relance est alors très compliquée, cela glisse beaucoup. Je suis pourtant un Silver expérimenté, dans plusieurs catégories et avec plusieurs succès et titres. Je pense aussi aux autres Silver et Bronze qui débutent en LMP2. J’ai honnêtement bien moins de plaisir dans la voiture qu’avant, ce n’est pas ce que j’attendais. Je pense que c’est une catégorie qui aurait dû basculer vers ce que j’ai connu en 2013 /2014, c'est-à-dire une voiture qui prenait tout juste 310 km/h au Mans alors qu’en 2020 on était à 335 même si cela a été mon plus grand plaisir d'aller aussi vite que des LMP1 d’il y a 12 ou 13 ans. En 2013/2014, on était ultra sécurisé du premier au dernier tour de nos relais, là, ce n’est plus le cas. »

Une catégorie LMP2 qui coûte de plus en plus cher : « Comme beaucoup d’autres équipes, nous avons nos bilans comptables ouverts, c’est compliqué de s’en sortir aujourd’hui et c’est pour cela qu’il y a plus d’équipes en ELMS qu’en WEC. Je n’ai plus du tout le budget pour faire le mondial alors que je l’avais par les années passés. Je dis juste que dans ces périodes économiques et écologiques compliquées, il faut faire attention ! Il faut être plus pondéré et réfléchi. Avec nos voitures qui ont sept ou huit ans d’âge, on se fait plaisir, elles font du bruit, excitent les spectateurs, il ne faut pas que cela change. »

L'Hypercar : « Pourquoi faire du + +, alors que la catégorie LMDh est super. L’alliance avec l’IMSA est une des meilleurs nouvelles de ces derniers temps, nous en parlons beaucoup dans les paddocks. C’est une très belle avancée, un bel accord. A l’image d’Alpine, d’Aurus, de grands marques de l’automobile peuvent avoir leur voiture à leur image plutôt que de relancer une toute nouvelle catégorie qui peut-être fait plaisir à la FIA, mais dans le paddock on n’est pas d’accord avec cela, on trouve cela compliqué ! »

Restons positif, mais discutons ! « On va s’en sortir, mais je suis pour une discussion avec nos responsables pour trouver un terrain d’entente. 99% des équipes ne sont pas contentes, 99 % des pilotes aussi. Je pense que l’on devrait tous s’asseoir autour d’une table et ces décisions, au même titre qu’en entreprise, devraient être prises uniformément avec tous les acteurs que ce soit les équipes, team manager et pilotes. Il ne faut pas oublier que la catégorie LMP2 était la plus représentée au Mans en 2020. Avant, le règlement marchait bien avec l’ancienne LMP1, maintenant l’Hypercar arrive et c’est très compliqué ! On le sait tous : quand on sort une nouvelle voiture, je suis quasiment certain que les équipes n’alignent pas tout pour faire le meilleur temps. C’est un peu normal, c’est le jeu. Donc, on va nous enlever beaucoup de grip, nous ralentir, faire une voiture qui est très limite et le rapport prix / plaisir pour les gens qui paient comme moi n’est pas là…

Je suis embêté, j’ai passé des années exceptionnelles avec l’ACO, l’ELMS, le WEC, j’ai adoré ces saisons. Pour ma part, je suis plus proche de la fin de ma carrière que du début. J’aurais aimé faire les quelques années qui me restent en LMP2 avec une voiture sécurisée et qui soit agréable à piloter. La catégorie Pro Am a été très largement représentée au Mans car, lorsqu’il y a une bascule économique et que les grands constructeurs ne sont plus là, toute l’organisation est contente de nous avoir pour compléter le championnat. Je trouve cela juste dommage d’adapter tout un règlement en fonction de une, deux ou trois équipes grand maximum soit 5 à 6 autos. Il ne faut pas oublier que le spectacle ces dernières années étaient dans les catégories Pro Am. Donc, on devrait avoir une concertation. Nous avons été avertis tardivement et embêtés de ne pas avoir été concertés. Nous avons de bonnes discutions, mais je trouve que le coté politique ou Hypercar prend beaucoup plus le pas que notre avis ! »

Une commission de pilotes comme cela se fait en F1 ? « C’est une idée que j’ai proposée il y a deux semaines, on en parlait déjà l’année dernière. En discutant avec pas mal d’équipes, de pilotes, de team-managers, on aimerait bien un représentant des pilotes ou des équipes ou même des deux. Cela pourrait être aussi un pilote pro et un pilote amateur. Il est certes difficile d’être juge et partie, mais je me suis proposé pour faire partie de cela. Je ne veux pas défendre mes intérêts, mais ceux des pilotes Am comme moi qui sont sur les circuits pour prendre du plaisir. J’aimerais que cela se passe comme d’autres catégories où on s’assoit autour d’une table. Nous ne maitrisons pas la partie technique et politique, mais plus le point de vue pilote et expérience comme pour ma part avec 11 participations aux 24 Heures du Mans, plus de 12 ans en Endurance. Je pense avoir une certaine légitimité. Cela pourrait être aussi un pilote qui ne fait pas le championnat, mais qui l’a fait avant. »

Parlons un peu de côté sportif : « C’est ma 4e année chez Panis Racing, c'est-à-dire autant que chez Larbre Compétition. Il n'y a que chez Graff où j’ai passé plus de temps. Je suis très fidèle à l’équipe d’Olivier, Sarah et Simon car je m’y sens bien. Nous avons franchi de nombreuses étapes depuis ces dernières années. En arrivant de chez Rebellion, ce fut un grosse marche, avec une nouvelle équipe, un nouveau championnat. L’écurie est très à l’écoute depuis toutes ces années. J’avoue aussi qu’après pas mal d’années dans des équipes britanniques, cela fait du bien de retrouver une structure française car la communication y est plus facile. Panis Racing a toujours été honnête envers moi que ce soit les échanges pendant l’hiver et les budgets. Cela veut dire que je maitrise tout : je leur parle à cœur ouvert avec ce que je peux faire et on essaie de trouver des solutions pour continuer à rouler ensemble. C'est une grande preuve de confiance. Nous terminons 3e des LMP2 aux 24 Heures du Mans l’an dernier, on pouvait finir 2e en 2018 sans une petite pièce qui a cassé. C’est une écurie à gros potentiel, le championnat ELMS est hyper relevé, plus que quand je faisais du WEC et que je l’ai gagné. Ce week-end, nous terminons 2e, je suis vraiment très heureux de pouvoir commencer cette année de cette manière. On va continuer dans ce sens pour progresser et continuer à se battre pour la victoire. »       

Commentaires

Connectez-vous pour commenter l'article