L'encadrement de Peugeot tourné vers l'avenir en Hypercar
Comptant parmi les premiers arrivés en WEC avec son programme 9X8, Peugeot Sport n'a clairement pas atteint les objectifs espérés par l'encadrement français.
Avec une 9X8 en retrait sur le plan des performances lors de sa première campagne malgré un podium à Monza, le Lion a sorti une évolution de sa LMH en 2024, pourvue d'un fameux aileron arrière et d'une nouvelle monte pneumatique.
Mais depuis, Peugeot reste globalement ancré dans le ventre mou du peloton malgré plusieurs coups d'éclat en fin de campagne 2024, dont un podium - sur tapis vert - à Bahreïn.
Et au moment où se pose la réflexion sur comment poursuivre le programme, avec la possibilité d'une nouvelle voiture, Jean-Marc Finot (responsable de Stellantis Motorsport) et Alain Favey, tout récemment nommé directeur général de Peugeot, ont répondu aux médias présents à Spa-Francorchamps ce week-end.
Les qualifications ont été positives pour Peugeot avec deux autos en Hyperpole dont une sur la deuxième ligne de la grille de départ. Peut-on s'attendre à une confirmation en course ?
Jean-Marc Finot : Nous sommes venus tester début avril, donc nous avons vu que les temps étaient plutôt corrects, même s’il est très dur de comparer parce que la piste a quand même beaucoup évolué depuis l'année passée. Puis nous sommes arrivés quelque peu lancés parce que la voiture était déjà pré-réglée et dans des conditions similaires à nos essais. Cela nous a forcément aidé pour optimiser la voiture. Après, aussi bien JEV que Stoffel ont sorti des tours d'enfer. C'est quand même un circuit juge de paix pour les pilotes. Nous sommes contents d'avoir quand même de grands pilotes dans l'auto pour faire ça.
Les Ferrari sont-elles intouchables ?
Jean-Marc Finot : C'est difficile à dire. Je n'ai pas toutes les comparaisons mais nous avons observé qu'en rythme de course, pendant les EL1, elles étaient plus représentatives que celles des EL2, en raison d'une session un peu hachée. Nous étions plutôt pas trop mal donc ça peut être jouable.
J'ai un peu l'impression que ce sera selon ce qui se passera sur sur la piste., A en croire ce que nous avons vu en essais, il pourrait y avoir pas mal de faits de courses à gérer qui seront peut-être plus influents que le rythme intrinsèque au dixième près.
Monsieur Favey, quelle est votre première impression sur le WEC ?
Alain Favey : Je découvre le championnat WEC avec cette course ici. Jean-Marc m'a conseillé de venir à Spa, donc il devait savoir quand même qu’il allait y avoir de la performance ou que j’allais porter chance à l'équipe et que je reviendrai à chaque fois en cas de bons résultats. Pour moi, la marque Peugeot est une marque qui a quand même un passé glorieux dans le monde du sport auto, dans plein de différentes disciplines, et en particulier au Mans et en Endurance. Pour moi, que Peugeot participe au championnat est absolument clair et indispensable. Cela fait partie de de l'ADN de la marque et c'est quelque chose qu'on veut absolument travailler et cultiver.
D'un autre côté, évidemment, il faut aussi arriver à avoir un certain niveau de performance. Donc si nous pouvions être au niveau d'aujourd'hui de manière assez récurrente, ce serait bien comme comme base. Et de ce que j'ai vu de l'équipe aujourd'hui, je suis très confiant quant au fait que nous sommes vraiment à un bon niveau, aussi bien côté motivation que côté savoir-faire. Donc il y a aucune raison de ne pasarriver à nos fins.
Le programme s'inscrit-il toujours dans la durée ?
Alain Favey : Je tiens à ce que Peugeot soit considérée comme ce que c'est : une marque sérieuse à laquelle on peut se fier. Et une marque qui, quand elle s'engage, le fait sur le long terme. Nous ne sommes pas là pour faire un coup pendant un an ou deux et disparaître. Nous nous sommes engagés parmi les premiers dans le championnat il y a quand même déjà quelques années, à une époque où peu de constructeurs s'engageaient. Si nous nous sommes engagés, c'est clairement pour le long terme et surtout pour avoir des performances. Donc si nous commençons à afficher des performances, clairement cela valide le fait que nous sommes là sur la durée et que nous souhaitons continuer dans la même logique.
Le règlement devrait a priori bientôt être prolongé. On peut imaginer que Peugeot sera toujours là ?
Alain Favey : Nous en avons très envie.
Jean-Marc Finot : C'est raisonnable de l'imaginer. Il faut voir en effet ce que le règlement nous réserve comme éventuelle surprise. Mais si le règlement le permet, évidemment notre ferme intention est de rester et de continuer dans le but d'avoir des performances à la hauteur de l'ambition légitime de la marque.
Dans cette optique, est-ce que vous avez un plan d'évolution du programme pour les années à venir, à moyen long terme ?
Jean-Marc Finot : La réglementation telle qu'elle est aujourd'hui, avait été faite pour 2021-2025 et notre voiture a contribué à essuyer les plâtres de la réglementation puisque nous avions fait l'auto en fonction d'une première version du règlement, et nous l’avions réajustée. C'est sûr que nous avons un handicap par rapport à un constructeur qui va arriver en 2026/27 sur un cadre bien figé. S'il y a cette extension, ce serait assez logique qu'on puisse continuer à adapter la voiture à la réglementation telle qu'elle aujourd'hui.
Avec une nouvelle homologation ? De nouveaux jokers ?
Jean-Marc Finot : C’est à préciser.
Une nouvelle voiture ?
Jean-Marc Finot : Une nouvelle voiture, il faudrait que j'aille voir Alain (rires)
Le contexte automobile, industriel, difficile pour tous les constructeurs, peut-il remettre en question l'engagement sportif ?
Alain Favey : Pas en ce qui concerne Peugeot. Encore une fois sous réserve que nous soyons dans des conditions qui nous permettent d'être performant, on a tout à fait l'intention de continuer. Et puis regardez ce qui se passe dans ce championnat : il y a de plus en plus de constructeurs qui viennent. Nous sommes très contents de faire face à des concurrents auxquels nous faisons face sur le marché tous les jours, que ce soit Toyota ou à l’avenir Ford. Donc, il y a aucun problème pour nous d'être concurrent aussi sur la piste.
Jean-Marc Finot : Même si le contexte de l'industrie automobile est assez complexe en ce moment, il y a toujours nécessité de faire des investissements marketing et tant que le "motorsport" est considéré comme un investissement marketing compétitif, parce que cela reste toujours une décision business, il n’y a pas de raison de l'arrêter. C’est important de rester avec des coûts maîtrisés pour que cet outil soit compétitif par rapport à d'autres d'autres choix d'outils marketing.
Et quel va quel va être votre rôle exact avec Peugeot Sport ?
Alain Favey : Que Jean-Marc me démontre que c'est un investissement qui en vaut la peine, et qu’on arrive à se mettre d'accord sur les conditions, aussi bien en terme de budget que de choix technique qui nous permettent d'être performant. Mon rôle est de gérer le côté marque/business et non le côté purement sportif qui est évidemment dans de meilleures mains avec Jean-Marc.
Est-ce que les 24 Heures du Mans seront une première pour vous ?
Alain Favey : Non, j'y suis allé j'ai déjà dans une époque une vie antérieure où j'étais avec Audi.
Qu'est-ce que les 24 Heures du Mans évoquent pour vous d'un point de vue peut-être un peu plus personnel ?
Alain Favey : D'un point de vue personnel, c'est une course absolument mythique. Je suis français, donc évidemment il y a un attachement avec les succès passés que nous avons tous en tête et une course pour laquelle on vibre avec une passion un peu particulière. Donc, c'est sûr que il y a quelque chose d'assez indéfinissable qui se passe avec ces courses et que j'ai très hâte de pouvoir vivre de l'intérieur de l'équipe Peugeot. Honnêtement c'est extraordinaire ce qui se passe sur cette piste. Le niveau de technicité n’a rien à envier d'autres d'autres championnats plus spectaculaires.
Jean-Marc Finot : Ce n’est pas galvaudé de dire que c'est le plus beau de l'histoire du sport auto. Autant de constructeurs engagés dans un championnat avec des voitures aussi différentes, aussi spectaculaires et puis avec autant d'incertitude, il n’y a aucun championnat qui a offert ça depuis le début du 20e siècle.
Alain Favey : Avec Le Mans, évidemment qui culmine avec tout son aura, on devrait être sur toutes les premières pages de tous les journaux du monde.
Vous estimez qu'il est peut-être pas assez vendu au grand public ?
Alain Favey : Je pense que on pourrait collectivement faire mieux en terme de visibilité. La visibilité au niveau grand public n’est pas à la hauteur du spectacle que vous avez sur la piste dans ce championnat et de l'investissement qui est fait par toutes ces marques. Maintenant, il va y avoir 13 marques l'année prochaine qui vont être en compétition. C'est extraordinaire. Un investissement, un savoir-faire au plus haut niveau, des gens qui sont super motivés, qui sont extrêmement engagés et cela ne se reflète pas à mon avis au niveau suffisant dans le grand public. Je le regrette. Effectivement, le championnat n'a pas encore totalement imprimé pour le grand public, surtout en France où nous avons la chance d'avoir cette course au Mans, la plus connue du monde qui trouve être en France, on devrait être à beaucoup plus d'exposition médiatique.
Jean-Marc Finot : Nous le voyons parce que nous avons des métriques pour évaluer le retour sur investissement et la valeur marketing générée. Les 24 Heures du Mans font plus de la moitié de la visibilité du championnat.
Selon vous, qu'est-ce qu'il faudrait pour améliorer la visibilité du championnat ?
Jean-Marc Finot : Beaucoup de diffusion télévisée puisque c'est ce qui fait une grosse partie de la valeur. Donc ce sont les réseaux sociaux, YouTube, la diffusion télévisée. Il faut que ça passe en prime time sur des chaînes gratuites pour avoir du monde. C'est assez simple en fait.
Alain Favey : Je pense qu'au niveau réseaux sociaux, honnêtement sur ce que j'en vois, nous sommes vraiment pas mal. Nous avons un écart sur le côté grand public. Nous faisons ce que nous pouvons aussi en terme de produit pour recréer un lien entre le produit Peugeot et notre engagement dans le sport auto. En relançant la GTI par exemple sur la 208, c'est quelque chose qui je pense va aussi relayer cela, au niveau de nos concessionnaire ... Pour avoir plus de capillarité dans la présence du sport automobile aussi bien au niveau de nos concessionnaires. C'est un levier qu'on veut utiliser de manière un peu plus active.
Petite question un peu humoristique. Est-ce que Jean-Marc a essayé de vous expliquer la BoP ?
Alain Favey : Il faut qu'il continue à essayer. Il m'a fait rencontrer nos mathématiciens qui s'occupent de nos stratégies. Je vous assure que eux ils sont capables de comprendre la BoP sans problème.
Jean-Marc Finot : Au-delà de notre passion, ce qui est très intéressant dans le Motorsport, c'est l'éventail de compétence que nous avons dans une petite équipe. Nous avons des mathématiciens, des stratégies, des mécaniciens, des gens pour faire le service... Enfin c'est une petite société d'une soixantaine de personnes.
Alain Favey : Pour reprendre la BoP, il faut en effet avoir fait Bac+10. Mais j'ai compris que nous n’avions pas le droit de s'exprimer dessus.
C'est un problème de pédagogie. Si on peut pas parler d'un artifice qui possède une place prépondérante dans le championnat, c'est difficile de faire de la pédagogie et d'attirer des gens si on peut pas parler …
Alain Favey : Nous, nous ne pouvons pas en parler mais dans les courses de chevaux, c'est pareil avec des handicaps ... Tout le monde n'est pas obligé de comprendre exactement comment fonctionne le système pour comprendre qu'il y a des bagarres en piste, des incidents de course. C'est quand même passionnant, indépendamment de ce qu'il y a derrière comme mécanique que personne ne comprend vraiment, du moins pas le grand public.
Jean-Marc Finot : Les courses sont animées c'est un fait, mais après le problème de la BoP, c'est qu'elle entraîne de la frustration chez les constructeurs.
Commentaires (2)
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dmeyers
11 mai. 2025 • 11:03
ManuP
11 mai. 2025 • 15:55
Merci pour la question sur la BOP, les réponses sont intéressantes et donnent de la curiosité d'interprétations 😁