Le Vendée Globe, une épreuve d'Endurance à part entière
Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas vous parler de sport auto dans ce billet mais bien de voile. Vous me direz qu’il y a des parallèles à faire, d’autant plus quand on parle du Vendée Globe, une course d’endurance s’il en est. Dans quelques jours va s’élancer depuis Les Sables d’Olonne la 10e édition de la célèbre course initiée par Philippe Jeantot. Il aurait été dommage de ne pas aller vivre l’expérience spectateur sur place au milieu des bateaux.
Pour ma part, je ne connais rien au milieu de la voile et la seule fois en 20 ans où j’ai mis les pieds dans une piscine, c’est pour assister aux Jeux Paralympiques l’été dernier. C'est vous dire que moi et l'eau, ça fait deux. Alors, imaginez la voile. On peut me payer pour aller embarquer dans une vedette pour voir le départ du Vendée Globe en mer que je cède ma place bien volontiers. Je n’ai pas le pied marin et le ponton est bien suffisant pour moi. Comme plus de 90% des Français, j’ai suivi la dernière édition car j’ai toujours été admiratif de ces marins qui partent seuls en mer durant plusieurs mois. Il en faut de l’endurance.
Dimanche 3 novembre, direction Les Sables d’Olonne pour en savoir plus sur cette course si atypique. Qu’y a-t-il à voir ? Un village de 30 000 m2 et les bateaux des 40 skippers. Il convient de préciser que tout est gratuit. Il suffit juste de télécharger un billet et de choisir son créneau horaire pour l’accès. A 9h30, soit une demi-heure avant l’ouverture, la file d’attente est longue de quelques centaines de mètres. A écouter les conversations des uns et des autres, je suis le bizuth. Les termes employés sont dignes de virtual safety-car, stop & go ou BoP pour notre discipline . Pour ce dimanche découverte, je suis accompagné par Bruno Vandevelde, photographe de MPS Agency, dûment accrédité pour couvrir l’épreuve, et présent sur place depuis deux jours.
Une fois dans l’enceinte, vous recevez, toujours gratuitement, le programme officiel complet papier. Alleluia, on fait encore du papier. Pour un archiviste et défenseur du papier comme moi, j’apprécie. Direction le ponton pour être au plus près des bateaux où il est possible de déambuler, de prendre des photos et vous pouvez même apercevoir et échanger avec un skipper qui termine sa préparation.
Contrairement à l’Endurance sur circuit et ses multiples catégories, rien de tout ça au Vendée Globe. Les skippers partent tous avec un IMOCA (International Monohull Open Class Association) qui est un voilier de 60 pieds, soit 18,28 mètres. Le règlement fixe les limites concernant la longueur, la largeur, ainsi que les normes de stabilité à respecter. Le design est très ouvert : « Tout ce qui n’est pas expressément interdit, limité ou imposé, est autorisé. » C’est pour cela que vous voyez des conceptions très différentes avec des cockpits ouverts, des cockpits plus fermés. Certains utilisent des foils (grands bras sur les côtés) pour réduire la traînée et la surface mouillée afin d’augmenter la vitesse. De vrais bijoux technologiques qui valent de 5 à 7 millions d’euros et qui peuvent naviguer jusqu'à près de 80 km/h. Le prix d'une saison WEC avec une LMGT3.
Il n’est pas question de BoP entre les différents bateaux ou différences entre les sexes. Sur les 40 skippers 2024, on trouve 6 féminines. Si vous prenez Maître Coq V de Yannick Bestaven, vainqueur de la précédente édition, son bateau date de 2022. Lui a des foils sur les côtés. A titre de comparaison, Tut gut (ex-Gitana Eighty) barré par Oliver Heer date de 2007 et ses 120 000 miles au compteur. Avec Tut gut, on ne parle pas de foils mais bien de dérives. Est-ce que l’on peut comparer cela à LMH/LMDh ? En partie… Là aussi, les constructeurs sont multiples même si CDK Technologies (chantier naval basé à Lorient) est le plus représenté.
Quarante bateaux est le record d’engagés sur le Vendée Globe. A 64 ans, Jean Le Cam est le plus âgé et Violette Dorange est la benjamine de l’épreuve du haut de ses 23 ans. Deux skippers en situation de handicap (sans main gauche pour Damien Seguin et Jingkun Xu) sont au départ. On compte 15 rookies.
Comme l’automobile, la voile fait sa transition énergétique. Cette année, dix engagements pour l’environnement sont pris par l’organisateur, comme la limitation de l’impact carbone des IMOCA et la protection de la biodiversité sur le parcours de la course. De plus, toute énergie fossile pour le fonctionnement des appareils du bord sera interdite à compter de la prochaine édition. Les hydrogénérateurs se développent tout comme l’installation de panneaux solaires. Le gasoil sert uniquement en cas de sécurité pour se dérouter et porter assistance à un autre marin en détresse. Arnaud Boissières, qui navigue sur La Mie Câline, embarque une pile à hydrogène qui servira en cas de panne de batterie pour alimenter les instruments.
En cette fin de matinée du dimanche, le soleil commence à percer sur les Sables d’Olonne et le ponton est noir de monde. Tout le monde flâne en y allant de sa photo. En fin de ponton, le Hublot (ex-Hugo Boss) du Suisse Alan Roura attire les regards, de par son look et sa couleur noire. Le dernier bateau avant de quitter le ponton est DeVenir emmené par Violette Dorange. La benjamine du plateau va entamer son premier Vendée Globe. A 15 ans, elle traversait la Manche en Optimist (conçu plutôt pour l’initiation à la voile). Son bateau a remporté le Vendée Globe… 2008 sous les couleurs Foncia avec Michel Desjoyeaux.
La visite du ponton n’est pas la seule attraction du jour. Plusieurs chapiteaux sont dressés pour mieux connaître la course et faire connaissance avec les partenaires. Les 1200 m2 consacrés à la muséographie valent le détour. L’endroit permet d’apprendre un tas de chose sur la course et toutes ses spécificités via des frises parfaitement animées. Une telle mise en scène manque sur les circuits afin que le public novice comprenne mieux les tenants et les aboutissants. Vous y apprenez notamment le point Nemo situé au cœur du Pacifique. A cet endroit, les humains les plus proches des skippers sont les pensionnaires de l’ISS, la station spatiale Internationale, à environ 400 km en orbite. Le lexique marin demande de s’y intéresser : alizés, matossage, empannage, bout-dehors, outrigger, aile de mouette, etc.. On a nous aussi des termes peu compréhensibles de tous en Endurance. Sont-ils suffisamment expliqués ? Pas sûr…
Le saviez-vous ? Endurance-Info a eu l'honneur d'avoir un sticker sur le maxi-trimaran IDEC Sport de Francis Joyon lors du Trophée Jules Verne en 2017.
Sur le Vendée Globe, on ne rentre pas au stand comme sur un circuit. La seule escale technique autorisée est un retour aux Sables d'Olonne dans un délai de 10 jours après le départ.
Entre deux chapiteaux, vous pouvez même prendre le temps d’une levrette (on parle de la bière artisanale) dans un bar à ambiance bien pensé. Les goodies en masse régalent les petits et les grands. Chacun repart avec ses posters et ses autocollants. Le restaurant est lui aussi bien aménagé avec une vue qui surplombe le ponton. L’accueil y est chaleureux et les prix abordables.
Est-ce que l’on peut pour autant comparer une épreuve comme le Vendée Globe avec les 24 Heures du Mans ? Oui pour ce qui est d’une course d’endurance dans les deux cas. Au Mans, vous allez voir une course automobile, tandis qu’au Vendée Globe, vous n’assistez pas à la compétition. La première est payante, la seconde est gratuite. Les deux expériences ne sont pas comparables mais il y a des choses qui pourraient être transposées du Vendée Globe aux 24H du Mans, pour ne citer que cette course, sur le côté expérience du public et même des médias.
Le Vendée Globe la particularité d’avoir des journalistes qui sont aussi présents au mois de juin en Sarthe. Comme quoi le monde sportif est petit. Gaël Robic (France TV), Fred Veille (RTL) et Philipe Joubin en sont le parfait exemple. Ce dernier, ancien attaché de presse de l’ACO, vient de sortir un ouvrage indispensable « La Légende du Vendée Globe » aux éditions Albin Michel. Un chapitre est d’ailleurs consacré aux journalistes. Je ne peux pas résister à paraphraser l’auteur : « Mais, peu à peu, les progrès techniques ont révolutionné la communication. Le suivi des classements est permanent. Depuis, les voiliers sont déversés des tombereaux de photos et des vidéos immédiatement contrôlés à des fins d’exploitations éventuelles. Il est devenu aussi simple d’appeler les bateaux que de réserver une table au restaurant voisin. Cette profusion d’informations, liée aux enjeux sportifs et financiers, a généré une communication à destination de la presse parfois pitoyable à force d’être verrouillée par des services de communication de temps à autre fort peu inspirés. » On peut en dire autant de l’Endurance sur circuit avec là aussi des services de communication parfois peu inspirés, qui n’ont aucune connaissance des besoins des médias et qui ne servent à…rien.
Le public a aussi accès au plateau TV où sont tournées quotidiennement des émissions. Mon sentiment général est assez étrange car on est en immersion dans un milieu de compétition sans suivre la compétition qui n’a de toute façon pas encore débuté. La France est réputée pour râler mais là je ne vois pas qui peut regretter d’avoir rendu une visite au Vendée Globe. Pour ma part, je ne vais plus voir le Vendée Globe de la même façon.
Le Vendée Globe, c'est quoi ? Course à la voile autour du monde (45 000 km) en solitaire, sans escale et sans assistance. Elle se déroule tous les quatre ans et 200 marins y ont participé depuis 1989 (114 ont vu l’arrivée). Il faut passer le fameux pot-au-noir et ses vents changeants, ainsi que le franchissement de trois caps (Bonne Espérance, Leewin, Horn). Pour participer, il faut déjà se qualifier en participant à d’autres courses sur le même bateau. Les frais d’inscription sont fixés à 20 000 euros (total de 800 000 euros de prix à l’arrivée, dont 200 000 euros au vainqueur). Pour cette 10e édition, 44 dossiers ont été reçus, 39 ont été retenus et 1 wild card accordée. Le record est détenu par Armel Le Cléach (2016) en 74 jours, 3 heures, 35 minutes et 46 secondes. Départ de la course dimanche 10 novembre à 13h02.
Commentaires (4)
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francois.santos@sfr.fr
4 nov. 2024 • 19:59
De plus c'est remarquablement organisé
jesnault
4 nov. 2024 • 21:46
Par contre au niveau parallèle avec les 24h du Mans, d'après l'article ça me fait penser au pesage (qui est gratuit lui aussi).
Je pense juste que les soins du Vendée essaye de s'adresser à leurs clients grands publics alors qu'au 24h on a l'impression que les personnes visées sont les grands compte pour les flottes ou les clients de marques haut de gamme donc plus pour les VIP.
Pierre-Louis
4 nov. 2024 • 22:31
Le Wec nous a offert un spectacle superbe ce week-end. Celui du Vendée Globe sera très beau aux Sables cette semaine et pour le départ dimanche prochain !
PitchCH
5 nov. 2024 • 7:39