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Moi, l'apprenti ingénieur (partie 2)...

Endurance Info
29 oct. 2023 • 10:00
par
lmercier, toujours apprenti ingénieur
Deuxième partie de l'article consacré au passage chez Optimum G.

En entrant dans cette salle de cours vendredi 27 octobre à 8 heures, je ne sais pas trop à quoi m'attendre même si je comprends vite que le maillon faible, ce sera moi (la partie 1 est à retrouver ICI). 

 

Je pense qu'il y a une chose où j'ai un avantage sur mes petits camarades, c'est sur la couverture du classeur qui montre une partie d'une voiture de course. En un dixième de seconde, je suis capable de lever la main et donner la voiture, le team, les pilotes et le championnat : Mercedes-AMG GT3, Akkodis ASP, Marciello/Boguslavskiy, Fanatec GT). Je sais même où mettre le i et le y au bon endroit au nom de famille de Timur. Bon, tout le monde s'en cogne et je n'ai pas eu besoin de lever la main car personne n'a rien demandé. Ma valeur ajoutée sur le séminaire s'arrête là. Bien maigre me direz-vous... 

 

Dès que le classeur s'ouvre en page 1, je passe en mode découverte, un peu comme le gars à qui tu essaies d'expliquer que dans la catégorie Hypercar, tu as LMH et LMDh, que ce n'est pas la même chose, mais que GTP et LMDh, c'est la même chose sans porter le même nom. Il va falloir réussir à me capter de 8h à 20h sur un sujet que je ne maîtrise pas. 

 

On entre dans le vif du sujet très rapidement : « Toutes les simulations sont fausses, certaines sont utiles. Ce qui est intéressant, c'est la validation. » Je ne vais pas vous raconter la formation car ce n'est pas le but et il n'y a rien qui remplace la pratique. La matinée est assez "simple" pour moi car on parle des fondamentaux de la dynamique des véhicules, de la grande importance des pneumatiques et de set up. Croyez-le ou non, j'ai tout de même entendu le nom Pythagore dans la matinée. Si j'avais su, j'aurais écouté à l'école. 

 

Les heures défilent et l'attention est toujours aussi importante. Vous savez comme moi comment sont les jeunes, un regard sur le portable sans que le prof le voit, un gribouillage sur sa feuille, des regards incessants sur sa montre. Croyez-moi, rien de tout ça durant toute la journée. Pas un téléphone n'a sonné, pas une personne n'a consulté son téléphone et personne n'a regardé sa montre. Près de 12h dans une salle peut sembler très long. C'est le cas si la personne face à vous qui vous dispense le cours ne sait pas capter votre attention.

 

 

Avec Claude Rouelle, vous avez tout pour rester éveillé. Certes, il y a la formation mais vous avez les innombrables anecdotes sur sa carrière distillée tout au long de la journée. Il vous parle de Jean-Marc Gounon, d'Eric Hélary, de Formule 3, de Hugues de Chaunac, de Dunlop, de BMW, de Akkodis ASP, de la façon dont il s'est construit, comment il a créé Optimum G. Tout cela rentre parfaitement dans le cadre de la formation, sans oublier les blagues dont lui seul a le secret. Vous ne voyez pas le temps passer et au lieu d'arrêter à 12h, vous arrêtez à 12h30 et vous 45 minutes pour déjeuner avant de revenir. Qu'importe car personne n'avait vu qu'il était déjà 12h30. 

 

Pour Claude, une chose est essentielle : « Faites de votre passion votre métier ». Quand vous avez compris ça, vous avez gagné. L'autre phrase qui revient régulièrement dans la journée : « Ne méprisez pas les mécanos, discutez avec eux »

Les équipes ont la culture de la gagne, certaines plus que d'autres. A l'arrivée, un seul vainqueur. Si vous ne savez pas pourquoi vous gagnez, vous ne saurez pas pourquoi vous perdez. Lorsque Claude travaillait chez ORECA, les débriefings du lundi matin étaient plus longs quand l'équipe venait de gagner que quand elle venait de perdre. Pour ma part, j'écoute et j'engrange des infos car mon but est différent des étudiants qui veulent en très grande partie faire carrière en sport automobile, certains en Endurance. Ils ne sont pas dans cette salle parce qu'ils sont contraints d'être là, mais bien bien parce qu'ils le souhaitent. Une grande différence. 

 

On étudie des schémas, on compare des autos de différentes séries. Même si on parle de technique, le lien étroit avec le circuit est toujours présent. Pas besoin de m'expliquer que l'appui aéro n'est pas le même à Monaco qu'à Mexico. On y apprend pourquoi Peugeot changeait le bloc arrière de sa 908 la nuit au Mans quand dans le même temps, Audi mettait une équerre sur l'aileron arrière de sa LMP1. 

 

J'écris, je surligne, j'entoure. Plus de six pages écrites sur mon cahier en quatre heures en plus des slides qui passent sur l'écran à disséquer. Je dois bien avouer que l'après-midi a été plus compliqué pour moi quand on aborde l'angle de dérive, Fx, Fy, Fz, Mx, My, Mz. Toutefois, les explications sont tellement bien expliquées que j'arrive à rester dans le peloton, clairement pas en pole et potentiellement pas en Q3. 

 

J'ai toujours été étonné de voir qu'en Formule 1 ou Endurance, des erreurs soient commises alors que l'extérieur, ça semble simple à comprendre. Maintenant, je comprends mieux. Il y a peu de temps, un pilote officiel m'a dit : laisse-moi recruter une équipe et mettre les personnes aux bons postes et on met une raclée à l'équipe officielle sur la piste. Ok, je demande à voir. En sortant du cours, j'ai compris que ce pilote avait raison. Sans cohésion, il n'y a pas le résultat escompté.  Si le gars de l'aéro bosse dans son coin sans échanger avec les autres services, la mayonnaise ne peut pas prendre. Vous entendez des situations vécues qui vous font tomber de votre chaise.

 

La partie pneumatique est une partie importante du séminaire où vous comprendrez que le moins cher pour gagner de la performance est de bien gérer la pression des pneumatiques et que très peu de gens savent le faire correctement. Saviez-vous qu'un slick froid a deux moins de grip qu'un pneu d'une voiture de série ? Saviez-vous qu'à une époque, des pneus en compétition changeaient de sculpture en fonction de l'usure ? 

 

Je n'ai (malheureusement) pas suivi les quatre jours du séminaire mais cette première journée m'a permis de comprendre un tas de choses sur la dynamique d'une voiture de course. Quand je commente des courses, j'évite à tout prix de me mettre à la place du pilote que je ne suis pas. Chacun doit rester à sa place. A l'instant T, je ne connais pas les réglages, je ne sais la pression et l'état des pneus, la quantité de carburant à sauver, etc... Il est facile de tomber dans le piège du "tiens il est loin du compte aujourd'hui". Croyez-moi, les Estre, Mako, Gounon, Dumas, Jaminet, Perera, Andlauer, Ledogar ou Duval, pour ne citer que quelques pilotes français, ne sont jamais loin du compte. il roulent avec leur tête et avec le plan établi par l'équipe. Est-ce que le dialogue entre le pilote et l'ingé est toujours bon ? Des fois oui, des fois non...

 

Cette journée était fascinante et intéressante à bien des égards. J'ai déjà prévu de revenir écouter Claude qui a formé une grande partie des ingénieurs dans les paddocks. Il y a encore peu temps, un ingé m'a dit : "J'ai fait le séminaire de Claude il y a une dizaine d'années et j'ouvre encore son classeur quand j'ai un doute sur quelque chose." Pourtant, vous ne verrez pas le moindre gros sticker Optimum G sur les voitures de course où officient les membres de Optimum G en consulting. Chez Optimum G, on a la culture de la gagne mais en toute humilité et en toute simplicité. 

Qu'est-ce que Optimum G ? La mission est claire : Combiner l'ingénierie et l'innovation pour résoudre les problèmes de dynamique des véhicules. Des séminaires sur différents sujets sont présentés dans le monde entier de 1 à 300 personnes. Sachez que la moitié des ingénieurs présents en DTM sont passés par Optimum G. Akkodis ASP, Jota, Dunlop, Goodyear, Bugatti, Hyundai, Michelin, Mahindra, Pagani et NISMO sont autant de clients de Optimum G. Toutes les infos sont ICI

 

 

Commentaires (4)

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Surgères

29 oct. 2023 • 12:34

Passionnant !

Adritoul

29 oct. 2023 • 14:46

Super témoignage très bien raconté, on a envie de suivre cette formation maintenant !

gounon

29 oct. 2023 • 15:52

Bonjour . un bien bel article relatant la carrière d’un homme passionné et passionnant . En vous relisant je me souviens de Claude alors chez Oreca ( après des qualifs désastreuses sur les Reynard alfa d’Éric helary et moi meme 19e me et 13rme ) a magny cours 89 ) frappant à la porte de ma chambre à 1h30 du matin pour m’expliquer qu’il pensait avoir trouvé la solution à notre manque de grip sur le bitume neuf .. «  je vais changer le centre de roulis sur l’une des autos pour le warm up en m’expliquant techniquement sa logique !! Le lendemain en m’élancent 13eme je gagnais la course avec une auto diabolique . Bravo et merci mR rouelle d’avoir décidé d’offrir au plus grand nombre vos connaissances . Jmg

lmercier

29 oct. 2023 • 16:37

@Jean-Marc : Il a raconté cette anecdote à tout l'auditoire. 😄 Personnellement, j'ai aussi retenu tel père tel fils pour le travail sur une voiture de course le soir très tard.