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Paul-Loup Chatin (IDEC Sport) : "Avec des 'si', on refait des courses"

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2 oct. 2020 • 10:00
par
David BRISTOL

Paul-Loup Chatin et toute l'équipe IDEC Sport fondaient de gros espoirs sur cette 88e édition des 24 Heures du Mans 2020. Malheureusement, une sortie de piste, un changement de châssis, une pénalité d'un tour avant même le départ ont fait que l'ORECA 07 #28 n'a pu finir que 6e de sa catégorie. Le Français est revenu pour Endurance Info sur son Le Mans...

Vous avez mal débuté les 24 Heures du Mans avec votre voiture dans le rail dès la 2e séance d’essais libres...

« C’est une petite faute qui est infime, mais qui a eu de grosses conséquences. Ce qui est compliqué aux 24 Heures du Mans, c’est que l’on va régler la voiture selon votre expérience et ce que l’on imagine être le mieux pour les essais mais aussi pour la course. Là, la piste évoluait car au début elle était très sale. On a tout de suite travaillé sur un set up qui nous semblait être le plus performant et le mieux possible pour les qualifs et la course, mais il faut être prudent en début d’essais libres car la piste est "verte". Il y a une règle que l’on se donne au Mans : ne jamais tirer des conclusions hâtives après la 1ere séance libres car on sait que la piste va se gommer. Le jeudi, nous sommes partis sur une idée de set-up que l’on trouvait très bien et qui nous semblait toujours bien à la fin des Libres 1 car nous n’avions pas joué la performance. Par contre, nous avions tous les trois relevé une instabilité de la voiture à la sortie des chicanes des Hunaudières. C’est un point sur lequel nous allions nous concentrer et voir si, avec une piste s’améliorant, cette instabilité demeurait. 

Paul (Lafargue) est un pilote qui ne fait jamais d’erreur, il n’a jamais crashé la voiture en trois ans, mais malheureusement, c’est tombé là, au pire moment possible. Personne ne lui en veut. On ne peut pas lui demander de progresser autant en trois ans et ne jamais faire la moindre erreur. Le mal était fait, c’est comme cela, mais le plus dur à encaisser a été la sanction (partir de la voie des stands, un tour derrière tout le monde) qui nous a paru injuste, même si elle est écrite dans le règlement. » 

Vous changez le châssis, l'équipe remonte l’auto toute la nuit et vous participez à la 4e séance d’essais libres et au warm-up. Etiez-vous satisfait à 100% de votre voiture au moment du départ ou avez-vous manqué de temps pour peaufiner le set-up et décidé de faire un compromis ?

« Nous n'étions malheureusement pas satisfaits. En dépit de l’exceptionnel travail de nos mécaniciens, nous avons eu quelques soucis en Libres 4 et au warm-up, mais grâce à leurs efforts, ils les ont résolus et nous n’avons eu aucun pépin pendant la course. Par contre, nous n’avons pas du tout pu faire de réglages. Même par rapport aux réglages de Libres 1, nous sommes revenus en arrière en termes de réduction de performance. Il fallait faire une voiture sûre, que les pilotes se sentent en confiance. On n’a même pas pu faire les analyses de hauteur de caisse, nous avons donc involontairement dégradé la performance pour être certains de ne pas avoir d’ennui. Au final, elle était bien équilibrée, pas vicieuse, pas compliquée à piloter, mais en retrait en termes de performance. »      

Comment s’est passée l'édition des 24 Heures du Mans pour l’ORECA 07 #28 (Paul Lafargue / Richard Bradley) ?

« Bien ! Dès le début, on se rend compte qu’il nous manque un peu de performance par rapport à ce que l’on espérait, mais ce n’était pas une surprise. Nous avons fait tout ce que l’on pouvait sans rien lâcher. Nous avons eu trois crevaisons, un petit souci avec une porte récalcitrante, mais pas de gros soucis majeurs. Nous avons perdu un peu de temps, mais certains ont fait bien pire que nous. La voiture était bien, mais il en manquait un peu par rapport à ce que l’on sait être faisable au Mans. Le seul moyen de récupérer un peu de perfo était de rouler très proche des limites, un peu en mode qualif. On arrivait alors à exploiter le potentiel de la voiture. Pourtant, une voiture capable de gagner au Mans est une auto qui, sans se mettre en danger, va vite. Là, on allait vite, mais on se mettait en danger ! »  

Terminer 6e des LMP2 est en-deçà de l'objectif de départ ? En plus vous partez avec un tour de retard...

« Je dirais même que nous sommes partis avec un tour et demi de retard car il a fallu doubler toutes les GTE qui avaient pris 40 secondes dans le premier tour. On peut presque parler de deux tours. Nous avons un sentiment partagé à l’issue de ces 24 Heures du Mans. D'un côté, une vraie fierté envers toute l’équipe parce que les deux voitures accidentées le jeudi sont à l’arrivée. Nous peut être fiers de ce que l’on a réalisé. C'est mêlé à la déception car nous étions venus pour gagner et je pense que nous avions le potentiel pour nous battre pour la victoire. Si on était déjà parti dans le peloton, même sans avoir réglé la voiture, on pouvait prétendre lutter pour le podium car nous avions un rythme aussi bon que celui de Panis Racing. Donc, si nous avions eu le temps de faire le set-up, on pouvait se battre aux avant-postes. Mais avec des 'si', on refait les courses ! Nous avons donc une part de déception car on venait pour gagner et une part de fierté car cela restera malgré tout une belle édition des 24 Heures du Mans pour IDEC Sport. Pour résumer, nous, pilotes, n’avons pas gagné, mais toute l’équipe technique et les mécaniciens ont gagné leurs 24 Heures du Mans ! »   

Vous avez eu un rookie (en LMP2) dans votre équipe (ORECA 07 #17) en la personne de Patrick Pilet. Comment avez-vous vu son évolution qui a été très surprenante ?

« Ce fut une très bonne chose pour l’écurie. On a pu voir tout l’étendu de ses qualités en tant que pilote, mais aussi en tant qu’homme car il a tout de suite réussi à se fondre dans l’esprit IDEC Sport. On aurait même pu croire qu’il était chez nous depuis un moment. Il a vraiment fait un travail excellent. Il s’est aussi très vite adapté à la voiture alors qu’il n’avait jamais piloté de LMP2. En un mot, il a été professionnel comme il l'est tous les jours chez Porsche. Il a montré ses appétences à s’intégrer dans une équipe en un temps record, ses compétences en tant que pilote tout en respectant les consignes d’équipe c'est-à-dire que malgré sa pointe de vitesse, l’objectif de la #17 était de finir la course. A aucun moment, il a été prendre des risques inutiles dans le trafic. Il n’était pas là pour prouver quoique ce soit, mais pour remplacer un autre pilote et il a fait le job à 100 % ! C’est une vraie richesse d’avoir un pilote comme lui à nos côtés. Je le connais depuis un moment (Paul-Loup était une des Juniors dont Patrick Pilet s'occupait en Porsche Carrera Cup France, ndlr), je l’apprécie beaucoup, ce fut un plaisir de pouvoir échanger avec lui. »

La page des 24 Heures du Mans se referme. Place maintenant à la 2e partie de l’ELMS. Pourtant, vous vivez une saison difficile. Comment expliquez-vous cela ?

« Il y a déjà un premier facteur. Pour gagner un titre, il faut un peu de réussite et c’est ce qui nous est arrivé en 2019 avec des stratégies et faits de course aux bons moments, par exemple. Cette année, cela ne va pas du tout dans notre sens à chaque fois pour des petits détails. Au premier Castellet, on abandonne sur un problème mécanique. A Spa, on aurait dû finir 2e ou 3e et il y a la pluie au mauvais moment et nous finissons 7e. Un peu la même chose avec le Safety Car au Paul Ricard où nous aurions dû faire au moins 3e. Le deuxième point est que Michelin a fait des pneus encore meilleurs cette année, mais ils fonctionnent différemment. Il y a des équipes qui ont eu l’expérience de ces pneus l’an dernier en WEC et ils ont donc un temps d’avance sur nous sur la première partie de saison ELMS. Même si cela ne s’est pas vu au Castellet 240, nous avons comblé ce petit déficit de performance.  Après, c’est à nous de nous remettre en question, rien n’est jamais acquis. Ce n’est pas parce que nous avons été champions l’année dernière que l’on va gagner la saison suivante. C’est la beauté de ce sport et ce championnat est tellement relevé qu’il faut toujours aller de l’avant, rien n’est jamais acquis. »

Maintenant placeaux 4 Heures de Monza en ELMS…

« Oui, tout à fait, rendez-vous dans quelques jours dans le temple de la vitesse. C’est un circuit grandiose et on a hâte d’inverser la tendance. Sixième en LMP2 aux 24 Heures du Mans est un très beau résultat et on a encore prouvé que nous étions là et que, en dépit de nos déboires, on continuait de se battre avec panache comme à l’image du groupe IDEC. Le but maintenant en ELMS est de remonter sur le podium avant la fin de la saison. »

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