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Christine Beckers : “Vivre sa passion jusqu’au bout…”

Club des Pilotes des 24H du Mans
31 mai. 2018 • 14:47
par
Laurent Mercier
Le nouveau volet de notre rubrique consacrée au Club des Pilotes des 24 Heures du Mans met aujourd’hui en vedette Christine Beckers, une des cinquante-sept pilotes femmes à avoir à ce jour participé aux 24 Heures. La pilote belge a eu une carrière très éclectique puisqu’elle a roulé en compétition avec presque tous les types d’automobile, sur route ou sur circuit. Son nom est étroitement lié à l’épreuve sarthoise qu’elle a disputée à quatre reprises, en 1973 et 1974 (victoire de catégorie avec un équipage cent pour cent féminin) et en 1976 et en 1977 où elle était membre de la célèbre épopée Inaltera. Christine Beckers a eu la gentillesse de répondre à nos questions et d’évoquer pour nous quelques souvenirs. Christine, vous êtes une des trois seules femmes à être membre du Club des Pilotes des 24 Heures du Mans, avec Annie-Charlotte Verney et Keiko Ihara ? Qu’est-ce qui vous a incité à devenir membre du Club ?« C’est vrai que nous ne sommes pas très nombreuses, mais nous ne sommes qu’une cinquantaine à avoir couru au Mans alors qu’il y a huit mille hommes environ, je crois. Pour ce qui concerne mon adhésion, je connais bien Marie-Reine Beaumesnil, qui est Déléguée Générale du Club et qui s’en occupe très activement. Cela me semblait très logique d’adhérer, je ne comprends pas qu’il n’y ait pas plus de femmes membres, même si évidemment il y en a beaucoup qui sont disparues. Nous ferons peut-être une nouvelle recrue cette année avec Inès Taittinger…Il y a aussi une question de budget, car l’adhésion n’est pas gratuite, sauf si on a plus de 80 ans, mais là je vais attendre encore un peu, il n’y a pas d’urgence! »Selon vous, quel rôle pourrait jouer le Club des Pilotes ? « Il devrait peut-être se mettre plus en avant, car il y a un peu de fossé entre ceux qui courent aujourd’hui et ceux qui ont couru avant. Ceux qui courent aujourd’hui, je ne pense pas qu’ils aient une grande culture automobile. Aujourd’hui on vit tellement plus dans l’instant que dans le passé. Tout a changé, les voitures sont différentes, les circuits ont changé, il y a davantage de sécurité et on a tendance à oublier combien il y a eu de morts. Je sais que ce n’est pas drôle à mettre en avant. Il faut faire comprendre aux jeunes que finalement ils ont de la chance de pouvoir vivre leur passion sans vraiment risquer leur peau, même si ça peut toujours arriver. Le risque zéro n’existe pas. Donc, le Club pourrait favoriser davantage les rencontres entre les anciens et les jeunes. Est-ce que les nouveaux sont disposés à rencontrer les anciens ? C’est aussi une question, même si je crois que ces dernières années ils sont plus nombreux à s’inscrire. Je sais qu’il y a déjà beaucoup de manifestations pendant les 24 Heures, mais il faudrait peut-être provoquer une rencontre. Les pilotes qui participent en ce moment n’ont peut-être pas non plus tellement de temps, entre les essais, les courses, les briefings, les sponsors, le développement, les différentes disciplines…” Vous avez fait une carrière relativement atypique, puisque vous avez couru dans de nombreuses disciplines du sport automobile, en monoplace, en Rallye, en course de côte, en Tourisme, au Paris-Dakar, en endurance bien sûr et même en NASCAR…Quelle a été votre expérience la plus marquante ?« Je crois que, en dehors du Mans, c’est quand même cette expérience en NASCAR à Daytona lors des 400 Miles. C’était tellement différent de tout ce que j’avais fait jusque là. Le NASCAR, c’est un monde très fermé, déjà même pour les hommes, alors que dire pour une femme ? C’est sûr qu’on était regardées avec des grands yeux. A l’époque en NASCAR, il n’ y avait qu’une seule femme, Janet Guthrie. Quand j’ai participé pour la première fois,  je ne pensais évidemment pas gagner, mais je voulais progresser. C’est ce que j’ai fait, en partant de la quarantième place pour être à peu près vingt-cinquième au moment de mon abandon. Ce n’était pas si mal… J’ai dépassé les voitures, j’ai compris assez vite le principe de l’aspiration, c’était vraiment intéressant. Ceux qui ne l’ont pas fait trouvent ça idiot de tourner en rond. Il faut monter haut vers le mur, il y a une vraie technique et il faut apprendre vite car on n’avait pas beaucoup de tours pour se qualifier. Le système de qualifications était particulier. Nous étions rien que nous en piste avec deux tours pour se qualifier, ce qui n’est pas beaucoup.”Physiquement, ce devait être difficile ?« C’était un peu dur, car la direction n’est pas assistée, mais avec la force centrifuge et à 340 kmh, ça va, mais pour la nuque c’était vraiment dur. Heureusement, j’avais fait des exercices avant pour me fortifier la nuque et qui m’ont bien servi, car quand on monte sur le banking, ça travaille beaucoup.”Revenons aux 24 Heures du Mans. Vous avez disputé quatre fois les 24 Heures, dont une victoire de classe avec deux autres pilotes femmes, Yvette Fontaine et Marie Laurent, sur une Chevron en 1974 . Quels sont vos meilleurs souvenirs ?« Ma deuxième participation, c’était dans des circonstances particulières puisque j’avais fait la course l’année d’avant, en 1973, avec mon fiancé, Roger Dubos. La Chevron B21, dont je partageais le volant avec Roger Dubos et Pierre Pagani, avait gagné sa classe lors de la course préliminaire de 4 Heures, disputée fin avril, nous qualifiant d’office pour les 24 Heures.Nous avions abandonné très tôt et on s’était dit, l’année prochaine, on remet ça. Roger -qui était également directeur de l’école de pilotage d’Albi et qui avait été champion de Formule MEP en 1969- s’est malheureusement tué cette même année 1973 à Spa, et je tenais à honorer notre promesse de refaire Le Mans. C’était très dur pour moi de mettre toute l’équipe en place, et gagner dans ces circonstances là, ça avait été extraordinaire.Cependant, mon meilleur souvenir, c’est en 1976 quand j’ai réussi à réparer la voiture dans les Hunaudières, parce que je ne m’en croyais pas capable. La course automobile, c’est un défi qu’on se lance à soi-même, on se dit qu’on est capable de le faire ou on se demande si on est capable de le faire. Dans le cas présent, j’étais persuadée que ce serait difficile, car en mécanique j’étais nulle de chez nulle. Quand je suis partie en tête-à- queue à 320 km/h, je n’ai rien touché, la voiture est venue mourir sur le rail. Intacte, mais pas moyen de redémarrer. Heureusement, on avait fait une répétition à l’atelier pour changer la boîte à transistors. Cependant, ça m’a pris une heure. Rien que pour ouvrir le capot, c’était dur parce que c’est très lourd. Changer la boîte à transistors, ce n’était pas évident non plus, et en plus ce n’était pas ça qui empêchait la voiture de repartir !! Il a fallu que je cherche la cause de la panne et j’ai fini par trouver le court-circuit dans le coupe-circuit. J’ai réussi à le neutraliser. J’avais une pince dans la voiture, mais elle était neuve et brutale. Il fallait que je dénude les fils et deux fois j’ai coupé le fil avec cette pince très tranchante. Je me suis dit que si je coupais une troisième fois, c’était fini, je ne pourrais plus raccorder les bouts. On n’avait pas le droit d’avoir de l’aide extérieure, je me suis débrouillée avec les dents -c’était des conditions loin d’être idéales, j”avais déjà changé la boîte à transistors avec la lampe de poche dans la bouche, car il était 23 heures et qu’il faisait donc très noir mais j’ai réussi à réparer. Quand je suis arrivée dans les stands, j’ai eu droit à une ovation extraordinaire parce que personne ne croyait que j’allais ramener la voiture. Lella Lombardi, on aurait trouvé ça normal, car c’était une excellente metteuse au point et une très bonne technicienne, mais moi on n’y croyait pas trop ! »A quel endroit étiez-vous arrêtée ?« C’était dans la ligne droite des Hunaudières, juste après la bosse de Mulsanne, et on allait très vite à cet endroit, (320 km/h), car il n’y avait pas de chicanes. J’ai eu beaucoup de chance, parce que personne ne me suivait, j’ai fait un grand nombre de tête-à-queue que je n’ai pas pu compter. Je ne pouvais plus rien faire, il n’y avait plus de moteur, plus de phares. »Cette année-là, vous faisiez équipe avec Lella Lombardi. Comment les femmes pilotes étaient-elles perçues à l’époque ?« Cela n’a pas vraiment changé. J’avais déjà fait Le Mans l’année précédente avec Rondeau et Jaussaud, mais je m’étais dit qu’il fallait qu’on le fasse à deux, parce qu’à trois on ne conduit pas assez. Pour moi, c’était un tel bonheur de conduire que je voulais rouler au maximum. Lella Lombardi avait une expérience formidable puisqu’elle avait de la Formule 1 -la seule femme à avoir marqué des points en Championnat du Monde F1, un demi-point en fait puisque le Grand Prix d’Espagne 1975 qu’elle avait terminé à la sixième place avait été interrompu avant la mi-course, en raison d’une sortie de piste de Rolf Stommelen qui avait entraîné la mort de cinq spectateurs, NDLR- . Moi, comme c’était ma quatrième participation, on me regardait avec moins de méfiance et en plus l’engouement pour l’équipe Inaltera qui était phénoménal, tout le monde avait les yeux braqués sur les voitures. Les voitures étaient à l’arrivée l’année d’avant, le miracle avait déjà eu lieu, donc il n’y avait pas de raison pour que ça ne recommence pas, donc femme ou pas femme…C’était bien pour le sponsor, parce que pour la retombée c’était bien, c’était en partie pour ça qu’il l’avait fait. Charles James avait bien réussi son coup, parce qu’avec l’équipe de pointe Beltoise-Pescarolo, c’était déjà pas mal, et un équipage féminin c’était assez réussi aussi.”Lella Lombardi était très typée sprint, puisque courant en Formule 1. Quelle était son approche de l’endurance ?« Très professionnelle et ce qui est vraiment formidable, c’est qu’elle a vraiment mis en valeur la voiture, l’équipage. Au début, elle me mettait plusieurs secondes au tour et elle m’a dit « c’est normal, j’ai de l’expérience de la Formule 1, toi tu ne l’as pas, donc c’est normal que j’aille plus vite que toi. Maintenant dis-moi à quel endroit tu freines, à quel endroit tu accélères, tu sors de virage à combien de tours », et elle m’a fait faire un tour du circuit avec elle virtuellement et elle m’a donné tous ses trucs, ce que font rarement les pilotes entre eux. Grâce à ça, j’ai pu approcher ses temps à quelques dixièmes et après en course ce n’était pas aussi important parce qu’il s’agissait de faire preuve de régularité et non plus de recherche de performance, mais ça m’avait beaucoup aidé. Elle avait une approche très professionnelle, c’était quelqu’un pour qui l’automobile était tout dans sa vie. Elle était passionnée de voiture et de pêche à la ligne. On était très différentes. On ne venait pas exactement du même milieu. Moi, je venais d’un milieu très bourgeois, j’aimais bien la musique classique, le théâtre, la philosophie, les musées, la culture en général et ça Lella, elle s’en moquait totalement. Quand nous sommes allées aux Etats-Unis, moi je voulais tout voir, tout découvrir. Nous sommes allées voir la rue la plus ancienne d’Amérique, un parc à crocodiles, tout un tas de choses qui n’existaient pas chez nous, mais au bout d’une heure elle m’a dit « ça ne m’intéresse pas, je veux rentrer au circuit et voir le travail des mécaniciens . » Elle participait à la mise au point, moi je lui faisais confiance, j’étais très heureuse d’avoir une technicienne avec moi parce que la mécanique, ce n’est pas mon truc. Quand je courais en Tourisme, ce n’était pas très important, il fallait juste savoir changer un pneu, faire un peu de réglages de suspension. En Formule 1, par contre la technique, c’était très important et Lella, qui était une excellente technicienne, avait souffert quand elle était chez Williams, parce qu’on n’écoutait pas son point de vue. On lui demandait de faire d’abord des temps et qu’ensuite on réglerait la voiture. Heureusement, chez Inaltera elle a été traitée différemment et elle a pu travailler très bien avec les mécaniciens qui se sentaient en confiance avec elle et qui l’écoutaient, ça lui a beaucoup plu. »Au cours de votre carrière, quelles sont les voitures qui vous ont le plus marqué?« Il y en a plusieurs, ça dépend des disciplines. J’ai adoré la Lancia Stratos avec laquelle j’ai gagné le Rallye Paris-Saint Raphaël féminin, même si en soi je n’aime pas les courses faites uniquement pour des femmes, mais en rallye, la Stratos, c’est la voiture qui m’a le plus plu. C’était un peu comme un kart. Avec le moteur central, on pouvait vraiment jouer avec cette voiture-là, la faire glisser dans tous les sens, et courir avec un moteur Ferrari, c’était un de mes rêves !. J’ai eu aussi la chance de piloter des Formule 1, pour le plaisir. Nous avions racheté les deux Williams F1 de Thierry Boutsen et on a tourné avec ces voitures avec Thierry Boutsen. J’ai réussi à tourner à deux secondes de ses temps sur le circuit Paul Ricard où je me suis vraiment régalée. J’ai eu à ce moment-là un peu de regret de ne pas avoir accédé à la Formule 1, mais j’avais près de quarante ans, et c’était déjà trop tard. A l’époque, les voitures n’étaient pas ce qu’elles sont maintenant, c’était difficile à piloter, il n’y avait pas de direction assistée, je terminais avec le dos, la nuque en compote. Nous n’avions rien pour soutenir la nuque, j’avais les mains en sang à cause du levier de vitesse, mais je me régalais…“En circuit, une F1 vraiment le summum du plaisir, car c’est une voiture qui a été construite uniquement pour la course, ce n’était pas comme les voitures de Tourisme que je pilotais et qui étaient simplement adaptées pour faire de la compétition. Il y a aussi bien sûr l’Inaltera qui, elle aussi, avait été conçue uniquement pour la compétition et qui était une excellente voiture. J’avais la chance d’avoir une capacité d’adaptation à plusieurs types de voitures.  Une année, j’étais sur le Nürburgring avec une Porsche 911 pour le Tour de France Auto et depuis le stand on me faisait signe d’aller plus vite, mais je n’y arrivais pas. Quand je suis descendue de la voiture, j’ai dit que j’étais désolée, que j’étais mauvaise aujourd’hui, que je ne pouvais pas aller plus vite. Les mécaniciens ont mis la voiture sur le pont et se sont rendus compte que la suspension était cassée ! La honte sur moi, mais je m’étais adaptée à la voiture. Je n’étais pas assez fine pour comprendre, au lieu de me rendre compte que la voiture avait un problème, je pensais que c’est moi qui n’allais pas assez vite… »L’Inaltera était-elle facile à piloter ?« Oui, elle ne m’a pas posé de problèmes. Franchement, je ne l’ai pas trouvée compliquée. La preuve, c’est que la première année que je l’ai pilotée avec Rondeau et Jaussaud, j’aurais voulu conduire plus longtemps. Il faut dire qu’à l’époque il n’y avait pas de chicanes dans la ligne droite des Hunaudières, ce qui fait quand même deux freinages très forts en moins. Je n”aimais pas les virages lents, ce qui me plaisait c’était les virages rapides, où les doigts de pied se recroquevillent dans les chaussures…C’est pour ça que j’aimais beaucoup l’ancien circuit de Spa-Francorchamps, même s’il faisait beaucoup de victimes. C’était une façon de sentir qu’on vivait. Sentir qu’on peut mourir, c’est une façon de sentir qu’on vit…Même si a course, heureusement, est plus sûre maintenant, je crois qu’à l’époque il y avait quelque chose en plus, j’en ai parlé avec d’anciens pilotes qui étaient assez d’accord avec moi...”A cette époque-là justement, ce sont les jambes qui constituaient le premier rempart en cas de choc frontal…« J’ai eu un accident lors des 24 Heures de Daytona avec l’Inaltera en 1977. J’ai été percutée, je suis partie dans l’herbe et j’ai perdu conscience quelques instants. Quand j’ai repris conscience, j’ai regardé mes bras, mes jambes, apparemment il n’y avait rien, je pouvais tout bouger, c’était un vrai miracle. C’était exactement comme dans le film ‘Les choses de la vie’, quand je tournais, je me disais « cette fois, c’est fini, salut les copains ». Je n’avais aucune appréhension, je ne me suis pas dit « , je vais être blessée, je finirai en chaise roulante », non je me suis dit que j’allais mourir, c’était dans la logique des choses…C’était sur le banking, à plus de 300 km/h. J’étais derrière une Porsche qui m’avait bloquée dans l’infield, je n’ai pas voulu prendre de risques et j’ai attendu car je pensais pouvoir la passer facilement sur le banking. Quand j’ai voulu le faire, la Porsche s’est décalée et j’ai été envoyée dans le mur, j’ai pensé « quel c.. ! » et ça a été l’accident. Quand je suis rentrée au stand, Jean-Pierre Beltoise, qui pilotait l’autre Inaltera, m’a demandé où j’avais été accidentée et comment ça s’était passé. Je lui ai expliqué, et il est parti avec sa femme et je l’ai entendu dire « Tu vois, ça peut être dangereux ! » Entendre Jean-Pierre Beltoise dire ça, c’était extraordinaire. Après la course, j’ai exprimé ma colère contre le pilote américain de la Porsche au micro du speaker, en disant qu’on ne devrait pas accepter des pilotes comme celui-là, qui ne regardaient pas dans leurs rétroviseurs, et des choses un peu moins gentilles… J’ai dit au micro que maintenant je pouvais faire du stock-car, en pensant aux courses de stock-car en France qui n’avaient bien sûr rien à voir avec les courses de stock cars du NASCAR. C’est peut-être suite à cette confusion que j’ai pu courir en NASCAR ! Le pilote de la Porsche est ensuite venu me trouver, en se présentant, alors que j’avais envie de lui sauter à la gorge ! En fait il avait eu une crevaison juste au moment où j’allais le dépasser et c’est comme ça qu’il m’a poussée!! Des anecdotes comme celles-ci, j’en ai énormément, et j’en raconte beaucoup dans mon livre. »Michèle Mouton, Vice-Championne du Monde des Rallyes, estimait qu’une femme aurait des difficultés à être Championne du Monde de Formule 1, les femmes, selon elles, ayant un instinct de conservation plus développé qui les empêchait d’aller chercher la toute dernière limite. Est-ce votre avis ?« Je ne suis pas d’accord du tout ! J’avais lu effectivement ce commentaire à l’époque où je roulais avec les Williams F1. J’étais à Magny-Cours, nous venions d’adopter des enfants. Mon mari m’avait dit que maintenant que j’étais maman, j’irais plus doucement… Dans le premier gauche après les stands, qui passe à fond mais tout juste avec une Formule 1, j’ai pensé à mes enfants, j’ai mis le pied à fond et je leur ai dit en pensée « mes enfants, si vous saviez comme maman prend son pied ! » Donc pour moi, ça n’a rien changé à ma façon de conduire. Quand on est au volant, on ne pense plus à rien d’autre que son pilotage. A Magny-Cours, dans ce premier virage, c’était un peu spécial, mais dans le virage suivant, c’était déjà oublié.” Que pouvez-vous dire de Jean Rondeau ?« J’ai beaucoup d’admiration pour lui, c’était un bon pilote, pas un champion du monde, mais moi non plus. En tant qu’ingénieur, il était extraordinaire car très visionnaire. Il a créé une voiture qui a évolué jusqu’à devenir pratiquement par la suite la meilleure voitures d’endurance. Il l’a très bien conduite et conduire une voiture en endurance ce n’est pas simple. C’est le seul pilote qui a gagné Le Mans avec une voiture qu’il a construite et en plus en battant Porsche. J’ai une grande admiration. Je suis vraiment horrifiée de la manière dont il est mort, c’est épouvantable. Beaucoup de pilotes d’ailleurs ont eu une mort de ce style : Graham Hill en avion, Bob Wollek en vélo ! Ce sont des morts ridicules, mais c’est la vie qui est ridicule. J’aime bien croire au destin, comme ça quand on prend des risques, on se dit que de toutes façons ça sera mon heure…L’accident de mon fiancé Roger Dubos à Spa-Francorchamps, c’est complètement dingue, son coéquipier m’ adit que c’était dans son dernier tour avant de rentrer au stand et de se faire relayer. Bien sûr, la course c’est dangereux, mais c’est quand même formidable de vivre sa passion jusqu’au bout, même si c’était trop jeune pour mourir. François Cevert disait qu’il préférait mourir jeune en courant que de vivre jusqu’à 80 ans avec des regrets. Beaucoup de gens e disent qu’ils auraient voulu faire de la Formule 1, avec toujours des excuses plus ou moins bonnes, en fait je crois qu’ils n’avaient pas assez envie de le faire. »Vous verra-t-on cette année au Mans Classic (2016) ?« Oui, j’y serai en spectatrice, et pour célébrer les 40 ans de la première participation de Inaltera aux 24 Heures et retrouver ceux qui ont participé à cette aventure exceptionnelle. L’Inaltera n°2, « ma » voiture, qui est au Musée des 24 Heures, va être remise en état par un ancien mécanicien de l’équipe pour faire un tour d’honneur, mais participer à une course, non.” Même si je crois au destin, je crois qu’il ne faut quand même pas trop tirer dessus. Quand on voit le nombre de pilotes qui se sont tués à notre époque, ce serait dommage d’allonger la liste. Il y a un temps pour chaque chose. J’ai la chance énorme d’être là pour raconter mes souvenirs…“Nous avons eu également la grande chance de profiter de ces souvenirs, venant d’une pilote dont la passion pour le sport automobile est toujours vivace, une pilote qui était reconnue par ses pairs comme en témoigne cet autographe de Juan Manuel Fangio, quintuple Champion du Monde de Formule 1.

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