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Klaus Ludwig : "A mon époque, nous devions être bons et intelligents"

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9 juin. 2019 • 16:01
par
David Bristol
Lorsque nous avons rencontré Klaus Ludwig, triple vainqueur des 24 Heures du Mans, il était tout sourire dans les allées de Le Mans Classic, début juillet. Le pilote allemand, désormais âgé de 68 ans, était visiblement ravi d’être de retour au Mans pour un anniversaire et pour rouler dans des bonnes conditions de sécurité comme il l’explique. « J’adore venir ici au Mans Classic, en plus, je fête les 20 ans de ma première participation. Autrefois, j’ai dit que je détestais Le Mans car c’était trop dangereux. Maintenant avec les chicanes, c’est beaucoup mieux ». Le ton est donné et nous en profitons pour brosser l’album des souvenirs avec lui.Comme il l’a précisé, il est « venu aux 24 Heures du Mans pour la première fois en 1978 avec une Porsche 935/77 de Weisberg Gelo Team (avec Toine Hezemans et John Fitzpatrick) et je me rappelle que je n’avais pas beaucoup roulé. En effet, l’auto a vite abandonné et je n’ai pas pris le volant en course (abandon 2e heure, moteur). » Ce n’est que partie remise car dès l’année suivante, il va beaucoup plus rouler avec une victoire à la clé. « Je suis revenu l’année suivante et j’ai gagné avec une Porsche 935 K3 de Porsche Kremer Racing (avec les frères Whittington). Ce fut vraiment une édition fantastique, difficile et disputée sous une forte pluie pendant une grosse partie de la course. C’était fou, c’est une victoire chanceuse car nous avons eu des soucis sur la voiture que nous avons été obligés de réparer.»
Après un passage chez Ford Zakspeed au volant des Ford C100 en 1982, Klaus Ludwig va alors entamer une longue période avec une équipe qui lui portera chance, Joest Racing. Il s’aligne d’abord en 1983 sur une Porsche 956 avec Stefan Johansson et le regretté Bob Wollek avant de revenir l’année suivante. « En 1984, je faisais équipe avec Henri Pescarolo sur la Porsche 956 de l’équipe New-Man Joest Racing. Porsche n’avait pas fait le déplacement officiellement. La course a mal démarré car nous avons été obligé de passer par les stands à deux reprises pour un souci d’alimentation en essence. Ensuite, tout s’est bien passé et nous gagnons. Ce fut spécial avec Henri, il avait déjà gagné trois fois le Mans et avait déjà plus de 40 ans. » L’Allemand réédite son exploit un an plus tard. « Ce fut une belle victoire en 1985 avec Paolo Barilla, un pilote que j’appréciais vraiment, et John Winter (Porsche 956B de New-Man Joest Racing) face à l’équipe Porsche officielle. »
La chance va ensuite tourner avec deux années noires pour lui. « 1986 fut une année plus difficile avec la Porsche 956 de Joest Racing (même équipage qu’en 1985) car nous avons été en tête. Nous dominions littéralement la course, nous étions chaussés de pneus Goodyear qui nous donnaient un avantage sur les autres qui avaient des Dunlop. Nous étions mieux que les voitures usines. Malheureusement, il y a eu des périodes de safety car et, à la relance, notre moteur a cassé car il était trop froid. Je me souviens aussi que c’est l’année de l’accident mortel de Jo Gartner, ça m’avait vraiment affecté. J’avais juré que j’arrêterais là, que je ne reviendrais plus. »Cependant, deux années plus tard, Klaus Ludwig est de nouveau au départ des 24 Heures du Mans avec toutes les chances d'une 4e victoire. « Nous avons été malchanceux en 1988 avec la Porsche 962C usine que je partageais avec Hans Joachim Stuck et Derek Bell. La voiture était fantastique. Nous étions en lutte avec les Jaguar officielles lorsque j’ai eu un souci avec le réservoir de réserve qui n’a pas fonctionné. J’ai dû rentrer au stand au ralenti. Nous avons repris la tête pendant la nuit lorsqu’une pompe à eau a cassé. Ce fut une 2e place « malchanceuse ».
Comme il l’a dit, il ne remettra plus les pieds en Sarthe. Cependant, dix ans plus tard, il change d’avis pour une raison bien particulière. « J’ai néanmoins décidé de revenir avec l’équipe officielle Mercedes en 1998 (CLK LM #35 avec Bernd Schneider et Mark Webber) car la ligne droite des Hunaudières était désormais coupée par deux chicanes, c’était plus sûr. Cependant, ce ne fut pas facile pour moi de revenir. J’ai piloté pas mal de voitures au Mans, mais la meilleure a été cette Mercedes. »Curieusement lorsqu’on lui demande quelle victoire entre 1979, 1984 et 1985 l’a plus marqué, il répond ainsi : « 1986 car nous étions alors en tête et je n’ai pas gagné. Nous aurions dû l'emporter cette année-là car nous avions économisé de l’essence et nous aurions pu aller plus vite dans la deuxième partie de la course, mais le moteur a cassé. Ce fut vraiment dur, nous étions vraiment bien préparés !»
Sur ses participations, presque 50% l’ont été avec Joest Racing, une écurie qu’il a beaucoup appréciée. « Ce fut des supers années même si nous avons eu de la chance de gagner. C’était une équipe fantastique comme ils ont de nouveau pu le démonter quelques années plus tard avec la Porsche TWR et, surtout, avec toute la période Audi des années 2000. »Lorsqu’on lui parle de l’endurance moderne, il garde un œil avisé sur cette discipline mais n’en pas pour le moins critique. « A mon époque, le règlement tournait autour de la consommation d’essence. Nous avions une certaine quantité de carburant et il fallait tenir 24 heures avec ce qui nous était alloué, c'était une bonne chose. Maintenant, on a affaire à la BOP, aux restrictions de puissance et plus ou moins de poids dans les autos. A mon époque, nous devions être bons et intelligents, maintenant c’est régi par l’électronique. A mon avis, les voitures actuelles vont trop vite dans les virages. J’ai regardé les 24 Heures du Mans 2018, mais j’ai été attristé du cavalier seul de Toyota. Ils ont gagné, ils ont fait du super travail, la voiture était vraiment bien et les pilotes n’ont pas fait d’erreur. Cependant, j’aimerais voir des GT3 au Mans et même n'avoir que des GT au départ car je ne suis pas fan des LMP1 et LMP2. Elles vont trop vite et la différence entre elles et les GT est trop grande. N’avoir que des GT3 ici permettait de n’avoir qu’une seule catégorie et une bagarre du premier au dernier tour. » Klaus Ludwig connaît bien la catégorie GT3 pour avoir disputé le Championnat d'Europe FIA GT3 2007 sur une Corvette Z06/Martini Callaway Racing en compagnie de Uli Berberich-Martini (photo).
Klaus Ludwig est l’une des figures des années 80 des 24 Heures du Mans. Il est toujours aussi populaire comme on a pu le voir au Mans Classic avec des spectateurs lui faisant signer des photos d'époque et des livres. Pour conclure, le champion FIA GT 1998 et triple champion DTM dresse un bilan qui parle de lui-même. « Au total, je suis venu aux 24 Heures du Mans à neuf reprises et je les ai remportées à trois reprises. Ce n’est pas mal, non ?! (sourires). » 

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