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Ralf Kelleners : "L'Endurance est maintenant régie par les lois du marketing"

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30 aoû. 2018 • 14:00
par
David Bristol
Ralf Kelleners a participé aux 24 Heures du Mans à neuf reprises entre 1996 et 2008. Il a roulé pour des équipes "usine" telles que Porsche ou Toyota. Il a remporté sa catégorie GT2 dès la première année. Il est également issu d'une famille de pilote car son père Helmut (Kelleners) a remporté les 24 Heures du Nürburgring et les 24 Heures de Spa à deux reprises (en 1968 et 1970). Nous avons ouvert l'album des souvenirs avec lui lors du Mans Classic début juillet !Vous avez couru pour la première fois aux 24 Heures du Mans en 1996. De quoi vous rappelez vous ?« Ce fut une course difficile. A l’époque, je roulais pour une équipe privée (Roock Racing Team avec Guy Martinolle et Bruno Eichmann) avec un de mes coéquipiers du BPR. Nous n’étions pas très expérimenté, je pensais même que nous ne ferions pas beaucoup de relais. De plus, un de mes coéquipiers est tombé malade quand il est arrivé au Mans. Je crois que j’ai roulé 13 heures 30 sur l’ensemble des 24 Heures et je me souviens avoir perdu beaucoup de poids ! Rapidement, nous avons mené et avons remporté l’épreuve, ce fut un sentiment très particulier. Remporter cette course a été un peu comme la cerise sur le gâteau, j’étais déjà tellement content de participer aux 24 Heures du Mans pour la première fois alors les remporter ! Ça m’a donné beaucoup de confiance, ce fut une belle et grande aventure ! »L’année suivante, vous roulez toujours pour Porsche mais cette fois-ci pour l’usine (sur une Porsche 911 GT1). Que gardez vous en tête ?« C’est une année importante car je suis vraiment devenu professionnel. C’était une première en tant qu’officiel. J’étais avec de grands pilotes (il était associé à Yannick Dalmas et Manu Collard, ndlr). Malheureusement nous n’avons pas eu de chance lors de la course, mais nous aurions dû gagner cette année là. Ce que j’en retire, même 20 ans plus tard, c’est qu’à cette époque là, j’ai été capable de courir à ce niveau, que je ne faisais pas d’erreur et que j’étais rapide. Ça m’a tout simplement ouvert les portes pour la saison suivante ! »
Justement, l’année suivante, début d’une belle aventure de deux saisons avec Toyota (GT-One avec Thierry Boutsen et Manu Collard). Vous avez d’ailleurs failli gagner cette course !« Ce fut un sentiment assez identique par rapport à l’année précédente. Nous avons mené pendant un bon moment, notre auto était vraiment supérieure aux autres. Malheureusement, à 1 h 25 de l’arrivée, nous avons dû abandonner et je dois dire que j’étais vraiment très triste. La première fois que je suis passé à coté de la victoire en 1997, je m’étais dit "ok, c’était peut être un peu trop tôt" mais la seconde… Je savais que peu d’opportunités comme celle là se présenteraient et que je devais les saisir. Cependant, ce ne fut pas possible ! »
Est-ce la plus grosse déception de votre carrière ?« Oui, mais comme je l’ai dit, c’est une déception qui s’accompagne de la satisfaction d’avoir mené la course et d’être rentré au stand sous les félicitations de vos coéquipiers, de vos ingénieurs, des membres de l’équipe. J'avais gagné leur respect ! »En 2001, vous êtes engagé par Champion Racing pour faire les 24 Heures du Mans sur une Audi R8 avec Johnny Herbert et Didier Theys…« Je me rappelle surtout que cette année il avait beaucoup plu. Au début, nous étions vraiment dans le coup, mais jamais au même niveau que les Audi officielles. De mémoire, nous étions deux secondes moins vite que les voitures usine lors des qualifications ! En piste, avec cette pluie, c’était le chaos et nous avons rapidement abandonné (transmission après 81 tours). »
Votre dernière participation a eu lieu en 2008, cette fois ci en GT2, sur une Spyker C8 Laviolette (avec Peter Dumbreck et Alexei Vasiliev). Une bonne expérience ?« J’ai roulé pendant 10 ans aux USA pour pas mal d’équipes, en particulier en GT. Cette année là, pour la première fois, j’ai aussi disputé les Le Mans Series avec Spyker et l’un des moments clés de ce programme était Le Mans. Je n’étais pas revenu en Sarthe depuis 2004 (Porsche 911 GT3 de Freisinger Motorsport avec Stéphane Ortelli et Romain Dumas, 3e en LMGT, ndlr). J’ai dû repasser par une sorte de Rookie Test lors de la Journée Test (les 10 tours obligatoires). C’était très excitant pour moi de revenir. Malheureusement, la course s’est terminée après quatre heures seulement (casse moteur). C’est ainsi que ma carrière au Mans s’est achevée. »
Suivez-vous toujours l’endurance et les 24 Heures du Mans ?« Je dois avouer que je ne suis pas cela dans les détails. De toute façon, même lorsque j’étais en activité, je regardais cela de loin. Quand j’étais plus jeune, je m’intéressais juste à tout ce qui avait des roues. Je ne regardais pas les courses à la télévision et je ne lisais de magasine. J’étais juste concentré sur ma voiture, mon équipe et la série dans laquelle j'évoluais. Je n’ai jamais été très intéressé par des voitures qui tournent sur un circuit. Cependant, j'avoue que, dernièrement, j’ai suivi cela d'un peu plus prés car je commente les 24 Heures du Mans pour Eurosport. »
Quel est votre regard sur l'endurance d'aujourd'hui ? « Je regarde surtout les GT car j’ai plus roulé dans ma carrière dans cette catégorie. Une chose me rend triste. Lorsque j’évoluais en GT2, par exemple, si vous aviez une bonne auto, si le constructeur vous en avait mise une à disposition, vous pouviez alors gagner. Si l’auto n’était pas bonne, vous n’aviez alors aucune chance. Maintenant, avec la Balance de Performance (BOP), vous vous retrouvez avec une Aston Martin vieille de plus de cinq ans qui se bat avec des GT bien plus modernes et elle est en mesure de gagner. Pour moi, ce n’est pas naturel. Je sais que maintenant, c’est régi par les lois du marketing et qu’il y a pas mal de voiture sur la grille, mais, pour moi, la performance de l’équipe, des ingénieurs n’est plus mise en avant. »Vous avez participé au Mans Classic. Comment avez-vous vécu cet événement ?« Je suis content de faire du Group C (il était sur la Jaguar XJR11 n°9 de 1989) car cela me permet de pouvoir de nouveau rouler sur ce tracé. C’est un vrai honneur pour moi. J’ai pourtant couru sur beaucoup de circuits, mais Le Mans est mon préféré ! Le Mans Classic est un vrai événement. Ce qui a été créé est juste fantastique car c’est compliqué d’organiser quelque chose comme ça et d’avoir toutes ces voitures anciennes en même temps. Cependant, il y a beaucoup de différences en piste entre les pilotes et parfois je trouve cela dangereux. Il y a des professionnels, qui font cela ou qui ont fait ça toute leur vie, mélangés à des gens qui ne roulent qu’une fois dans l’année. C’est un peu risqué mais j’adore venir ici, c’est fantastique ! »
Ralf Kelleners était aussi engagé dans le plateau 5 au volant d'une De Tomaso Pantera Group IV de 1971. Malheureusement, il n'a pas pu aller au bout de son Le Mans Classic comme l'attestent les photos prises par notre photographe, Bruno Vandevelde...

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