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Jürgen Barth : "Le Classic va vivre de beaux jours, le moderne, je n’en suis pas sûr !"

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Club des Pilotes des 24H du Mans
2 oct. 2018 • 9:00
par
David Bristol
En 1977, Jürgen Barth, accompagné par Jacky Ickx et Hurley Haywood, a signé une victoire en revenant des profondeurs du classement. Depuis, le pilote allemand a raccroché le casque et est devenu responsable client Porsche dans les années 80/90. Cela ne l’empêche pas de disputer régulièrement des courses historiques comme Le Mans Classic où on le voit quasiment à chaque fois…Vous avez participé aux 24 Heures du Mans pour la première fois en 1971 avec une Porsche 911. De quoi vous rappelez vous ?« Je suis véritablement venu en 1969 au sein du service client. Je me rappelle être venu avec une chemise blanche et, après quelques heures de course, elle était devenue noire. J’avais dû souder un échappement de la Porsche 917 de Vic Elford et Richard Attwood, ainsi que d’autres choses pour aider les clients. Ma première vraie participation a eu lieu en 1971, effectivement, sur une Porsche 911 avec René Mazzia, un entrepreneur manceau. A l’époque, je ne parlais pas bien Français (maintenant, son Français est vraiment très bon, ndlr) et j’ai alors appris mes premiers mots : marteau, tournevis et…merde (rires). Un peu avant, j’avais déjà eu une certaine expérience avec la langue française. Toujours la même année, j'ai disputé le rallye Monte Carlo. Il a fallu que je trouve un hôtel en France. J’arrive à Grenoble et je vois alors Hôtel de Ville. J'ai sonné mais pas de chambre, c’était fermé (rires). Cette année-là au Mans, j’ai piloté la 911 pour aller aux vérifications techniques. J’ai alors remarqué que le moteur faisait un bruit bizarre. Après le Pesage, j’ai « descendu » puis démonté le moteur. J’ai alors constaté qu’un piston touchait la culasse. J’ai fait un peu de bricolage car j’avais peu d’outils. J’ai alors remonté la voiture, j’étais dans un garage du Mans, plein de poussière, mais ça a fonctionné. Une autre anecdote : mon coéquipier connaissait bien le commissaire technique et de stand. Il n’aimait pas rouler de nuit, alors pendant la course, nous avons échangé nos casques (rire). En échange, il lui donnait beaucoup à boire (rire). En tout cas, ce fut une superbe expérience, j’étais jeune. En fin de course, nous étions en bagarre avec Raymond Touroul et avons fini 2e de notre catégorie. »Le point d’orgue de votre carrière aux 24 Heures du Mans reste votre victoire en 1977 sur la Porsche 936, une course qui a été difficile…« Effectivement, ce fut compliqué, nous étions en bagarre avec les Renault et avons roulé sur cinq cylindres en fin d’épreuve. J’ai fait deux tours comme cela. Pas mal de personnes m’ont dit que j’avais fait une erreur de faire deux boucles dans ces conditions, mais pas du tout. Dans le règlement il était écrit que nous devions faire un tour à la moyenne de 50% de la qualification. Cependant, ce tour commence après avoir franchi la ligne d'arrivée qui se trouvait avant les stands. Il fallait donc que je sorte des stands pour faire un premier tour puis un tour complet, donc deux boucles ! C’était un détail très important du règlement qu’il fallait connaître. Nous avions perdu l’autre Porsche officielle de Pescarolo assez tôt dans la course. C’est alors que nous avons récupéré Jacky Ickx sur notre auto. Puis ce fut au tour de la 935 usine de se retirer, il ne restait alors plus que notre voiture. Nous avons roulé comme des fous toute la nuit et nous n’avions plus de rétroviseur au niveau de l’aile avant. Là aussi, le règlement était bien précis : il fallait les deux ! Les ingénieurs ont donc remis un rétro mais on ne voyait rien dedans (rires). »
Vous avez disputé les 24 Heures du Mans en 1982 (3e) sur une Porsche 956 officielle et vous avez ensuite attendu de nombreuses années avant de revenir. Pourquoi ?« J’étais trop occupé avec mon travail au sein du service client au moment des Groupe C. Je m’occupais de ça, mais je gérais aussi de l’organisation des courses de Groupe C autour du monde. Cela ne me laissait pas beaucoup de temps de piloter sauf sur quelques courses lorsqu’il manquait un pilote. Ça m’est arrivé, entre autres, à Brno, avec Franz Konrad, sur une Porsche 962 C de Joest Racing et au Canada sur la voiture « Kenwood » de Kremer Racing qui a d'ailleurs roulé au Mans Classic. »
1977 reste-elle la plus belle victoire de votre carrière ?« Bien sûr, c’est l’une des plus belles, à égalité avec une autre, celle des 1000 km du Nürburgring en 1980, sur la Norschleife, sur une Porsche 908/3 Turbo de Joest Racing avec Rolf Stommelen. Ma deuxième place de catégorie (12e au général) à la Targa Florio et ma 9e place au Rallye Monte Carlo, alors que j’étais dans une équipe privée face à 20 voitures usine, restent de très bons souvenirs. »Vous venez régulièrement au Mans Classic. C’est vraiment un événement que vous appréciez ?« Je trouve Le Mans Classic fantastique. Je n’arrive pas à venir à chaque édition car j’ai encore des obligations car je suis directeur de course de série LMP3 en Chine. Je suis donc souvent en Asie. Je n’ai pas pu venir en 2016, mais je trouve cette édition 2018 fabuleuse. Il y a tellement de monde, de superbes voitures, je n’avais vu ça dans ces proportions avant. C’est un joli succès de Patrick (Peter) et de l’ACO. »Avez-vous assisté ou vu les 24 Heures du Mans 2018. Quel est votre avis sur la course ?« Oui, j’en ai vu un peu à la télé car j’étais ce week-end là au Red Bull Ring, en Autriche, pour une course de Porsche Cup Allemagne car je suis là aussi directeur de course. Je trouve qu’en ce moment, nous en sommes au même stade que lors de la fin des Groupe C. Nous roulions alors avec sept constructeurs et on nous a fait un nouveau règlement qui ne correspondait pas du tout. J'ai aimé, au temps des Groupe C, celui qui prenait en compte la consommation et je trouve que ça manque de nos jours. Il faut créer un règlement, non pas pour les constructeurs, mais qui convient à tout le monde. Cela ne les empêchent pas de venir par la suite. C’est un peu ce qui s’est passé avec Patrick Peter et Stéphane Ratel au temps du BPR. Nous n’écoutions pas les constructeurs, c’était nous qui faisions le règlement. En Groupe C, c’était pareil. A l’époque, j’étais président de la commission sport et je me suis beaucoup bagarré avec Jean-Marie Balestre (le président de la FIA de l’époque) et Alain Bertaut (commissaire sportif et Vice-Président de l’ACO) car ils disaient que limiter la consommation n’était pas la solution. C’était pourtant quelque chose mis en œuvre pour attirer les constructeurs et tester leurs innovations au Mans. Pour moi, l’endurance doit repasser par là. Je pense que le classique va vivre de beaux jours, le moderne je n’en suis pas sûr ! »

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