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Jean Mercier, 81 ans, la passion n'a pas d'âge

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24 oct. 2018 • 10:00
par
Claude Foubert
Le sport automobile a toujours été riche en belles histoires et celle de Jean Mercier en est un très bon exemple.Jean Mercier court régulièrement dans le circuit de l'Historic Tour. C'est un concurrent très atypique. Atypique, tout d'abord parce qu'il court dans le Trophée Formule Ford Historic avec...une Formule France, à moteur Renault bien sûr !!! Doublement atypique, puisque le pilote est âgé de 81 ans et qu'il a commencé à courir très tardivement. Il se déplace sur les circuits avec son camion atelier qui lui fait aussi office de motor-home, un motor-home très à l'ancienne.

Nous l'avons rencontré le week-end dernier à Magny-Cours lors de la Finale de l'Historic Tour, et il a gentiment accepté de répondre à quelques questions.

Monsieur Mercier, à quand remonte votre amour du sport automobile ?« Cela fait longtemps maintenant, cela remonte à 1949. Mon oncle m'avait emmené voir les 24 Heures du Mans, les premières qui étaient organisées après la Seconde Guerre Mondiale et qui ont été gagnées par Luigi Chinetti et Lord Selsdon, sur Ferrari. Je me rappelle, le Président de la République, Vincent Auriol, était le Président d'Honneur de ces 24 Heures. Je ne connaissais rien à la course automobile, Ferrari ou Aston Martin, ça ne me disait rien du tout, mais ça a été tout de suite le coup de foudre pour le sport auto. Depuis 1949, j'ai ben dû assister à une cinquantaine de 24 Heures du Mans... »Quand avez-vous commencé à courir ?« Très, très tard... J'ai fait quand j'étais jeune quelques petits rallyes régionaux avec une Dauphine, mais ça ne compte pas vraiment... J'avais un garage à Saint-Ouen-des-Toits, dans la Mayenne, près de Laval -d'où le #53 de la monoplace- et je faisais de la mécanique générale, je m'occupais aussi bien des voitures que du matériel agricole, car les exploitations agricoles étaient beaucoup plus nombreuses que maintenant et donnaient beaucoup de travail. Donc, je ne pouvais pas dire à un agriculteur qui voulait faire réparer son tracteur « écoute, je pars pendant quatre jours faire une course automobile, je m'occuperai de ton tracteur la semaine prochaine !!J'ai donc attendu la retraite pour penser à la course. En 1998, j'ai acheté ma Formule France, une Grac MT6, une monoplace de 1968. J'avais acheté une Grac puisque les Grac avaient remporté 14 des 17 courses en 1968. C'est « Jean Max » qui avait été champion devant Robert Mieusset et Denis Dayan. C'étaient des pilotes que j'aimais bien. « Jean Max » a fait une course de F1, le GP de France, Denis Dayan s'est tué à Rouen -comme Jo Schlesser, j'étais à Rouen l'année où malheureusement Schlesser s'est tué- .

J'avais acheté la Grac pratiquement à l'état d'épave. Il a fallu pratiquement la reconstruire. J'ai fabriqué les porte-moyeux, le pédalier. J'ai refait complètement les freins, l'embrayage. Heureusement, le moteur était presque intact. En fait, j'avais acheté deux voitures, et la deuxième est pour mon petit-cousin Karl Jollivet, qui fait du karting.

J'ai mis quatre ans, en prenant mon temps, pour mettre la Grac en état et j'ai fait ma première course à Montlhéry en 2002, et depuis, je continue, ça fait 17 ans maintenant. 

Dans l'Historic Tour, j'ai commencé par courir dans le Trophée F3 Classic. Ma Formule France avait été acceptée, car ça faisait un engagé supplémentaire. Au bout de quelques années, ça n'allait pas. Ma Grac était évidemment bien trop lente par rapport aux F3. Le Trophée Formule Ford Historic, qui accepte des invités, a bien voulu m'accueillir et je les en remercie. »

Que pensez-vous de l'Historic Tour ?

« C'est très agréable, l'ambiance est très sympathique, les gens sont gentils, les circuits sont très beaux et je suis bien intégré. »

Quels étaient vos pilotes préférés ?

« Je crois que celui que préfère, c'est Ayrton Senna. Je l'ai vu à Spa durant un Grand Prix de Belgique. Il avait une façon de passer dans les virages que lui seul possédait. C'était un extraterrestre ! Evidemment, il y en a eu d'autres. J'ai eu la chance quand j'étais jeune de voir courir trois fois au Mans Juan Manuel Fangio, en 1950, en 1951 et en 1955, la triste année au Mans où il était en tête sur une Mercedes avec Stirling Moss que j'ai vu courir également souvent. Il y en a plein d'autres, j'aimais bien Jean Behra, Dan Gurney, Jack Brabham. Jean-Pierre Beltoise aussi, qui s'était fait bloquer un bras pour pouvoir continuer à piloter, et qui a quand même gagné un Grand Prix de Formule 1. Il n'y en pas tellement de pilotes français à avoir gagné en Formule 1... »

Quelles sont vos éditions des 24 Heures préférées?« Peut-être celle de 1961, gagnée par Olivier Gendebien et Phil Hill. Il y avait les frères Rodriguez, Pedro et Ricardo, qui pilotaient une Ferrari du North American Racing Team. C'étaient de véritables gamins, ils avaient à peine une vingtaine d'années. J'avais la chance d'être au-dessus de leur stand, c'était fantastique. La foule les adorait, ils étaient très gentils. Ils ont longtemps été en tête de la course avec leur Ferrari, je crois même qu'ils ont fait le meilleur tour en course, mais le moteur a cassé. J'ai bien aimé aussi celle de 1965, avec Masten Gregory et Jochen Rindt, vainqueurs avec une Ferrari du NART et celle de 1967, avec les Chaparral, des voitures extraordinaires...Maintenant, il y a moins de concurrence pour la victoire.A propos du Mans, on a beaucoup parlé des Audi diesel, mais on oublie facilement qu'une voiture française, une Delettrez diesel, pilotée par les frères Delettrez, a disputé trois fois les 24 Heures du Mans, bien avant les Audi, en 1949, 1950 et 1951. »Ce n'est pas trop frustrant de se faire dépasser sans arrêt, de ne jamais pouvoir recevoir de récompenses ?« On s'y fait. Le moteur Renault Gordini d'origine, un 1255 cm3, fait 85 chevaux, et évidemment c'est le moins puissant du plateau, même si la Grac peut atteindre en pointe 180 kmh. En plus, la boîte de vitesses Renault, une boîte d'origine, je ne peux pas l'ouvrir et donc je roule avec les mêmes rapports de boîte quels que soient les circuits, alors que les pilotes des Formule Ford adaptent leurs rapports en fonction des différents circuits.

Ce que je préfère, ce sont les quatre, cinq premiers tours. A ce moment-là, j'ai la piste pour moi tout seul et j'en profite un maximum. Après, c'est différent, il faut que je surveille mes rétroviseurs. Il y a quelques années, il y a eu des jeunes pilotes féminines débutantes et je pouvais me battre un peu avec elles. C'était sympa. Ce qui est dommage, c'est qu'il y a d'autres propriétaires de Formule France, mais ils ne les font pas courir.

Pour les prix, il y a quelques années, on allait courir aussi en Allemagne, à Hockenheim, au Nürburgring. J'ai terminé une fois deuxième à Hockenheim et j'avais eu droit à une Coupe, et c'était une grande Coupe. On a été aussi une fois à Porto, on y était allé avec mon camion en deux jours et on avait été très bien accueillis. »

En dehors de l'Historic Tour, faites-vous d'autres courses ?« Non, parce que ça coûte cher, quand même, avec les droits d'engagement. En plus, il n' a rien à gagner, on nous dote quand même de quelques bidons d'huile... Mais, ce qui compte, c'est le plaisir !"

On vous reverra sur les circuits l'année prochaine ?

« Bien sûr, le calendrier fait deux courses de moins que cette année, cinq au lieu de sept, et je serai là. »

 

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