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Yojiro Terada (partie 1) : "La victoire de Mazda en 1991 a été l'aboutissement d'un rêve !"

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Club des Pilotes des 24H du Mans
29 jan. 2019 • 14:01
par
Claude Foubert
Endurance-Classic et Endurance-Info sont très honorés aujourd'hui. Notre page du Club des Pilotes des 24 Heures du Mans est aujourd'hui consacrée à l'un des pilotes les plus emblématiques des 24 Heures, Yojiro Terada (entre William Binnie et Patrice Roussel, en 2005, sur la photo de une). Le Japonais émarge au troisième rang au nombre de participations au Mans, avec 29 éditions. Il est seulement devancé par le recordman Henri Pescarolo (33 participations) et par le regretté Bob Wollek. Il est de ce fait le pilote étranger ayant disputé le plus de fois les 24 Heures au Mans. Il a remporté quatre victoires de catégorie au Mans.

1983 : catégorie C Junior - Mazda 717C (Yoshimi Katayama/Takashi Yorino) - ci-dessus

1988 : catégorie GTP - Mazda 757 (Pierre Dieudonné/David Kennedy)

1990 : catégorie GTP - Mazda 767B (Yoshimi Katayama/Takashi Yorino)

1996 : catégorie LMP2 - Kudzu DLM-Mazda (Jim Downing/Frank Fréon) - ci-dessous

Il compte également deux victoires de catégorie aux 24 Heures de Daytona.

Sa première course au Mans a eu lieu en 1974, avec une Sigma MC74-Mazda (ci-dessus), et sa dernière en 2008 avec une Courage LC70-Mugen. Entre les deux, il a signé une série incroyable de 28 participations successives (record absolu) au volant de nombreuses Mazda, d'une Lotus Esprit, de plusieurs Kudzu-Mazda, de deux Courage (ci-dessous lors de sa dernière course au Mans), d'une Riley & Scott, de six WR , d'une Lola-Zytek et d'une Dome !

Il aurait pu compter lui aussi 30 participations, mais en 1979 sa Mazda RX-7 a raté sa qualification pour sept petits dixièmes de seconde.Nous avons rencontré Yojiro Terada au Mans et il a accepté gentiment d'évoquer avec nous sa carrière et, plus particulièrement, ses courses mancelles.Terada-san, comment êtes-vous venu au sport automobile et comment avez-vous commencé à courir ?« J'ai eu ma première expérience du sport automobile quand ma mère m'a emmené sur le circuit de Suzuka pour assister au deuxième Grand Prix du Japon. (remporté par une Brabham BT9 Formule Junior, NDLR) Quand j'étais jeune, j'aimais tout ce qui était en mouvement, particulièrement les voitures, et cette première expérience m'a amené à rêver d'être pilote de course. A cette époque, Honda commençait à s'engager en F1. Quand j'ai vu les courses à la TV , j'ai rêvé très fort de brandir moi-même le drapeau du soleil levant partout dans le monde en tant que pilote. J'ai rejoint l'équipe Honda à l'âge de 18 ans et j'ai débuté ma carrière avec une Honda S600. »Dans les années 60 et 70, quels étaient les championnats les plus populaires au Japon ?« Dans les années 60 et au début des années 70, les courses de Tourisme avec des Mazda, Nissan et Toyota, étaient très populaires. Le championnat le plus prisé était cependant le « Fuji Grand Championship Series ».En 1974, vous avez fait partie du premier équipage totalement japonais à courir aux 24 Heures du Mans. Pouvez-vous nous dire pourquoi aucun pilote japonais n'était venu dans la Sarthe auparavant ?« En fait, si nous étions le premier équipage entièrement japonais, avec une voiture japonaise en plus, nous n'étions pas les premiers japonais à courir au Mans. Tetsu Izakawa et Hiroshi Fushida (devenu plus tard le patron de Dome, ndlr) étaient venus l'année d'avant, en 1973. A l'époque, les 24 Heures du Mans n'étaient pas du tout connues des Japonais, et aucun ne venait en France voir la course, c'est ce qui explique que les pilotes ne venaient pas non plus.

Après avoir rejoint Mazda Auto Tokyo, le principal concessionnaire Mazda , je me suis pris à penser que mon rêve cher de porter haut les couleurs du drapeau du soleil levant pourrait se réaliser avec les moteurs rotatifs Mazda. Dans le même temps, j'ai eu la chance de voir le film « Le Mans » avec Steve McQueen et je me suis rendu compte qu'il y avait une autre grande course internationale à côté de la F1. Cela m'a beaucoup marqué et je me suis convaincu de m'engager un jour dans cette course. En 1974, nous nous sommes lancés au Mans avec une grande confiance dans nos moteurs rotatifs. Cependant, c'était beaucoup plus dur que nous le pensions et nous n'avons pas pu tenir le challenge. Nous nous sommes rendus compte du faible niveau des courses que nous disputions au Japon et avons mesuré le haut niveau de technique requis par Le Mans, au plus haut niveau mondial des courses d'endurance. »

Votre deuxième course au Mans a eu lieu seulement sept années plus tard, même si vous êtes aussi venus en 1979, mais que vous ne vous êtes pas qualifiés. Pourquoi cette longue interruption ?
« Nous avons réalisé que nous avions beaucoup à faire pour être au niveau des 24 Heures du Mans, et nous avons consacré cette période pour nous préparer du mieux possible avant de revenir dans la Sarthe. En 1979, avec une voiture engagée par Mazda Auto Tokyo, nous n'étions pas encore suffisamment au point pour la hauteur du challenge. En 1981, même si les voitures ont dû abandonner, c'était déjà mieux, et ce fut le début de la suite de mes participations au Mans. »Justement, quelles sont vos meilleurs souvenirs des courses au Mans ?« Je dirais tout d'abord la course de 1982 avec la Mazda RX-7, en compagnie de Takashi Yorino et Allan Moffat, parce que c'était la toute première fois que moi, des pilotes japonais et une voiture japonaise, étions à l'arrivée au Mans. C'était l'aboutissement d'un rêve et en même temps le début d'une aventure.

Après Le Mans, avec mon ami de longue date chez Mazda, Takayoshi Ohashi , nous avons insisté auprès de Mazda sur l'importance du Mans et de la compétition automobile. Nous avons réussi puisque nous avons été à l'origine de la création en 1983 de Mazdaspeed.

Ma deuxième course préférée aux 24 Heures est 1991 ! Pas pour ma propre course, même si nous avons fini huitièmes avec Takashi Yorino et Pierre Dieudonné, mais c'est à cause de la victoire de la Mazda 787B. Là aussi, c'était l'aboutissement d'un rêve... »

Par contraste, quel est votre plus mauvais souvenir au Mans ?

« C'est la course de l'année suivante, en 1992. Il avait fait beau les jours précédant la course mais pendant celle-ci, il a beaucoup plu et je me suis fait piéger dans les virages Porsche, je suis sorti de la piste et nous avons dû abandonner, malheureusement. C'était vraiment dommage, car la voiture marchait très bien et allait très vite .»
C'était une Mazda très spéciale...« Oui, c'est vrai, mais c'était par la force des choses. La réglementation du Championnat du Monde avait été changée par la FIA en 1992, et les moteurs rotatifs n'étaient plus autorisés, il fallait donc changer de moteur. Mazda n'avait pas de moteur V10 et cela aurait coûté trop cher d'en construire un, aussi la marque a décidé de choisir un moteur existant et a adopté le V10 Judd 3,5l qui, après un accord avec Judd, a été badgé Mazda. Comme il n'était pas possible non plus de monter le V10 dans le châssis de la Mazda 787B victorieuse en 1991, le constructeur s'est tourné vers Tom Walkinshaw Racing qui avait des châssis de Jaguar XJR-14 à la suite du retrait du constructeur anglais du Championnat du Monde. La voiture a pris l'appellation de Mazda MRX-01. La deuxième voiture de l'équipe Mazdaspeed  (la #5 de Johnny Herbert, Bertrand Gachot, Volker Weidler, ndlr) a terminé quatrième de ces 24 Heures. »Entre la victoire de Mazda en 1991 et celle de Toyota en 2018, laquelle a été la plus marquante pour les japonais ?« Toutes les deux ont été évidemment très bien accueillies. Je dirais cependant que celle de Mazda a une préférence. D'abord parce que c'était la première et qu'elle le restera, mais aussi parce que la Mazda est considérée comme plus japonaise que la Toyota que les Japonais voient comme plus « européenne », mais ce sont toutes deux belles victoires. »Les Mazda ont ont disputé la semaine passée les 24 Heures de Daytona. Pensiez-vous qu'elles pouvaient gagner la course ?« Je pense que c'était possible. Elles ont été les plus rapides lors des essais dès le Roar et une Mazda a décroché la pole. Les voitures sont performantes et la grande expérience du Team Joest est un grand atout. Les pilotes sont excellents, l'équipe technique aussi, donc la victoire était tout à fait envisageable, surtout avec Joest. »Êtes-vous fier d'être le pilote étranger comptant le plus grand nombre de courses au Mans ?« Bien sûr, je suis fier de ce record, de mes 29 participations. C'est ma plus belle fierté de ma carrière de pilote. Je suis juste derrière Henri Pescarolo et Bob Wollek, deux formidables pilotes. »Quel est le pilote qui vous a le plus impressionné au Mans ?« C'est Jacky Ickx, vraiment. Très impressionnant. Il y a vraiment eu beaucoup de fantastiques pilotes au Mans, mais pour moi, c'est Jacky Ickx.»Un grand merci à Luc Joly et Christian Vignon pour leurs photos.Vous trouverez d'autres photos des 24 Heures de Yojiro Terada, par ordre chronologique, iciA suivre...

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