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Flash back : les débuts à reculons des Sport 3,5 aux 24 Heures du Mans 1991

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28 mar. 2020 • 15:04
par
Laurent Mercier

Depuis 1982 et l’avènement de la catégorie du Groupe C, l’endurance connaît un nouvel engouement. Attirant spectateurs et médias, le championnat du monde, mais aussi les championnats américains, japonais et les 24 heures du Mans séduisent de nombreux constructeurs : Porsche, Lancia, Ford, puis Jaguar, Mazda, Toyota, Sauber - Mercedes, Nissan et Aston Martin… sans oublier les nombreux petits artisans tels que March, Spice, Cougar etc.

Voitures performantes mais à un coût raisonnable, épreuve permettant une égalité de chance entre différents types de motorisations, nombreuses écuries privées à cotés des usines...  La formule est un succès. Pourtant, la Fédération  Internationale de l’Automobile, soutenue par Peugeot, introduit pour 1991 une nouvelle catégorie, celle des voitures de Sport 3.5, qui devra remplacer à court terme les Groupe C1 et C2. La FIA veut des prototypes proches des F1. Mercedes et Jaguar franchissent le pas avec de nouvelles machines spécialement développées pour cette catégorie. Peugeot a déjà étrenné sa nouvelle 905 en fin d’année 1990. Malheureusement, l’introduction des Sport 3,5l a fait fuir des constructeurs tels que Nissan, Toyota (qui reviendra en 1992), ou Porsche (qui n’a pas développé de remplaçante à la 962), sans oublier les gros ennuis financiers chez les artisans constructeurs tels que March ou Spice et les écuries privées qui n’ont pas les moyens de faire courir des voitures de cette catégorie.

Championnat du Monde d’endurance 1991...

Tourné vers le sprint avec des courses de moins de 500km, le Championnat du Monde des voitures Sport perd de son intérêt. Les coûts sont en nette hausse avec des prototypes carbone extrêmement sophistiqués et équipés de moteur type formule 1 qui ne sont pas adaptés à de vraies courses d’endurance comme les 24Heures du Mans. Les championnats japonais et américains en 1991 continueront de mettre en avant les vénérables Groupe C, même si les Sport 3,5 y feront également des apparitions. Sur les trois premières manches avant le Mans, on compte moins de 20 participants ! Les engagés en Sport 3,5 sont Peugeot, Mercedes et Jaguar plus quelques Spice privées. La 905 remporte une victoire contre deux pour les Jaguar XJR14 qui est la machine la plus aboutie en ce début de saison. La Sauber-Mercedes C11 est la seule Groupe C capable de suivre les nouvelles Sport 3,5l avec les 2e, 3e et 4e places finale grâce également au manque de fiabilité des nouveaux modèles.

Le Mans 1991, présentation générale...

Le Mans 1991 marque donc un tournant : la catégorie C2 disparaît et à coté des anciennes Groupe C1, apparaissent donc les Sport 3.5. Certains constructeurs tels que Mercedes et Jaguar doutent de la fiabilité de leur nouvelle voiture sur une course de 24 heures et vont donc venir avec deux types de prototypes, leurs anciennes Groupe C1 et leurs nouvelles Sport 3,5 ! Voulant promouvoir sa nouvelle catégorie, la FIA met en place une règlementation visant à rendre les Groupe C moins compétitives notamment par une limitation de la consommation très sévère, un poids minimum imposé en hausse de plus de 100kg et en octroyant les dix premières places de la grille de départ aux Sport 3.5.

1) Catégorie 1 (Catégorie Sport 3,5): moteurs atmosphériques 3500 cm3 et 12 cylindres maximum. Puissance d’environ 580-650cv. Poids minimum de 750 kg. Pas de limite de consommation

2) Catégorie 2 (anciennes GroupeC1): Moteur libre atmosphérique ou turbo avec équivalence ratio 1.4 de cylindrée.Poids minimum de 1000 kg. Consommation limitée à 2550 litres maximum. Puissance d’environ 720-780cv.Prototypes  Mazda à moteur rotatif avec un poids minimum de 830 kg, moteur d’environ 700-720cv.

Essais, La fronde de Jaguar et Mercedes

Face aux réticences de Mercedes et Jaguar qui jugent leur nouvelles voitures pas encore assez fiables, la FIA oblige les concurrents à être présent aux 24H avec leur Sport 3,5. Jaguar et Mercedes vont contourner ce point de règlement d’une manière assez peu sportive. Mercedes-Sauber, vainqueur en 1989 est donc présent dans la Sarthe avec trois vieilles C11 et une seule nouvelle C291. Jaguar, vainqueur l’édition précédente, dispose de deux nouvelles XJR14 et de quatre vénérables XJR12 LM. Peugeot engage deux 905 et il y aura également neuf autres Sport 3,5 privées (Spice, ALD et Roc). Dans la catégorie des ex-Groupe C, une trentaine de voitures seront engagées.

Coup de théâtre aux essais, la Mercedes C291 fera un seul petit tour de circuit en essais, avec Fritz  Kreutze au ralenti, avant de repartir dans son box ! Jaguar ne fait participer qu’une seule de ses deux XJR14 et décide qu’elle ne sera engagée en course que si elle réalise la pole position ! Malheureusement pour les spectateurs, la superbe XJR14 rate la pole pour six dixièmes et ne participera donc pas à la course. Mercedes et Jaguar n’engageront donc que leur anciennes Groupe C et font ainsi un sacré pied de nez à la FIA. Peugeot sera donc le seul constructeur présent dans la catégorie des Sport 3,5 pour un maigre plateau de onze voitures, et les vénérables Groupe C seront encore en haut de l’affiche au grand dam de la FIA.

La 905 n°5 réalise le troisième meilleur chrono absolu en 3.35.058 et le huitième pour la n° en 3.38.886. Une bonne performance, sachant que les 10 premières places de la grille sont réservées aux Sport3.5. Bref, les deux 905 se retrouvent donc sur la première ligne au départ. Il fait souligner que les meilleurs temps réalisés par les 905 ont étés faits par des T-Car, c'est-à-dire des voitures spécialement conçues à cet effet, bien différentes de celles participants à la course. Ceci ne fait que souligner la superbe pole position de l’ancienne Groupe C, la Sauber C11 n°1 : Schlesser réalise un chrono de 3.31.270 malgré le règlement pénalisant ces voitures. La C11 s’annonce donc comme la grande favorite pour la course sachant que les deux autres C11 réalisent des temps proches de la meilleure 905… A coté, les Spice SE88-89 et 90C à moteur Cosworth et les ROC et ALD privées ne devraient guère opposer de résistance aux françaises avec, au mieux, des temps à 10s des 905. Pourtant, elles partiront devant les voitures ayant réalisé la pole...

Mercedes et Jaguar, favoris et présents avec leurs anciennes Groupe C en ayant boycotté la nouvelle catégorie, Peugeot seul et qui bénéficie des largesses du règlement pour partir en pole, des Sport 3,5 privées plus lentes qui s’élanceront avant les meilleures Groupe C, sans oublier les Porsche 962 privées encore très rapides, les Courage et Mazda à surveiller... La course s’annonce animée et la FIA a déjà presque perdu son pari !

 La course...

Partie de la première ligne, les deux Peugeot 905 profitent de leur position pour prendre le large. Les autres Sport 3.5 partis aux avants postes sont rapidement débordées par les Groupe C officielles dès le passage dans les Hunaudières ! En tête, la 905 n°5 d’Alliot-Baldi-Jabouille rencontre rapidement des difficultés, et au bout de la première heure de course, c’est sa soeur, la 905 n°6 avec K.Rosberg,Y. Dalmas, P-H. Raphanel, qui mène la danse devant, à la surprise générale, deux Porsche 962. Les autres Sport 3,5 sont déjà beaucoup plus loin, avec à la 15e place la 905 n°5 et à la 20e, la Spice n°41.

La chevauchée triomphante de la 905 n°6 ne durera pas : dès la 2e heure, elle est victime de nombreux problèmes mécanique. Les 905 en difficulté, les trois Sauber-Mercedes vont prendre les rênes de la course pendant plus de 20 heures, aidées notamment par les soucis des Porsche 962 moins fiables avec le lest imposé, et les Jaguar dont l’énorme V12 de 7000cm3 est très pénalisé par les restrictions imposées de consommation. Plus aucune Sport 3.5 ne sera jamais classée dans les dix premiers… Après avoir occupé une belle troisième place de catégorie (23e au général) à la deuxième heure, la ROC abandonne rapidement après trois heures de course sur problème de transmission. La galère des 905 ne dure pas longtemps. La n°5 abandonne sur problème moteur à la 6e heure. La n°6 remonte à un moment à la 27e place, mais un problème de boite de vitesse l’immobilise à la septième heure et Keke Rosberg laisse sa voiture sur la piste, ne voulant pas chercher à résoudre un problème de boite de vitesse au grand dam d’un Jean Todt furieux.

L’ALD de Louis Descartes abandonne après de nombreux ennuis : la voie est donc ouverte en Catégorie 1 pour les Spice, notamment pour la SE90C Fedco n°41, la semi-officielle n°8 et la n°39 qui vont se battre comme des chiffonniers pendant plusieurs heures. Malheureusement, seules la Fedco et la n°43 du PC Automotive pourront finir la course.

Aux commandes, la Mercedes C11 n°32 abandonne et la n°31, avec un certain Michael Schumacher auteur du tour le plus rapide en course, est très retardée. La Mazda 787B n°55 et les Jaguar en profitent pour se rapprocher du haut du classement. La C11 n°1 tient bon en tête depuis 16 heures quand un rebondissement survient à 13 heures le dimanche : la Sauber-Mercedes de Schlesser-Mass-Ferté, en surchauffe, s’arrête dans les stands puis rend les armes pour cause de panne de pompe à eau. La Mazda n°55 de Gachot-Herbert-Weidler ravit donc le leadership après une très belle course derrière les Mercedes et saura conserver en fin de course l'avantage sur les gourmandes Jaguar officielles. Johnny Herbert, quand à lui, s'effondrera de déshydratation et de fatigue une fois la ligne d'arrivée franchie et ne sera même pas capable d'aller recevoir les honneurs du podium ! Mazda devient le premier constructeur japonais à gagner au Mans et le premier à imposer un moteur rotatif, relevant un défi de près de dix-huit ans d'efforts.

38 voitures au départ, 16 à l'arrivée dont 12 seulement classées. 22 abandons. Coté Sport 3,5, une seule auto a rallié l'arrivée, la Spice n° 41 de TEDCO qui fini donc 12e et dernière des classées, la n°43 finissant elle non classée. Les frondeurs Jaguar et Mercedes ont perdu leur pari. Les malheurs de Peugeot prouvent que les Sport 3,5 ont encore beaucoup de travail avant d’être fiables, les privés sont dépassés : bref, les débuts des Sport 3,5 sont très difficiles, et la FIA a beaucoup de mal à justifier son changement de politique qui va plonger l’endurance dans une longue période noire.

Classement Final

Pos. / Voiture / Concurrent / Pilotes / Km1 Mazda 787 B N°55 Mazdaspeed Weidler, Herbert, Gachot / 49232 Jaguar XJR 12 N°35 Silk Cut Jaguar Jones, Ferté, Boesel / 48863 Jaguar XJR 12 N°34 Silk Cut Jaguar Wollek, Acheson, Fabi / 48694 Jaguar XJR 12 N°33 Silk Cut Jaguar Wallace, Warwick, Nielsen / 48425 Sauber Mercedes C11 N°31 Team Sauber Mercedes Kreuzpointer, Wendlinger, Schumacher / 48286 Mazda 787 B N°18 Mazdaspeed Kennedy, Sandro Sala, Johansson / 48287 Porsche 962 C N°58 Konrad Motorsport Jelinski, Stuck, Bell / 47198 Mazda 787 N°56 Mazdaspeed Terada, Dieudonne, Yorino / 47069 Porsche 962 CK 6 N°11 Porsche Kremer Racing Reuter, Lehto, Toivonen / 466510 Porsche 962 C N°17 Repsol Brun Motorsport Larrauri , Brun, Pareja / 459711 Cougar C26 S N°12 Courage Compétition. Raulet, Migault, Robert / 450212 Spice SE 90 C N°41 Euroracing – Team Fedco Misaki, Nagasaka, Yokoshima / 4434

Non ClassésNC Porsche 962 C N°53 Team Salamin Primagaz. Haywood, Taylor, Weaver 4297.6NC Cougar C26 S N°47 Courage Compétition Trolle, Brand, Bourbonnais 3984.8NC Spice SE 90 C N°43 Euroracing - PC Automotive Piper, Ricci, Lacobelli... 3808NC Lancia LC 2-90 N°15 Equipe Veneto Giorgio, Coppelli 1509.6

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