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Henri Pescarolo : "Un grand honneur et une grosse responsabilité de faire rouler la Peugeot 908 !"

29 mar. 2020 • 15:36
par
Laurent Mercier

En ce 26 février 2009, la star du jour était incontestablement Henri Pescarolo. La révélation de la liste des 55 voitures admises aux 24 Heures du Mans confirmait en effet ce que Endurance-Info vous révélait quelques jours plus tôt à savoir que Pescarolo Sport allait aligner une quatrième Peugeot 908 aux côtés des deux du Team Peugeot Total et de celle du Peugeot Sport Total. Une annonce qui en a surpris beaucoup tant Henri a toujours clamé haut et fort que les diesels étaient trop avantagés ces dernières années. Oui mais pour autant, le charismatique patron des verts ne s'est jamais déclaré hostile à la présence de type de motorisation en compétition. Et connaissant les liens entre Pescarolo Sport et Peugeot Sport, l'alliance en devenait presque tout à fait naturelle... Nous avions donc évoqué avec Henri cette belle aventure sitôt l'annonce rendue officielle...

A quand remonte vos premiers contacts avec Peugeot Sport ?

« En fait, c'était très peu de temps avant la clôture des demandes d'engagement aux 24 Heures du Mans. Il fallait absolument que je dépose les deux engagements, soit pour deux Pescarolo LM P1, soit pour une seule accompagnée de la Peugeot 908. Au même moment, Olivier Quesnel et Bruno Famin m'ont confirmé qu'ils avaient la possibilité de construire une quatrième voiture mais pas de l'engager eux-mêmes. Nous nous sommes donc lancés mais avec une grosse part d'inconnue car, comme vous avez pu le voir, la mission du comité de sélection est extrêmement délicate. Avec autant de demandes de très haut niveau, il pouvait considérer que cette quatrième Peugeot 908 n'était peut-être pas digne de figurer sur la grille. Nous attendions donc cette journée avec beaucoup d'anxiété...Nous prenions le risque de nous retrouver avec une seule Pescarolo Judd au départ. C'était un cas de conscience. J'en ai donc beaucoup discuté avec mon équipe et nous l'avons assumé car c'est une opération médiatique intéressante, les premiers signes sont là. De plus, il peut s'agir d'un premier pas vers un rapprochement avec un constructeur or vous savez que c'est mon rêve. Souvenez-vous de Reinhold Joest, c'est ainsi qu'il a commencé en travaillant de plus en plus étroitement avec un constructeur. Puis il est devenu le représentant officiel d'Audi. Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé avec Jean-Pierre Nicolas sur l'élaboration du programme 908 avant qu'il ne soit officiellement engagé. J'ai donc beaucoup de relations avec Peugeot et je suis très fier d'avoir été choisi d'autant que c'est la première fois que Peugeot confie une voiture à une équipe privée, que ce soit à l'époque de la 905 ou maintenant avec la 908. Mais c'est également une très grosse responsabilité tout comme l'est celle de construire ses propres voitures, de les engager et de les faire gagner. »

Quand allez-vous recevoir cette voiture ?

« Tout d'abord, une partie de mon équipe va se rendre à Vélizy (les locaux de Peugeot Sport, NDLR) pour en assurer le montage. Je tiens, et Peugeot Sport également, à ce que mes hommes la connaisse bien mais sinon, nous ne la recevrons réellement que fin Mai pour les essais de Magny-Cours où les Peugeot officielles feront un peu de roulage avant la course. »

Dans quelle configuration sera-t-elle ? Identique aux voitures officielles ?

« Pas tout à fait puisque nous ne disposerons pas des évolutions moteurs 2009. Mais nous aurons évidemment les modifications aéro 2009 ainsi, bien sûr, que la climatisation. »

Y aura-t-il une stratégie d'équipe avec Peugeot ou serez-vous libre à 100% de gérer votre course ?

« Je serai autonome dans la mesure ou la mission assignée par Peugeot est d'assurer le plus possible face à Audi, si il arrive quelque chose aux trois 908 officielles, puisque la notre ,comme je vous l'ai dit, ne disposera pas de toutes les évos 2009. Cependant, je ne pense pas que Peugeot me demandera de faire ralentir ma 908 si elle est devant une autre 908. Mais nous sommes vraiment là pour les épauler dans leur mission. »

Cette annonce vous ouvre-t-elle déjà des possibilités avec des pilotes ?

« Pas encore vraiment car cela ne fait que deux jours que l'information a filtré mais je l'espère. Je pense que cela va en intéresser quelques uns et de nouveaux partenaires également. En tout cas, je l'espère. »

Les équipages ne sont pas encore bouclés ?

« Non, ce qui est possible, c'est que je n'aligne pas tout à fait les mêmes équipages au Mans et en Le Mans Series. Car ce qui est sûr, c'est qu'il me faut absolument 6 très bons pilotes aux 24 Heures. Car je n'ai pas du tout envie de sacrifier les chances de la Pescarolo LMP1 étant donné tous les efforts que nous avons faits sur la recherche aérodynamique. C'est une voiture sur laquelle je compte beaucoup, notamment pour l'image que nous souhaitons donner de notre bureau d'études : capable de créer une nouvelle voiture qui marche très bien. Il en faut donc trois très bons pour la Peugeot 908 et trois autres tout aussi bons pour la Pescarolo Judd Cela ne signifie pas que j'aurai des mauvais pilotes en Le Mans Series, mais je pourrai peut-être faire appel à des pilotes à budget. Un peu comme ce que nous avons fait avec Harold Primat l'an passé et qui est aujourd'hui pilote officiel Aston Martin ! »

Peugeot Sport peut-il déléguer certains de ses pilotes pour la 908 ?

« En tout cas, il n'y a aucune obligation de ce genre. J'ai une entière autonomie de ce point de vue là comme pour celui de la décoration, de la gestion ou du sponsoring, il s'agit d'une véritable 908 privée. Cela dit, il est vrai que nous regardons avec Peugeot Sport certaines possibilités... »

Donnerez-vous toujours la priorité à des équipages 100% français ?

« Non, ce sera probablement un peu moins vrai. J'ai longtemps pris le contre-pied de Renault en F1 et suivi la ligne de Jean-Luc Lagardère en n'engageant que des pilotes tricolores. Mais cette année, j'ai des impératifs budgétaires en cette période de crise. Jean Py et le groupe SORA Composites ne sont pas venus à nos côtés en tant que sponsor mais en tant que partenaire, j'ai donc la charge de trouver les budgets pour courir. De plus, cette opération Peugeot va nous coûter un peu plus cher que de faire rouler une deuxième Pescarolo. Je vais donc devoir probablement ouvrir le champ des possibilités. Mais je compte aussi sur l'intérêt médiatique créé par cet engagement pour compenser ce surcoût... »

Quid de la suite de ce partenariat ?

« Nous avons parlé éventuellement de l'Asian Le Mans Series. Cela va dépendre un peu de ce qu'Automobiles Peugeot va décider après Le Mans, chose qu' Olivier Quesnel ignore encore aujourd'hui. Ca intéresse l'ACO, ça m'intéresse et ça intéresserait Peugeot qu'une 908 au moins y aille si eux ne sont pas en mesure de le faire et à ce moment là, nous referions une opération un peu similaire. »

Et pour 2010 ?

« C'est la grande inconnue. J'espère que ce premier rapprochement pourra se concrétiser mais je n'abandonne absolument pas pour autant mon rôle de constructeur. Notre nouvelle LM P1 devrait vous surprendre, elle va être très différente et très efficace, c'est en tout cas ce que dit la soufflerie. Il reste à le concrétiser sur la piste. Je n'oublie pas que j'aimerai vendre des voitures en tant que constructeur mais pour cela, nous devons vaincre sur la piste. »

Vous parlez de la nouvelle LM P1, quand la verrons-nous ?

« Très tard ! Comme vous le savez, j'ai traversé une période de turbulences assez sévère cet hiver et cela nous a mis en retard. Il m'a d'abord fallu sécuriser l'avenir de mon écurie. Nous avons commencé en même temps un très gros programme de soufflerie complet en partant d'une page blanche ce qui est un travail colossal. La configuration est maintenant figée et nous avons lancé la production des masters, des moules et des pièces puisqu'il n'y aura pas un seul élément de carrosserie en commun avec celle de l'an passé. Et j'espère en avoir juste une de prête pour Barcelone. La seconde sera une version 2008 modifiée pour 2009. Les deux seront prêtes pour Spa mais dans le même temps, nous devons fournir OAK Racing. »

Il n'est plus question que OAK puisse en avoir une à sa disposition dès Barcelone ?

« Il en est, malheureusement, de moins en moins question car cela signifierait que nous disposions de quatre jeux de carrosserie dès cette première course et cela m'apparaît maintenant trop juste. »

Une Pescarolo LM P1 Judd essence aux côtés d'une Peugeot 908 diesel, la logistique sera l'un des points clés pour les verts aux prochaines 24 Heures du Mans. Voilà en tout cas une alliance qui donne immédiatement une autre dimension à l'équipe Pescarolo Sport. Avec une obligation de résultats encore plus grande que par le passé. Justement l'année ou le plateau s'annonce comme le plus beau probablement de ces 10 dernières éditions. La tâche est rude mais l'équipe sera bien armée...

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