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Christophe Bouchut : “On aurait dit le chaos, c’était comme un arrêt sur image”

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14 avr. 2020 • 13:40
par
Laurent Mercier
Pilote rompu à l’Endurance depuis plus de 20 ans avec 20 participations aux 24 Heures du Mans dont une victoire en 1993, Christophe Bouchut compte deux départs aux 24 Heures du Mans pour le compte de Mercedes-AMG, d'abord sur une CLK-LM en 1998, puis la CLR en 1999. Ces deux années ont été douloureuses pour le camp Mercedes-AMG, notamment 1999 avec les envols des CLR. Christophe Bouchut est revenu avec nous sur cette épopée CLR au Mans.Comment en êtes-vous arrivé à rouler pour Mercedes-AMG ?“Fin 1997, j’avais reçu de nombreuses propositions pour rejoindre des constructeurs. A cette époque, ils étaient nombreux à rouler en Endurance. Je pouvais piloter pour Audi, BMW et Mercedes. Le hasard de la vie a voulu que je signe chez Mercedes-AMG pour trois ans. En 1998, j’ai pris part au FIA-GT sur la CLK avec en prime les 24 Heures du Mans. Malheureusement, le moteur a fait des siennes et nous avons abandonné.”L’arrivée de la CLR devait permettre de redresser la barre ?“Avant de venir au Mans, nous avions bouclé beaucoup d’essais. Cette CLR était incroyable à piloter et j’en garde un souvenir impérissable. Elle était aboutie, fantastique, le tout avec une tenue de route vraiment bonne malgré ce qui s’est passé. La vidéo (lien) montre très bien la performance de la CLR sachant que je partais des stands avec le plein d’essence. Elle était assez facile à prendre en mains.”Mercedes-AMG s’est tout de même pris les pieds dans le tapis…“ Mercedes avait mis en place une vraie machine de guerre qui n’a rien à envier aux constructeurs actuels. L’organisation était rigoureuse aussi bien dans le développement que la mise au point. Au Mans, il y avait plus de 200 personnes. L’année 1999 a été compliquée. Il a fallu construire une nouvelle auto. A cette époque, Mercedes était très présent en Sprint avec le DTM et le FIA-GT.”La CLK était tout de même bien née ?“L’auto touchait le sol en faisant des étincelles. On a pu voir la même chose la semaine passée lors de la Journée Test. C’est ce qui arrive lorsque le train arrière est rivé au sol pour gagner du temps. En revanche, cela peut occasionner des sorties. La direction de Mercedes-AMG était claire. Il ne fallait pas que les pilotes Mercedes se fassent dépasser par la concurrence. Il fallait attaquer violemment dès le premier tour. Il y avait une pression de folie.”Les remarques des pilotes ont été prises en compte pour Le Mans 1999 ? “J’ai été pris par Mercedes pour mon expérience du Mans et de l’Endurance. Le constructeur a été attentif à mes commentaires après Le Mans 1998. J’avais de suite décelé une légèreté du train avant et j’ai signalé la chose à deux ou trois reprises, non sans avoir agacé le chef de voiture. D’autres pilotes trouvaient que la voiture se comportait très bien. Nous avions beaucoup roulé à Fontana où tout s’était très bien passé. Le problème moteur de 1998 n’était qu’un lointain souvenir. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque, d’autres autos se sont envolées. C’est arrivé au mauvais endroit au mauvais moment, et sous les feux de la rampe.”L’image de l’envol de la Mercedes reste impressionnante…“Peter Dumbreck venait de me relayer. J’étais dans l’auto depuis le début de course. Il était dans son tour de lancement si bien que mon nom était toujours sur le timing. J’étais en plein debriefing avec l’ingénieur lorsqu’on a vu cette image saisissante. Il y a eu un silence absolu dans le stand. On aurait dit le chaos, c’était comme un arrêt sur image. Il n’y avait plus un bruit, que des larmes. Malgré tout, cette auto restera certainement la meilleure que j’ai eu la chance de piloter. La CLR était une vraie auto de guerre. C’était une Formule 1 pour des courses longues. La technique était poussée à la limite.”On peut comparer le milieu des années 2010 à la fin des années 90 sur le plan de la bagarre entre les constructeurs ?” On construit maintenant des autos plus fines et légères. Les courses d’endurance sont devenues un sprint géant. Mercedes avait tout compris. Ils étaient juste un peu en avance sur le temps. Cela peut paraître paradoxal mais cette époque était pour moi très positive. Le Mans est une épreuve difficile et dangereuse. J’ai eu la chance de la gagner. On sait les sacrifices qu’il faut faire. Malgré les envols, Norbert Haug n’a pas été congédié. En 1998, l’affiche faisait rêver. Pour avoir un langage familier, je dirais que “ça a tartiné sévère”. La guerre entre les constructeurs était déclarée. 2015 est l’équivalent de la fin des années 90. Il va y avoir une belle bataille, cela ne fait aucun doute. On ne va pas demander aux pilotes de prendre leur temps. Chacun est sûr de sa machine avec des technologies différentes. Cependant, la course reste la course et les imprévus sont multiples : météo, trafic, technique, accrochage. Il y a tellement de paramètres à prendre en compte. Audi a déjà eu des courses gagnées avant le départ mais cette année ce n’est pas le cas. Ce n’est que mieux pour la course. Je suis content de voir autant d’attrait pour la discipline. Le Mans, il n’y a rien de mieux. Le but n’est pas d’y participer le plus grand nombre de fois mais bien de le gagner le plus de fois.”

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