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Brian Redman (part 2) : "Jacky Ickx, un des mes meilleurs coéquipiers, était exceptionnel !"

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Club des Pilotes des 24H du Mans
11 juin. 2020 • 14:06
par
David Bristol
Suite de notre entretien avec l'un des pilotes de légende des 24 Heures du Mans, le Britannique Brian Redman qui a disputé 15 fois la classique française...Toujours à vos yeux quelle a été la toute meilleure voiture d’endurance ?« C’est difficile de comparer les meilleures voitures d’époques si différentes. Pour moi, la Porsche 917K était fantastique, mais sur les circuits à très haute vitesse comme Le Mans, Spa et Monza, j’étais nerveux, à l’idée que si j’avais un crash, la voiture se casserait peut-être en deux ! Même si je n’ai pas beaucoup piloté la Porsche 962 C (photo de une en 1988 sur celle de Takefuji Schuppan Racing avec Eje Elgh et Jean-Pierre Jarier, 10e au général, ndlr), elle était l'une des toutes meilleures. »Quel a été votre coéquipier préféré en Endurance ? Et au Mans ? Pourquoi ?« J’ai eu la chance d’avoir quelques-uns des meilleurs coéquipiers. Jacky Ickx était exceptionnel, si jeune, mais avec une tête "d’ancien" sur de jeunes épaules. Lors des 1000 Km de Spa 1968, naturellement, il pleuvait. Nous pilotions une Ford GT40 John Wyer. A la fin du premier tour, Jacky Ickx passa devant les stands, on le perdit de vue et on n’entendait plus la voiture. Enfin, 38 secondes plus tard, la deuxième voiture apparut, Vic Elford avec une Porsche 908. Jacky était réfléchi, rapide comme l’éclair si nécessaire et doux avec la voiture, que pouvait-on demander de mieux? Jo Siffert était aussi extrêmement rapide et très drôle, le seul léger problème pour Le Mans, c’est que Jo ne connaissait qu’une seule vitesse, à fond ! »
Avez-vous quelques anecdotes du Mans et pouvez-vous les partager avec nos lecteurs ?« Il y en a tellement…J’en ai raconté beaucoup dans un livre « Brian Redman – Daring Drivers- Deadlly Tracks » dans lequel il y a un long chapitre sur Le Mans. Par exemple, en 1973, je courais pour Ferrari sur une 312 PB avec Jacky Ickx comme coéquipier (#15, voir départ ci-dessous). On m’avait demandé d’essayer la voiture sur le circuit Paul Ricard avant Le Mans. Parmi les concepts que Mauro Forghieri voulait explorer, un était d’abaisser la boîte à air qui fournit l’oxygène au moteur. Il m’a demandé d’en vérifier l’effet sur la circulation de l’air en dégrafant ma ceinture de sécurité à haute vitesse et en relevant la tête. L’effet immédiat fut que mon casque fut aspiré par la prise d’air et, d’un seul coup, j’avais les yeux tournés vers le ciel dans une voiture de course à environ 260 km/h.
L’instinct de survie libère les forces cachées et j’ai réussi à décoller ma tête et à contrôler la voiture. Cela en a fait un intéressant sujet de conversation au dîner : encore un peu de vin, s’il vous plaît (rire) ! Cette année-là au Mans, nous avons abandonné à 33 minutes de l’arrivée et, avec nos 332 tours couverts, nous aurions été classés troisièmes ! Mais il y a évidemment beaucoup d’autres anecdotes.
Ainsi, en 1979, je partageais une Porsche 936 officielle avec Jacky Ickx, Je l’ai relayé après son premier relais et nous étions en tête de la course. A la sortie de la chicane Ford, j’ai senti une certaine instabilité. Il s’agissait en fait d’une crevaison de la roue arrière gauche et je suis parti soudainement en tête-à-queue dans la courbe Dunlop à plus de 250 km/h, réussissant heureusement à éviter de taper dans les rails. Je me suis arrêté à l’entrée du Tertre Rouge. Nous avions une petite trousse à outils dans la Porsche et, avec une petite lame de scie, j’ai enlevé tous les morceaux de pneu qui restaient autour de la jante. Je suis reparti en faisant bien attention de rouler le plus possible dans l’herbe.
J’ai bouclé mon tour de circuit en 38 minutes et je suis resté au stand où les réparations ont duré 53 minutes. Nous étions à ce moment-là 35e. A une heure du matin, nous étions remontés à la septième place, mais Jacky stoppa alors la Porsche dans les Hunaudières, avec des problèmes de pompe à essence. Il réussit à mettre une courroie de rechange et repartit 20 minutes plus tard, avant de devoir stopper à nouveau dans le virage de Mulsanne. Une nouvelle fois, il réussit à repartir au bout de 30 minutes et à rentrer au stand. Norbert Singer me fit monter dans la Porsche et j’ai roulé pendant 45 minutes sous une pluie torrentielle quand je reçus la consigne de rentrer au stand où j’appris que la voiture avait été disqualifiée. Quand Jacky était tombé en panne dans les Hunaudières, un mécanicien lui avait lancé un sandwich, mais un commissaire remarqua que ce sandwich contenait la courroie de rechange et nous avons donc été disqualifiés pour avoir reçu une aide extérieure ! »
Pensez-vous qu’il y a eu une sorte d'Age d’Or de l’Endurance dans les années 70 et 80 ?« Si on regarde en arrière, on peut penser que les courses d’endurance dans les années 70 et 80 étaient un Age d’Or. Cependant, je pense que les prochaines années seront très bonnes pour l’endurance. Aujourd’hui, les courses sont meilleures et plus intéressantes qu’en F1… Si on remonte en 1970, alors que la Porsche 917 K était aussi rapide et même plus rapide sur certains circuits que les Formules 1, une très forte rumeur circulait dans les paddocks disant que Mr Ecclestone allait tuer les courses d”endurance… »

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