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Tony Ménard (Michelin) : "Personne n'a intérêt à ce que ça se passe mal"

IMSA
15 nov. 2021 • 14:30
par
Didier Laurent
Michelin était à l'honneur le week-end dernier au Petit Le Mans disputé sur le Michelin Raceway Road Atlanta. La firme clermontoise équipait la totalité du plateau. Entre la saison 2022 qui va très vite arriver et le LMDh qui doit débuter dans un an, Tony Ménard est très occupé. Le Sarthois de naissance, il est né à Courdemanche, connaît bien l'Endurance.

Petit Le Mans, dernière manche du championnat IMSA, s'est déroulé le week-end dernier sur le Michelin Raceway Road Atlanta. L’occasion de faire le point avec Tony Ménard, le directeur de Michelin Motorsport pour l’Amérique du Nord.

 

Petit Le Mans, c’est un gros week-end pour vous ?

 

"Nous équipons ici toutes les catégories, soit 155 voitures, pour lesquelles nous avons amené 6 000 pneus... En outre, c’est la fin de la saison, certains titres n'étaient pas joués et c’est la course la plus proche du siège de Michelin en Amérique du Nord. C’est important d’un point de vue sportif mais aussi pour notre business. Pour la course, nous avons reçu des personnes de Clermont-Ferrand, 200 employés américains et leurs familles, et nous avons également invité plus de 70 de nos clients les plus importants. Donc oui, c’est un gros week-end."

 

Certains pilotes ont regretté de rouler plus de quatre heures de nuit et avec 5°C en fin de course car celle-ci a été retardée d’un mois. N’aurait-il pas fallu avancer le départ de deux heures pour être plus en phase avec le passé ?

 

"D’un point vue « fenêtre de température » des pneus ce n’est pas l’idéal, mais le départ à 12h10 a été maintenu pour s’assurer d’avoir une meilleure couverture télévisée, ce qui est aussi important pour nous. D’un autre côté, quand on roule au milieu de la nuit à Daytona au mois de janvier il ne fait pas plus chaud."

Mais il existe plusieurs types de gomme...

 

"En DPi, c’est exact, mais pas dans toutes les catégories. Par exemple, en GTD ils ont les mêmes pneus toute l’année, et cela ne pose pas de problème. D’une manière générale, les pneus choisis selon les courses offrent beaucoup de polyvalence. Par ailleurs, c’est aussi le travail du pilote de recourir à la prudence lors des premiers tours avec des nouveaux pneus. Cette année, comme il fait beau la température au sol est restée assez haute jusqu’à au moins deux heures de l’arrivée."

 

L’IMSA et les autorités n’ont pas mis de jauge pour cette course, si bien qu’on croirait que le Covid n’a jamais existé. Du monde partout, pas de masque... Est-ce que cette nouvelle règle est récente ?

 

"C’est tout à fait nouveau, les choses se sont faites progressivement tout au long de seconde partie de la saison avec, selon les états, des règles variables. Par exemple, on sait que la Californie est plus attentive à ces questions, et les mesures de restriction y ont perduré plus longtemps. Ici, en Georgie, c’est plus relâché et cela fait plaisir de voir autant de fans, du public, des gens qui peuvent vivre leur passion, approcher les pilotes et toucher les voitures."

Est-ce que vous êtes satisfait des audiences de l’IMSA à la télévision ?

 

"Les audiences sont en constante progression et sont cette année excellentes. Sur les chaînes principales, l’IMSA devance même le football américain. Nous travaillons avec les organisateurs et d’autres partenaires, pour faire en sorte que la notoriété de l’IMSA grandisse. C’est ce qui manque aujourd’hui au championnat, mais il passera l’an prochain sur une chaîne nationale qui touche beaucoup plus de foyers. Généralement, une fois que les gens connaissent le championnat, ils sont passionnés."

L’arrivée prochaine du LMDh est sur toutes les lèvres dans le paddock. Qu’est-ce que ça va changer chez Michelin ?

 

"Il n’y a pas une journée où on ne travaille pas dessus. Pour nous c’est une véritable opportunité, dans la mesure où le LMDh va être un gros succès en Amérique du Nord. L’engagement de BMW Amérique du Nord en IMSA démontre qu’un constructeur européen qui vise un gros marché comme celui des Etats-Unis voit le LMDh comme une aubaine. Ils seront également en GTD PRO (nouvelle catégorie l’an prochain, Ndlr), il y a une bonne dynamique et 2023 va très vite arriver. Comme tous les constructeurs qui sont engagés dans cette série veulent commencer à faire des tests le plus tôt possible, nous sommes bien occupés."

Il y a les équipes qui ne veulent faire que l’IMSA, et celles qui veulent aussi aller au Mans... Avez-vous une approche différente avec les unes et les autres ?

 

"Toutes les équipes engagées en IMSA ont Le Mans en tête. Même pour les marques américaines. Ce qu’on fait l’ACO et l’IMSA en se mettant d’accord sur un règlement commun, c’est la meilleure chose qui pouvait arriver au monde de l’Endurance. En amenant l’hybride et en ayant un message contemporain sur la mobilité durable, c’est tout simplement parfait."

 

Pourtant, quand on se balade sur les parkings autour du circuit, on ne peut pas dire que l’électrification des voitures semble être le sujet le plus important...

 

"Disons que la voiture électrique est plus ou moins présente dans certaines parties des Etats-Unis... L’IMSA va être la première plateforme de sport automobile à aller vers l’hybride, il va y avoir un gros travail d’éducation des automobilistes et des consommateurs d’une manière générale. Mais comme des constructeurs tels que General Motors et Ford ont annoncé vouloir basculer en tout électrique d’ici 2035, les choses pourraient aller très vite. Le LMDh est une première étape, où on préserve la passion mais où on introduit la réalité du monde actuel."

 

Même si le WEC et l’IMSA vont partager un règlement unique, n’y voyez-vous pas un risque de guerre sur fond de concurrence entre les deux organisations ?

 

"Personne n’a intérêt à ce que ça se passe mal. Tous les efforts réalisés des deux côtés depuis deux ans vont dans le bon sens, et je suis confiant pour la suite. Les réunions sont constructives, des gens de l’ACO sont ici ce week-end, je sais que ceux de l’IMSA sont régulièrement de côté du Mans... Je pense que tout ira bien."

Est-ce qu’on peut dire que Michelin Motorsport va vivre sa période la plus captivante et la meilleure pour son business ?

 

"C’est déjà très captivant ! Il ne faut pas oublier qu’en IMSA il y a 18 constructeurs, ce qui constitue une opportunité de travailler sur l’activité motorsport mais pas seulement. En connectant nos collègues des autres lignes de business avec nos partenaires, nous pouvons aborder d’autres sujets comme par exemple la première monte. Nous sommes également créatifs et construisons des ponts avec les autres entités du Groupe. Le week-end dernier, nous avions par exemple invité les huit influenceurs automobiles les plus importants des Etats-Unis pour leur faire découvrir la course, pour aussi participer à un concours de cuisine avec un chef étoilé du Guide Michelin. Pour le « chairman diner », ici au circuit, nous avons également organisé une dégustation de vin avec notre filiale Robert Parker. Cela semble éloigné de notre cœur de métier, mais c’est aussi comme ça qu’on légitime le motorsport à l’intérieur du groupe. On est d’un côté capable de faire des pneus « laboratoire », contenant 46% de matériaux durables comme on a pu le voir sur la H24 à hydrogène au Mans, et d’un autre d’aider nos autres entités à développer leurs activités. Cela nous occupe beaucoup et c’est passionnant."

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