L'anecdote du jour : 2020, un restaurant vide...

L’édition 2020 des 24H du Mans restera dans les annales. Avec une course organisée en septembre à huis clos et non en juin, on était loin des 250 000 spectateurs des années précédentes. Tout était différent : le manque d’ambiance, la complexité pour approcher les acteurs. Pourtant, l’essentiel était là avec une course qui pouvait avoir lieu. Cependant, tout était compliqué à une exception près : entrer et sortir du circuit. Sans public, aucun embouteillage aux alentours du circuit. Il était très facile de sortir déjeuner et de revenir sans perdre trop de temps. 

Le samedi de la course, il m’est arrivé quelque chose qui je pense ne m’arrivera qu’une seule fois dans ma vie au Mans. Je faisais partie des chanceux à avoir un accès paddock, donc d’être dans la bulle course. Avec un départ donné à 14h30, il fallait donc déjeuner assez tôt sachant que, comme mes petits camarades, je n’avais pas accès à la grille de départ. Quand tu viens aux 24H du Mans, l’une des solutions de facilité pour se restaurer est d’aller à Dell’Arte au bord des Hunaudières avant la première chicane. Aussi étrange que cela puisse paraître, le restaurant était ouvert durant la course. Il fallait pour cela aller se stationner sur le parking jouxtant le MMA et terminer à pied en passant par un barrage de CRS. 

Pour cette expédition culinaire, je ne suis pas seul mais bien avec Cyrille Taesch-Wahlen, ancien directeur général de l’Asian Le Mans Series, et Frédéric-Henry Biabaud, consultant pour l’ACO qui connaît lui aussi très bien le dossier asiatique. L’idée est d’échanger sur la prochaine saison de l’Asian Le Mans Series en passant un bon moment avec deux personnes que j’apprécie. Nous voilà donc en direction du parking chacun dans sa voiture pour terminer les cent derniers mètres à pied. Le hasard du calendrier veut que ce soit le jour de mon anniversaire. Hé ouais, le COVID-19 a eu raison de la date initiale des 24H du Mans mais j’ai été plus fort en plaçant la nouvelle date le jour de mon anniversaire. 

Avant d’arriver au restaurant, il a fallu emprunter un petit chemin entre deux grillages, un peu à l’image d’un labyrinthe. On rentre dans le restaurant et là on s’aperçoit que nous sommes seuls. Cette grande pizzéria/restaurant qui d’ordinaire fait salle comble est déserte. On choisit une grande table, protocole sanitaire oblige. A trois, nous avons le choix et on décide de se placer près de la baie vitrée avec une légère vue sur la piste. 

Avec trois pauvres malheureux clients, la commande se passe vite et les plats arrivent tout aussi rapidement. On discute et à un moment, on voit les voitures des 24 Heures du Mans, le son qui va avec, passer derrière nous pour aller se mettre en grille. Pour vous, cela ne représente certainement rien. Moi, je me dis que le jour de mon anniversaire, j’assiste à la plus grande course automobile du monde, je déjeune dans un restaurant à quelques mètres de la piste à moins d’une heure du départ dans un endroit désert de chez désert avec des autos en fond qui font un bruit strident. Cette sensation est étrange. La situation était totalement improbable et impossible sans cette pandémie. 

Nous avons quitté la salle en laissant l’endroit sans la moindre âme qui vive. Quelques minutes plus tard, tous trois étions de retour sur le circuit comme si rien ne s’était passé. Il est 14H30, la course pouvait débuter. Jeudi soir dernier, en arrivant au Mans, je suis allé diner chez Dell’Arte après avoir montré patte blanche à l’entrée. Je suis passé devant cette grande table en repensant au 19 septembre 2020. On vit quand même une drôle d’époque….