Jérôme Policand (AKKA-ASP) : "Ce serait un soulagement de remporter cette course"

En juillet 2011, Jérôme Policand était du genre plutôt défaitiste au moment de faire rouler ses Ferrari 458 Italia GT3 aux 24H de Spa. Les GT3 italiennes n'avaient jusque-là rien prouvé sur la longueur. Finalement, le patron de SOFREV-ASP était reparti de Belgique avec la coupe de la victoire Pro-Am dans sa besace. 

Cinq ans plus tard, le même Jérôme Policand faisait débuter la Mercedes-AMG GT3. Dès le départ, sa Mercedes de pointe, comme les autres, devait marquer une pénalité de 5 minutes. A l'arrivée, il a manqué moins de deux minutes pour aller chercher la victoire. 

Cette année, AKKA-ASP Team vise clairement la victoire avec ses trois Mercedes-AMG GT3, deux pour le général, une en Silver. Est-ce que pour autant Jérôme Policand est serein ? Non car les 24H de Spa réservent toujours des surprises qui parfois sont bonnes, parfois sont mauvaises. Pourtant, l'ancien pilote fait rouler des autos sur le double tour d'horloge ardennais depuis 2011. A Spa, plus qu'ailleurs, rien n'est écrit à l'avance avec 58 autos en piste d'une même catégorie. Entretien...

Tout est prêt ? 

"Un dernier roulage a été effectué à Albi juste avant de partir à Spa-Francorchamps. Pour être honnête, je n'avais pas vraiment étudié la liste des engagés jusqu'à maintenant. J'ai vu qu'il y avait quelques Porsche supplémentaires. Pour nous, les deux années où on ne nous attendait pas, 2016 et 2017, sont celles où nous avons eu de bons résultats." 

Spa se prépare différemment du Mans ?

"L'équipe compte une seule participation aux 24 Heures du Mans. Spa est la course où il faut plus que de la réussite. Il faut aussi de la chance car on met près de 60 GT3 ensemble. Le niveau de compétitivité est très haut. A Spa, beaucoup d'autos peuvent l'emporter. On y trouve même des équipages Silver qui sont des outsiders. Avec uniquement des GT3 en piste, la gestion du trafic est différente et plus compliquée." 

C'est d'autant plus embêtant avec une Mercedes-AMG GT3 ? 

"Le trafic n'est pas le point fort de la Mercedes. Toutes les autos sont sensibles à l'aéro, la Mercedes l'est encore plus. C'est clairement visible dans le trafic avec une auto en manque de Vmax. Depuis deux courses, pas mal d'autos ont été allégées, peut-être pour une question de dégradation des pneumatiques. Nous sommes à 1310 kg. Avant, on oscillait entre 1330 et 1320 kg. A Spa, la Mercedes est à l'aise dans le secteur 2 mais ce n'est pas là où tu doubles le mieux." 

Les conditions de piste sont importantes ? 

"Si on passe la nuit et qu'on arrive le dimanche midi dans le tour du leader, il faut que les réglages de la voiture soient en adéquation avec la piste. Chaque année, des autos sont plus rapides en fin de course juste parce que la fenêtre est bonne grâce une piste gommée ou lavée. En 2017, les Audi étaient redoutables en fin de course. On l'a vu aussi en FFSA GT le week-end dernier entre les deux courses. Il a fallu repenser les réglages entre les deux manches même si on connaît bien les autos. C'est ce qui caractérise le circuit de Spa avec un tracé à forte dégradation."

La pression est importante ? 

"Je ne mets pas une pression de dingue même si ce serait un soulagement de remporter cette course. Il y a tellement de paramètres qu'on ne peut pas contrôler." 

Les limites de la piste vont jouer un rôle essentiel ?

"Nos pilotes sont briefés. Je pense que c'est plus compliqué de tenir les limites de la piste en GT4 qu'en GT3. Nous avons testé le système 3D Timekeeping au Paul Ricard et à Zandvoort. C'est une bonne chose que quelque chose soit fait. Le système est bon et il faut juste pouvoir l'analyser en temps réel. Tu prends un drive through à Spa, t'es mort. Sur un autre circuit, c'est moins un problème. Ici, la sentence est multipliée. Selon moi, il est possible de gagner la course en respectant les limites de la piste. Il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège de "l'autre le fait, alors j'en fais autant." Les limites de la piste prennent beaucoup d'énergie."

La voiture engagée en Silver se gère différemment ? 

"La Silver est à la fois la plus dure et la plus facile. Il faut juste dérouler et éviter les problèmes. C'est assez rare que ce soit la voiture la plus rapide qui l'emporte. En Silver, on ne peut pas se montrer et vouloir un podium. Les deux sont incompatibles. En Pro, il faut imprimer un rythme pour être devant. En Silver, il y a toujours un moment durant la course où le pilote peut s'exprimer même si c'est rarement sur la première partie de course. Au petit matin, les positions sont plus étirées." 

Avoir une seule auto à Spa est plus facile ? Trois permet d'optimiser ses chances de victoire ? Quelle est la meilleure recette ? 

"Faire rouler trois voitures à Spa n'est pas évident, d'autant plus quand les trois peuvent gagner. D'une façon générale, le championnat GT World Challenge Europe demande quasiment autant d'ingénieurs que de mécaniciens. Sans les pilotes, entre le GT3 et le GT4, nous serons une quarantaine de personnes à Spa. Pour la course, ce sera dix personnes par auto."

On entend moins parler de BOP ces dernières années. C'est aussi votre avis ? 

"Les autos actuelles sont en fin de cycle, elles sont donc connues et reconnues. Ces dernières années, toutes les GT3 offrent la possibilité de gagner le championnat. La BOP est bien faite. Spa est autant une histoire de BOP que de fenêtre de performance. Il faut aussi tenir compte des pneumatiques avec un contingent limité à 30 trains des essais libres à l'arrivée. Si la course se déroule uniquement sur le sec, cela peut poser des problèmes. Cette année, nous aurons un réservoir de 110 litres contre 114 en 2020, ce qui devrait correspondre à un tour de moins."