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La cohabitation LMH – LMDh, l'Hydrogène et l'avenir de l'Hypercar... Thomas Laudenbach (Porsche) se confie

WEC
IMSA
7 mar. 2025 • 16:15
par
Thibaut Villemant
Lors d'une table ronde organisée avec divers médias au matin des 1812 km du Qatar, le vice-président de Porsche Motorsport a évoqué l'avenir. L'Allemand a confirmé son désir de voir la réunification des deux règlements techniques LMH et LMDh, tout en émettant des doutes sur l'Hydrogène et la voie à suivre. Morceaux choisis...
© DPPI / FIA WEC

Le règlement vous interdit d'en parler, mais la BoP a encore été au centre de moult discussions dans le paddock. Si vous deviez revenir en arrière, auriez-vous milité pour un système différent ?

Je ne pense pas que cela fonctionnerait. Pourquoi cela fonctionnerait-il ? C'est le principe actuel. Vous avez un ensemble de règles techniques et sportives et vous êtes libre de faire tout ce que vous voulez. Je veux dire, tout le monde essaie de mettre en place des règles qui, en fin de compte, permettent la compétition et, de l'autre côté, permettent de contrôler les coûts. Chaque système a ses inconvénients. Donc si j'avais une meilleure idée, je la mettrais sur la table. Mais tant que je n'en ai pas, nous nous devons d'être justes et faire avec ce que nous avons.

 

Le WRC et la Formule 1 devraient, à terme, se passer de l'hybride. Pensez-vous que cela puisse être aussi une solution en Endurance ?

Je pense que c'est une erreur à long terme. Si le sport automobile pense qu'il peut donner l'orientation générale de la mobilité, il va mourir. En ce qui concerne les groupes motopropulseurs, ils doivent continuer à être pertinents pour les voitures du commerce. Le sport doit faire ce qui est bon pour la route, régie par une législation.

 

Donc vous ne pensez pas qu'à terme, on pourrait tout baser sur l'efficience des moteurs ?

C'est peu probable. Ce serait stupide de l'exclure totalement, mais honnêtement, si l'électrification a baissé de régime, cela ne signifie pas que l'électrification n'aura pas lieu. Nous sommes de grands partisans des eFuels. En conjonction avec l'électrification, et non en concurrence, point sur lequel je me dois d'insister.

 

Si une série fait la part belle à cela, ça me va. Ce n'est pas encore le cas. À l'exception de notre Supercup, il n'y a pas de course misant sur les eFuels. Et je ne pense pas que la probabilité qu'il y en ait soit grande. Peut-être cela changera-t-il si la sensibilisation du public et la législation traitent les eFuels différemment. Mais pour l'instant ce n'est pas le cas.

La Porsche Supercup fait la part belle aux carburants de synthèse - © Porsche

Donc pour quoi militez-vous, en Endurance, sur le plan technique ? Sur le prolongement des règles actuelles ?

Si nous parlons généralement des prochaine règles à adopter, la chose la plus importante est de se débarrasser de ces deux règles différentes, de ne plus parler de LMH et de LMDh. Je pense que c'est la première chose.

 

Il est logique d'opérer avec une liberté technique limitée afin de contrôler nos budgets, ce qui est très important. Le LMP1, sur le plan de l'ingénierie, c'était génial, mais nous savons comment ça a fini.

 

Donc je pense que, sans être très précis, il y a peut-être un compromis à trouver entre le LMH et le LMDh. Il faudrait demander aux constructeurs ayant opté pour la réglementation LMH ce dont ils ont besoin.

 

Globalement, on le sait déjà, ils ne veulent s'appuyer que sur des éléments conçus en interne...

Ferrari a déclaré que l'important était que le châssis soit le leur. Honnêtement, je ne sais pas exactement ce qu'il en est pour Toyota. Pourquoi ne pas examiner ces points et en extrapoler de nouvelles règles ? Je pense que c'est extrêmement important, car cela nous permettrait au moins de mettre fin à certaines discussions. Et, encore une fois, le plus important est que la technologie utilisée soit pertinente pour la voiture de route.

Thomas Laudenbach - © Porsche

Comment procéder ?

Nous devrions nous intéresser à la mise en place d'une plateforme saine et stable. Je ne dis pas que nous devons faire appliquer les règles LMDh. Mettons simplement ces deux ensembles de règles côte à côte et discutons avec les constructeurs de ce qui est important pour chacun d'entre eux.

 

Parlez-vous là principalement de la cohabitation entre deux et quatre roues motrices ?

Cela ferait bien évidemment partie de la feuille de route, même si loin de moi l'idée de dire que c'est mal contrôlé. Mais oui, il s'agit d'une différence de taille d'un point de vue structurel. Il est possible d'aboutir à un seul et unique règlement technique. Et dans un monde idéal, tant en WEC qu'aux Etats-Unis (en IMSA. Ndlr). Le marché américain est très important pour nous et un règlement commun facilite la vie à tout le monde.

 

L'hydrogène pourrait-il être la solution ?

Ce n'est pas un secret, nous surveillons attentivement l'hydrogène. Mais jusqu'à présent, nous ne pensons pas que l'hydrogène jouera un rôle majeur pour ce qui concerne le transport de personnes. Je parle là du transport de passagers, et pas de voitures de sport, or nous sommes un constructeur de voitures de sport. C'est un point qui ne serait pas très attractif pour nous si ça devait être la voie à suivre.

 

L'arrivée de l'hydrogène ajouterait une troisième plateforme en plus du LMH et du LMDh dans la catégorie-reine. Cela vous inquiète-t-il ?

C'est quelque chose qui m'inquiète. Bien sûr, c'est bien d'autoriser des concepts différents. D'un côté, c'est sexy et intéressant, mais nous voyons tous à quel point il est difficile d'équilibrer ces différentes technologies. En LMP1, nous avions une équivalence de technologie, qui était plutôt bien gérée. Mais il n'y avait que trois constructeurs. Maintenant, nous en avons huit, voire dix. Le niveau est extrêmement élevé.

© Toyota

Je préférerais qu'il n'y ait pas trop de voies différentes à balancer, car c'est une tâche très difficile, surtout quand on a 20 voitures et des constructeurs de haut niveau. Tout le monde est à la limite, en s'appuyant de surcroît sur des équipes très professionnelles. Cela devient de plus en plus difficile car sur la piste, la différence se fait sur des détails. C'est sous-estimé par beaucoup aujourd'hui.

 

Mais ce nouveau règlement à venir, n'est-ce pas maintenant qu'il faut en débattre ?

Il faut commencer maintenant. Il faut entamer la discussion car cela va prendre des mois, voire plus. C'est génial ce que nous avons ici en WEC. Quand vous êtes dans les gradins et que vous voyez cette vingtaine d'Hypercars passer, ça donne la chair de poule. Mais nous ne devons pas penser que tout est acquis. Ce n'est pas comme si nous étions super, super, super stables. Je ne pense pas que nous le soyons. Notamment car les budgets sont plus élevés que ce à quoi nous nous attendions tous. Et je ne parle pas seulement pour Porsche, mais aussi pour nos concurrents.

 

De beaucoup ?

De manière significative. Je pense que les composants provenant des fournisseurs communs (chaîne de transmission LMDh. Ndlr) sont finalement plus onéreux sur la durée. Les prix ont augmenté ces dernières années, les frais de déplacement également. C'est plus que ce que nous pensions lorsque nous avons reçu l'aval pour lancer le programme. Et si vous avez 10 constructeurs, il n'y en a qu'un seul qui peut aller voir son conseil d'administration le lundi en se vantant d'avoir gagné.

© IMSA

Nous verrons comment cela se passe. C'est maintenant qu'il faut réfléchir à ce que nous pouvons faire pour que cela reste stable et sain pour la prochaine génération. Rester assis au soleil et nous réjouir de la situation serait une grossière erreur.

Tout le monde n'a pas la même vision de ce que nous devons faire. Probablement que la meilleure chose serait une initiative menée par les constructeurs. Mais ce n'est pas facile à coordonner. 

 

Ne serait-ce pas aller à l'encontre de ce que souhaite le tandem ACO/FIA, qui tient à adopter l'Hydrogène ?

Je ne serais pas aussi affirmatif. Je pense que la FIA et l'ACO seraient reconnaissants si les constructeurs faisaient une proposition commune. Bien sûr, nous sommes dans les groupes de travail. Mais peut-être que la première étape serait d'aboutir à une idée commune à présenter à la FIA et l'ACO. Tous ces groupes de travail sont bien évidemment téléguidés par les instances dirigeantes.

 

Au vu des difficultés rencontrées par l'industrie automobile actuellement, êtes-vous inquiets quant à vos programmes sportifs ?

Il devient de plus en plus difficile de sacrifier des budgets pour le sport automobile. Si vous participez à trois championnats de manière officielle (IMSA, WEC et Formule E en ce qui concerne Porsche. Ndlr) la question de savoir s'il faut continuer partout se pose. L'industrie automobile traverse une période difficile, ce n'est un secret pour personne. 

 

Pour Porsche, la question n'est jamais de savoir si nous devons faire du sport automobile, mais plus de savoir si nous faisons ce qu'il faut ou si nous en faisons trop. Mais dans toute entreprise, c'est un sujet qui est abordé chaque année. La discussion est devenue plus difficile, c'est vrai.

Commentaires (14)

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Giralda

7 mar. 2025 • 17:21

Très interessant, surtout si on lit entre les lignes …

AMICALEMANS

7 mar. 2025 • 17:28

Je comprends son discours. Néanmoins, quand des constructeurs arrivent en endurance parce que leurs camarades sont déjà présents pour vendre leurs produits et leur technologie, cela vous donne le niveau de compétition qui est très élevé.

Gurneyflap

7 mar. 2025 • 18:23

" Le WRC et la Formule 1 vont, à court terme, se passer de l'hybride…."
puissance 50/50 thermique/électrique pour la F1 à partir de 2026, si c’est ça se passer de l’hybride ?!

dmeyers

7 mar. 2025 • 18:46

@Gurneyflap : Exact, cette question est lunaire !!!
@Giralda : Entre les lignes je pense comprendre qu'il voudrait bien (avec peut être d'autres constructeurs) faire son/leur propre règlement ! Quant aux budgets, c'est bien Porsche qui fait/à fait beaucoup plus de journées d'essais que les autres, produits des autos clients, double IMSA et WEC, personne ne les a obligés !

Giralda

7 mar. 2025 • 18:51

J’ai surtout lu par ailleurs, que Porsche a de grosses difficultés avec l’électrique et a perdu beaucoup de sous en Asie…
Oui un programme de course coûte cher …